La reprise collective est un processus qui implique la présence d’un collectif ayant un besoin ou un intérêt suffisamment fort envers une entreprise pour être prêt à investir l’effort et les ressources nécessaires à son rachat. La motivation est essentielle, mais n’est pas à elle-seule un gage de succès. En effet, laissé à lui-même, un groupe pourrait manquer d’expertise et de savoir entrepreneurial pour mener à bien un projet de reprise. C’est pourquoi la présence d’acteurs de soutien et de diverses organisations pouvant accompagner ou orienter le collectif est un facteur de succès important. Le but de cette section est d’outiller la ressource d’accompagnement dans son rôle de soutien au repreneur collectif.
Accompagner la RC: introduction et enjeux
Les besoins d’accompagnement des repreneurs
Quelle posture et quelles compétences doit avoir la ressource d’accompagnement dans son soutien aux repreneurs collectifs ? Selon l’avancement du processus de reprise collective (RC), l’accompagnateur doit appuyer et guider les démarches des repreneurs collectifs avec des conseils avisés, mais aussi être une courroie de transmission vers d’autres ressources spécialisées, le moment venu. Selon l’expérience vécue par les repreneurs collectifs sondés par le CÉRSÉ, les besoins d’accompagnement touchent des thématiques variées telles :
Vu la diversité de connaissances et de compétences requises, l’accompagnateur ne doit pas hésiter à recommander les repreneurs collectifs à des ressources spécialisées. C’est à l’accompagnateur d’orchestrer les rencontres et les approches nécessaires, selon les besoins.
L’écosystème d’accompagnement en RC
Historiquement, le Québec a toujours reconnu l’apport de l’économie sociale au développement économique et territorial. Cette reconnaissance, formalisée par l’adoption de la Loi sur l’économie sociale, a permis le développement d’un écosystème de structures d’accompagnement et de financement dédiées aux entreprises d’économie sociale (EÉS).
On retrouve parmi ces organisations :
- la Coopérative de développement régional du Québec (CDRQ), présente dans toutes les régions du Québec
- le Réseau COOP, fédération des coopératives gérées par les travailleurs et travailleuses
- les fédérations sectorielles de coopératives, selon le secteur d’activité économique
- les Centres locaux de développement (CLD) ou les Municipalités régionales de comté (MRC)
- les Sociétés d’aide au développement des collectivités (SADC) ou les Centres d’aide aux entreprises (CAE)
- les services d’accompagnement sectoriels (comme le Collectif des entreprises d’insertion du Québec), par exemple
- les Pôles régionaux d’économie sociale
Généralement, ces organisations et structures d’accompagnement offrent des services comme la validation du projet et du modèle d’affaires, l’aide au montage financier et à la recherche de financement, l’aide à la gouvernance et à la gestion des ressources humaines ou à la mise en relation vers des partenaires et organismes spécialisés en ÉS, entre autres.
La plupart du temps, l’accompagnateur d’un projet de RC proviendra de l’une de ces organisations et, pour certains, sa compréhension des enjeux de l’ÉS et du transfert d’entreprise peut être très sommaire. De là l’importance de faire appel ou de référer à des experts.
En dehors des institutions financières dites « classiques », diverses organisations soutiennent la création et le développement des EÉS comme :
- le Réseau d’investissement social du Québec (RISQ)
- la Fiducie du Chantier de l’économie sociale
- Investissement Québec
- la Caisse d’économie sociale
- Filaction
- Fondaction
Des programmes gouvernementaux et des fonds dédiés à la reprise collective, et plus largement à l’économie sociale, sont aussi disponibles.
Vous retrouverez la liste des principales sources de financement dans les répertoires Programmes et outils financiers – RC & ÉS, ainsi que Programmes et outils financiers – généraux sur ce site Internet.
Le Centre de transfert d’entreprises du Québec (CTEQ) l’organisation mandatée par le gouvernement pour soutenir le transfert d’entreprises sous toutes ses formes. En matière de reprise collective, le CTEQ collabore étroitement avec l’écosystème de l’économie sociale pour faire la sensibilisation de ce type d’acquisition, afin de favoriser ce mode de transfert. Le CTEQ accueille aussi les cédants désirant vendre leur entreprise, en plus d’offrir de programmes de financement adaptés.
Le Chantier de l’économie sociale et le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM) sont les interlocuteurs privilégiés par le gouvernement.
Les différentes façons de reprendre collectivement
La RC est un mode de transfert d’entreprise qui permet à des acteurs internes ou externes de reprendre collectivement une entreprise pour l’exploiter conformément aux règles d’action d’une entreprise d’économie sociale (EÉS). Un projet de reprise collective est porté soit par une nécessité, soit par une aspiration ou par une combinaison de ces deux motivations.
Pour procéder à une RC, les repreneurs collectifs recourront à l’une de ces trois stratégies possibles :
- la reprise interne réalisée par les employés (avec ou sans successeurs familiaux)
- la reprise externe effectuée par des acteurs externes (clients, fournisseurs, investisseurs, membres de la communauté ou une combinaison de ces parties prenantes) ou par une EÉS existante
- la reprise mixte ou « d’hybride » réunissant différents types de repreneurs, soit des successeurs familiaux et des salariés ou des salariés et des repreneurs externes, entre autres
Pour réaliser une reprise, qu’elle soit ou non collective, on utilise deux modes d’acquisition, soit l’acquisition partielle ou totale des actions de l’entreprise en vente ou l’acquisition de ses actifs (corporelles et incorporelles). Dans le cas d’une acquisition partielle, les bailleurs de fonds en ÉS pourraient demander un seuil minimal d’actions procurant un droit de vote, ainsi qu’un plan visant à devenir éventuellement majoritaire. S’il s’agit de la création d’une coopérative de travailleurs actionnaire (CTA), on recommande de référer les repreneurs vers la CDRQ considérant la complexité de ce type de transfert.
Dans certains cas, les repreneurs collectifs créeront une nouvelle EÉS pour réaliser la reprise, alors que dans d’autres cas, ce sera une EÉS déjà en activité qui fera l’acquisition. Selon que l’EÉS soit créée ou pas, selon le type de repreneurs (interne, externe ou mixte) et selon le mode d’acquisition (partielle ou totale), on peut orienter les formes juridiques qui peuvent en résulter.
Le tableau suivant résume ces possibilités :
L’évaluation du potentiel de la RC
Dans la plupart des cas de reprise, l’évaluation de l’entreprise en vente repose presque uniquement sur des éléments d’ordre comptable et financier : qualité des actifs, développement du marché, performance financière, etc. Pourtant, la présence de dimensions sociales et collectives telles qu’une gouvernance intégrant des parties prenantes dans la prise de décisions ou des préoccupations sociales incluses dans la mission ou les orientations de l’entreprise en vente pourrait faciliter le travail des repreneurs collectifs, par exemple lors de leur recherche de financement, mais surtout pendant l’étape de transition et de management de l’entreprise rachetée.
Quel sera le travail à accomplir dans la « transformation » d’une société par actions (SPA), par exemple, vers une EÉS ? Si l’entreprise en vente affiche des affinités avec certains principes, valeurs ou modes de fonctionnement de l’économie sociale, la transition sera plus aisée pour l’équipe repreneuriale. L’accompagnateur sera donc attentif à amener l’équipe de repreneurs collectifs à se poser des questions servant à évaluer le potentiel de reprise en lien avec les principes et les attendus de l’économie sociale.
La planification de la gouvernance
La mise en pratique des principes de l’économie sociale, tels qu’inscrits dans la Loi sur l’économie sociale, mérite une attention particulière de la part de l’accompagnateur lors d’un cas de RC, spécialement lorsqu’il s’agit de construire les bases de la gouvernance (ou l’adapter si besoin) de l’EÉS. En effet, selon le type de RC (acquisition réalisée par une nouvelle EÉS créée pour reprendre ou par une EÉS existante), la démarche soulèvera des enjeux liés à la gouvernance comme la constitution de son membrariat et/ou l’intégration des parties prenantes (si désiré) de l’entreprise rachetée.
Si la reprise collective est réalisée par une EÉS existante, des enjeux concernant la gouvernance sont à considérer selon qu’il s’agit d’un rachat partiel ou complet de l’entreprise à acquérir et du type de reprise (fusion, continuation ou création d’une filiale). Le travail de l’accompagnateur amènera les repreneurs collectifs à s’interroger sur les répercussions des choix possibles et à planifier, le cas échéant, l’intégration des parties prenantes de l’entreprise nouvellement acquise.
Dans le cas où le processus de RC passe par la création d’une nouvelle entité, le repreneur collectif devra réfléchir à la forme juridique qui s’adaptera le mieux au projet. En effet, ce choix aura une incidence sur les possibilités de développement, d’accès au financement, de mobilisation de parties prenantes et d’adhésion de nouveaux membres, pour ne nommer que les principales. Qui seront les membres ? Quelles catégories ? Quelle sera leur participation dans la prise de décisions, mais aussi leur contribution dans les opérations et le chiffre d’affaires de l’EÉS ? Bref, encore ici, l’expertise de l’accompagnateur s’avère primordiale et, comme on l’a déjà mentionné, il ne faut pas hésiter à faire appel à des ressources dédiées.
L’accompagnateur aidera aussi les repreneurs collectifs à s’évaluer afin de faire ressortir leurs forces, planifier leurs besoins (en services-conseils et en développement de compétences, par exemple) et créer le comité provisoire qui sera responsable des démarches de RC. Nous abordons ces enjeux dans la section Planifier la gouvernance.
Le financement de la RC
Pour n’importe quel projet de financement d’entreprise, le rôle d’accompagnateur est déterminant pour un bailleur de fonds, il en va de même pour un projet de reprise en mode collectif. Puisque l’accompagnateur sera l’interface entre les repreneurs collectifs et les conseillers financiers, on attend de sa part non seulement une compréhension fine des enjeux locaux, sectoriels, de l’économie sociale et du projet de RC, mais aussi une bonne capacité à développer des liens de confiance avec l’équipe repreneuriale et les acteurs du milieu. C’est la ressource d’accompagnement qui aura la responsabilité, entre autres de :
- faire la liste des programmes et sources de financement pouvant s’appliquer au projet de RC
- faire appel à des ressources professionnelles pour toute évaluation (JVM, prix de vente, etc.) et étude requise
- accompagner les repreneurs collectifs dans leurs négociations avec le cédant
- valider (ou soumettre pour validation aux ressources adéquates) les hypothèses et orientations du projet
- conseiller (ou référer à un expert) sur le meilleur mode d’acquisition pour la reprise
- présenter aux bailleurs de fonds la documentation requise
- faire des liens entre les différents partenaires financiers et les réunir au besoin avec le repreneur collectif pour clarifier et harmoniser les paramètres de financement
- s’assurer que le plan d’affaires réponde aux critères d’évaluation des bailleurs de fonds dits classiques et de l’économie sociale et que le montage financier final soit bien ficelé
- soutenir les repreneurs lors du déboursement des fonds, une fois le projet financé
La section Financer la reprise fournit à l’accompagnateur d’un projet de reprise collective des éléments clés d’une démarche de financement et du travail à réaliser pour assurer le meilleur soutien qui soit aux repreneurs collectifs.
Dans cette section, nous résumons les principaux éléments du Cadre de référence de l’économie sociale. Basé sur la Loi sur l’économie sociale et élaboré par le Chantier de l’économie sociale, il vise à outiller les acteurs du milieu pour leur permettre de mieux déterminer l’appartenance d’une organisation à l’économie sociale.
En plus de la définition contenue dans la Loi, ce Cadre de référence de l’économie sociale inclut celle conçue en 1996 lors du Sommet sur l’économie et l’emploi. Le but est de permettre de mieux comprendre les pratiques toujours en cours dans certaines organisations. Deux éléments s’ajoutent ainsi à la définition stipulée dans la Loi, soit :
Il fournit aussi la définition, les principes et l’aspect juridique régulant le secteur :
Cette section précise le caractère de « finalité sociale » des activités économiques qui doit être compris comme « contribution (…) à l’amélioration du bien-être de ses membres ou de la collectivité », ainsi que par « création d’emplois durables et de qualité », entre autres.
Cette section réfère aux six principes décrits dans la Loi sur l’économie sociale (art. 3) concernant le but, le contrôle décisionnel, les règles de gouvernance, la viabilité économique, la distribution des surplus et les règles à suivre en cas de dissolution.
Cette section explique les formes juridiques reconnues comme étant de l’économie sociale (coopérative, mutuelle et association dotée de la personnalité juridique).
Le Cadre de référence présente aussi le processus de qualification de l’économie sociale (ch. 7) qui exclut les organisations ne faisant pas partie du secteur dont les organisations appartenant à l’administration publique, les regroupements professionnels et patronaux, les syndicats, les partis politiques et les organismes religieux, entre autres.
En plus de la justification de chacun de ces critères, le lecteur trouvera aussi quelques indicateurs permettant d’évaluer l’appartenance de l’organisation à l’économie sociale au chapitre 8.
Finalement, la situation particulière des filiales appartenant à des organisations d’économie sociale est traitée au chapitre 10 du Cadre de référence.
Processus de la RC
On comprend par processus de reprise collective (RC), les différentes phases qui mènent au transfert de la propriété et de la gestion d’une entreprise vers une entreprise d’économie sociale (EÉS). Dans le cas d’une reprise dite « classique », soit d’une société par actions vers une autre société par actions, ce processus est linéaire et prend entre deux à huit ans pour être complété. À contrario, le processus de reprise collective est plus complexe et plus long étant donné la diversité d’acteurs impliqués et la juxtaposition, la plupart du temps, des démarches de création d’une entreprise d’économie sociale (EÉS), entre autres facteurs.
Processus générique de la reprise collective
Le processus de RC est dynamique et itératif et compte quatre grandes étapes :
- la préparation du cédant
- la préparation de l’équipe de repreneurs et le pré transfert (démarchage)
- l’accord et le transfert, et finalement,
- la transition et le management de la reprise
Ce processus n’est pas linéaire, des allers-retours entre diverses étapes sont possibles à cause de la pluralité d’acteurs mobilisés. De plus, si le processus nécessite la création d’une entreprise d’économie sociale (EÉS) pour procéder à la reprise, le repreneur collectif devra alors entamer deux démarches en parallèle : d’un part, bâtir l’aspect associatif de la nouvelle EÉS et d’autre part, procéder à l’acquisition de l’entreprise visée.
L’accompagnateur doit donc être sensibilisé à cette complexité pour mieux conseiller le collectif dans la coordination des différentes étapes. En effet, le choix de la forme juridique et la définition du capital social de la nouvelle entité auront une incidence sur la rédaction du plan d’affaires et le montage financier préliminaire durant la phase de préparation pour ne nommer qu’un exemple. Vous trouverez dans la section Ressources du site Internet (voir Outils – Processus de RC élaborés par la CDRQ), le détail des processus de reprise pour une OBNL, une coopérative et un CTA.
Voici les quatre grandes étapes du processus générique de RC:
Éléments à retenir dans chaque étape
Tout processus de reprise débute avec la décision du cédant de vendre son entreprise. La préparation est essentielle à la réussite du projet. Cependant, à moins d’avoir été déjà en contact avec le milieu de l’économie sociale, le cédant ne pensera pas de prime abord à une entreprise d’économie sociale (EÉS), qu’elle soit du type OBNL ou coopérative, comme possible acquéreur. Dès cette phase, l’accompagnateur a un rôle important à jouer en sensibilisant le cédant au potentiel de reprise collective, aux avantages de cette option, ainsi qu’aux programmes de soutien.
Nous proposons dans le guide Évaluer le potentiel de reprise collective de l’entreprise, un travail de réflexion quant aux éléments favorisant le transfert vers une EÉS. Sa lecture pourra aider l’accompagnateur dans sa démarche de sensibilisation auprès du cédant.
Comme pour le cédant, la phase de préparation ou de pré transfert consiste pour l’équipe de repreneurs (si elle est externe à l’entreprise en vente) à faire le démarchage de l’entreprise à vendre, ainsi que des ressources nécessaires pour y parvenir. À ce stade-ci, l’accompagnateur n’a pas encore été approché par l’équipe ou même identifié. Un sondage réalisé par le CÉRSÉ auprès de repreneurs collectifs indique que certains d’entre eux identifient l’entreprise à vendre grâce à une invitation du cédant tandis que d’autres utilisent leurs réseaux personnel et professionnel.
Une fois qu’une entente d’accompagnement est signée, le rôle de l’accompagnateur est de constituer le comité provisoire, afin de mieux encadrer les négociations du repreneur collectif avec le cédant, d’avoir accès à l’information sur l’entreprise à vendre, ainsi qu’à l’aide financière dédiée à la reprise collective. L’accompagnateur veillera, entre autres, à évaluer la capacité financière personnelle de membres, car la valeur de l’entreprise à vendre aura une incidence sur la mise de fonds nécessaire à son rachat. En effet, l’équipe de RC doit disposer des moyens financiers nécessaires pour acheter l’entreprise à vendre indépendamment de sa taille et de ses actifs. Dans le cas contraire, le rachat sera plus difficile à cause de la difficulté à obtenir du financement.
Un autre aspect déterminant à évaluer sera la qualité de leurs liens avec les acteurs de l’écosystème de soutien en ÉS. En effet, le réseau de ressources auxquelles a accès le repreneur collectif joue un rôle déterminant et se reflétera dans la mobilisation de ses parties prenantes et de la communauté autour du projet de reprise. Nous proposons dans la section Planifier la gouvernance, une grille d’analyse qui pourra faciliter l’évaluation de l’équipe.
Dans le cas où la reprise collective nécessite la création d’une nouvelle entité, cette phase inclura aussi les démarches propres au démarrage d’une entreprise d’économie sociale, c’est-à-dire choisir la meilleure forme juridique pour la reprise, faire les démarches de constitution de la nouvelle entité et préparer les documents nécessaires à la tenue de l’assemble générale de fondation (AGF) ou d’organisation (AGO), selon qu’il s’agisse d’un OBNL ou d’une coopérative. L’accompagnateur devra alors sensibiliser le repreneur collectif aux enjeux de chaque forme juridique et de guider la démarche de constitution.
Cette phase se caractérise par la formalisation des démarches en vue de concrétiser l’acquisition de l’entreprise en vente. Elle se caractérise par les nombreux enjeux légaux, bureaucratiques et fiscaux : la préparation des documents juridiques, le choix du mode de financement, la préparation et rédaction des documents officiels, la planification du transfert de la propriété de l’entreprise, etc.
L’accompagnateur veillera au besoin à référer les repreneurs collectifs vers des experts comptables, financiers, avocats, ainsi que des spécialistes en ÉS, selon la forme juridique de l’entreprise d’ÉS repreneuse. Dans certains cas, il est probable que la constitution de la nouvelle entité créée pour la reprise (si nécessaire à la RC) se réalise lors de cette phase, notamment s’il s’agit d’une coopérative. C’est à l’accompagnateur de déterminer la meilleure stratégie à suivre.
Cette phase voit la cohabitation ou l’accompagnement du nouveau dirigeant par le cédant pour faciliter son entrée dans l’entreprise. On met en application le plan de relève préparé par le cédant et validé par les repreneurs collectifs, ainsi que le plan d’affaires de l’EÉS.
Dans cette dernière phase, le nouveau dirigeant doit assumer le plein contrôle de l’entreprise. Cette étape soulève de nombreux enjeux au niveau de la gouvernance, des relations avec les employés et plus largement, avec l’ensemble des parties prenantes. En effet, s’il n’arrive pas à réussir cet exercice, le nouveau dirigeant risque d’être rejeté par les personnes œuvrant dans l’entreprise et ainsi mener le processus à un échec repreneurial. Le soutien au conseil d’administration et à la nouvelle équipe de direction est donc déterminant. L’accompagnateur doit être vigilant, afin d’offrir au conseil d’administration (CA) et à l’équipe de direction la formation et le soutien nécessaires. Il arrive qu’il doive même siéger au sein de CA en tant qu’observateur pour mieux les accompagner.
Comme souligné, la reprise collective implique des connaissances et des expertises diverses, selon l’étape du processus. On a aussi vu que ce processus est plus complexe et plus long que celui d’une reprise dite « classique ». Sa réussite tient en grande partie à la qualité de l’équipe de repreneurs collectifs, ainsi qu’à celle de l’accompagnateur. Selon nous, prendre conscience de différentes étapes en aval de la démarche permet à l’accompagnateur de soutenir adéquatement l’équipe et de la référer au bon moment à la bonne ressource.
Nous vous présentons dans la section Ressources (voir Outils), trois processus, le premier détaillant les particularités propres à une reprise collective réalisée par un OBNL, le deuxième celles d’une coopérative de travailleurs, de consommateurs, de producteurs et de solidarité, et finalement, le troisième concernant les singularités d’une coopérative de travailleurs actionnaire (CTA). Ces processus ont été élaborés par la Coopérative de développement régional du Québec (CDRQ).
Évaluer le potentiel de la RC de l’entreprise
Un projet de reprise collective peut être porté par une nécessité, une aspiration ou une combinaison des deux. Ces motivations, bien que nécessaires, ne garantissent pas la réussite du projet de reprise collective. L’entreprise à reprendre doit aussi être rentable et viable. L’analyse financière de l’entreprise et du projet de reprise vise à répondre aux impératifs de faisabilité (peut-on financer le projet) et de rentabilité de l’entreprise. Toutefois, la viabilité d’une entreprise ne tient pas qu’à sa santé financière : elle repose aussi sur des éléments non-financiers comme ses compétences, son réseau, sa place au sein de son environnement d’affaires, etc.
Le modèle de la cohérence stratégique permet de dégager une démarche et des outils pour analyser la viabilité d’une entreprise. Dans ce modèle, la viabilité d’une entreprise repose sur l’analyse de quatre éléments interdépendants et sur le degré de cohérence entre eux : 1) les orientations de l’entreprise, 2) la gouvernance et les processus stratégiques, 3) la capacité organisationnelle et 4) l’environnement d’affaires.
L’analyse réalisée permet aussi d’évaluer le potentiel de reprise collective, c’est-à-dire à quel point certains aspects de l’entreprise sont déjà proches des fonctionnements collectifs et de la dimension sociale de l’économie sociale. Certains éléments pourraient ainsi se révéler plus prêts que d’autres au passage vers un entrepreneur collectif. Les éléments pour lesquels ce n’est pas le cas seront alors autant de points de vigilance dans une éventuelle transition.
Le guide Évaluer le potentiel de reprise collective de l’entreprise : une démarche intégratrice vous propose des outils pour analyser la viabilité d’une entreprise dans une perspective de reprise collective.
Planifier la gouvernance
Pour rappel, la Loi sur l’économie sociale établit l’appartenance d’une organisation à l’économie sociale au respect de celle-ci des principes reconnus par le milieu. En termes de gouvernance, cela se traduit par la rédaction et l’application de règles internes assurant un partage équitable du pouvoir décisionnel entre les membres (art. 3). En économie sociale, il importe que ces règles et leur mise en place soient l’aboutissement d’une négociation impliquant l’ensemble des parties prenantes de l’organisation.
Dans le cas d’une reprise collective (RC), la mise en pratique du principe de gouvernance démocratique est un aspect fondamental de la structure de l’entreprise d’économie sociale et mérite une attention particulière. Sans égard au type de reprise, le repreneur collectif fera face à des enjeux de gouvernance propres à la RC et à la forme juridique choisie pour le faire : coopérative de travailleurs, de consommateurs, de producteurs, de solidarité ou de travailleurs actionnaire ou organisation à but non lucratif (OBNL/OSBL).
Pour bien soutenir leur démarche, l’accompagnateur se doit de connaître non seulement les particularités des EÉS (lois, cadre de référence, finalité, principes, entre autres), mais aussi celles du transfert d’entreprise. Il doit mettre en place une approche d’animation et d’encadrement favorisant le partage de l’informationau plus grand nombre. De plus, il devra s’assurer de fournir les informations pertinentes selon le degré d’avancement du projet, d’orienter les repreneurs collectifs dans leur réflexion et leur fournir des outils ou les référer vers d’autres ressources spécialisées, le cas échéant. Il deviendra en quelque sorte le guide de la démarche.
Si la RC nécessite la création d’une nouvelle entité, le choix de la forme juridique aura une incidence sur les possibilités de développement, d’accès au financement, de mobilisation de parties prenantes, d’adhésion de nouveaux membres, etc.
Dans le cas d’une reprise réalisée par une EÉS existante, d’autres enjeux concernant la gouvernance sont à considérer selon qu’il s’agisse d’un rachat partiel ou complet de l’entreprise à acquérir et du type de reprise (fusion, continuation ou création d’une filiale). Conformément à la situation, la ressource d’accompagnement amènera les repreneurs collectifs à s’interroger sur les répercussions des choix possibles.
Évaluer l’équipe de repreneurs
Dans le cas où la création d’une EÉS soit nécessaire pour la reprise, une des premières actions à poser par l’accompagnateur est l’évaluation de l’équipe de repreneurs collectifs. Le but étant de connaître les forces et faiblesses de chaque membre, de faire ressortir leur complémentarité et, finalement, de planifier l’accompagnement, les outils et/ou la formation dont on aura besoin lors du processus de reprise collective et de la prise en charge du management de l’entreprise acquise. Éventuellement, cette équipe se formalisera pour devenir un comité provisoire dont nous expliquons le rôle et le mandat dans la partie « Création du comité provisoire ». Quand la reprise se fait par une EÉS existante, le pilotage se fera par l’équipe de direction ou un comité interne ad hoc.
Comme pour tout démarrage d’entreprise, on s’attend à trouver parmi les membres d’une équipe de repreneurs collectifs, des personnes connaissant le secteur d’activité de l’entreprise à acquérir (tendance du marché, concurrents, clientèle, etc.), le milieu et les principes de l’économie sociale, ainsi que les sources potentielles de financement. Des compétences managériales et entrepreneuriales sont aussi requises. Le travail de l’accompagnateur sera d’aider les repreneurs collectifs à prendre conscience de leurs forces et faiblesses et à les soutenir dans le développement des compétences nécessaires à la réussite d’un projet de reprise collective.
Le tableau suivant propose une liste de vérification des principales compétences requises, ainsi que de la composition souhaitée d’une équipe de repreneurs collectifs. La colonne « présence ressource externe » réfère à d’autres conseillers ou experts en soutien à l’équipe en sus de l’accompagnateur mandaté. Si la présence de ces ressources externes est le fait de la mobilisation de l’équipe, cela donne un bon indicateur de la capacité des membres à s’autoévaluer et à s’entourer. Il s’agit d’un élément qui pourrait s’avérer déterminant lors de l’analyse du projet par les bailleurs de fonds potentiels, comme nous le soulignons dans la section Financer la reprise.
Évaluer l’équipe et les ressources mobilisées
Création du comité provisoire
La particularité des entreprises d’économie sociale est la recherche d’équilibre entre leur double mission : économique et sociale. Lors de la création d’une nouvelle entité pour le rachat d’une entreprise, l’équipe de repreneurs a une autre double tâche à accomplir. D’une part, elle doit bâtir l’aspect associatif (constitution juridique) de la nouvelle EÉS et d’autre part, elle doit procéder à l’acquisition de l’entreprise visée (vous trouverez dans la section Processus de la RC, le détail des démarches).
Afin de piloter ce travail, l’équipe de RC devra d’abord formaliser sa démarche par la création d’un comité provisoire. Cette étape est incontournable, car elle permettra d’avoir accès aux informations financières de l’entreprise en vente, ainsi qu’aux ressources de soutien dédiées à la reprise collective, entre autres. À ce stade, l’accompagnateur fournira des modèles de déclaration d’intention et d’engagement pré constitutif et d’engagement de confidentialité aux repreneurs pour mieux les préparer.
La composition du comité provisoire est essentielle. En effet, les membres du comité provisoire seront mandatés pour évaluer, planifier et réaliser le projet d’acquisition, ainsi que pour entamer les démarches visant la création de l’EÉS qui deviendra la « propriétaire » de l’entreprise cédée. Comme nous l’avons vu, des connaissances variées sont alors nécessaires (du secteur d’activité de l’entreprise à acquérir, de l’économie sociale, des sources de financement, entre autres).
Le travail de la ressource d’accompagnement est de soutenir le comité provisoire en vue d’assurer leur réussite par le partage de ses ressources (connaissances et réseaux) et de ses outils. La plupart du temps, l’accompagnateur sera mandaté pour représenter le comité provisoire dans leurs démarches d’accès aux informations de l’entreprise à vendre, principalement au début du processus.
Le rôle des membres du comité provisoire est d’agir au nom de la future organisation (coop ou OBNL/OSBL) comme ses représentants et cela jusqu’à la constitution légale de la nouvelle entité créée pour la reprise. Ils seront les responsables de toute prise de décision, démarche, signature ou engagement visant autant la création de l’EÉS que le rachat de l’entreprise cédée.
La compréhension du rôle des membres du comité s’avère alors essentielle autant pour ceux qui en feront partie que pour les autres parties prenantes de la future EÉS. De plus, une fois l’obtention des statuts ou des lettres patentes de la nouvelle entité, ils formeront, dans la plupart du temps, le nouveau conseil d’administration (CA).
Dans la liste de tâches à réaliser par les membres du comité provisoire, on peut nommer celles liées à la constitution légale de la nouvelle entité comme le choix de la forme juridique, de la mission (ou les objets), du mode de gouvernance, des règlements de régie interne, de la mise sur pied du membrariat et de l’amorce du processus légal de demande de constitution et de convocation à l’assemblée générale d’organisation (AGO) ou de fondation (AGF) de la nouvelle entité (coopérative ou OBNL/OSBL).
L’accompagnateur recommandera la réalisation d’un plan de travail (objectifs, échéancier, responsables, etc.) définissant les grandes étapes de l’idée de projet jusqu’à la tenue de la première assemblée générale.
Afin d’aider le comité provisoire dans leur réflexion, nous proposons à l’accompagnateur quelques questions liées à la reprise collective et aux enjeux de gouvernance qu’elle soulève. Le but étant d’orienter les membres du comité provisoire dans le choix de la forme juridique la plus propice au projet, particulièrement en ce qui a trait à la mission et à la future composition de son membrariat, le cas échéant.
Enjeux de la gouvernance lors de la RC
Membrariat et conseil d’administration
On peut affirmer que la composition du membrariat d’une entreprise d’économie sociale (EÉS) est déterminée essentiellement, mais non uniquement, par les deux principes suivants : la réponse aux besoins des membres et de la collectivité, ainsi que l’aspiration à la viabilité économique.
La réponse aux besoins des membres et de la collectivité définira l’offre de biens ou de services actuelle et future de l’organisation (activité économique) et ses utilisateurs : les membres, la collectivité ou les deux . L’aspiration à la viabilité économique précisera le degré de la relation des membres (actuels et futurs) avec l’activité économique de l’organisation. Cette « relation » se reflètera particulièrement dans le pourcentage de revenus (réel ou prévu) provenant des achats faits par les membres des biens ou des services offerts par l’EÉS.
Dans le cas de la création d’une EÉS, ces deux éléments détermineront les différentes catégories des membres, ainsi que de la forme juridique. L’accompagnateur aidera les repreneurs collectifs à faire le meilleur choix.
Comme nous l’avons mentionné dans la section touchant le comité provisoire et son rôle, celui-ci prendra fin dès que l’on décide d’émettre une lettre d’intention d’achat. En effet, la lettre d’intention est conditionnelle à la création de l’EÉS, à l’obtention du financement et au dépôt d’une offre d’achat.
Le comité est alors dissous pour faire place à un conseil d’administration (CA) qui aura pour mandat de préparer les documents nécessaires à la tenue de l’assemblée générale de fondation (AGF) ou d’organisation (AGO), selon qu’il s’agisse d’un OBNL ou d’une coopérative. La plupart du temps, les membres du comité provisoire assumeront le rôle des membres fondateurs et éventuellement du futur CA, mais ce n’est pas une condition indispensable. Cela dépendra des règles internes et de la composition du membrariat de la nouvelle entité.
Règle générale, les administrateurs d’un OBNL « en l’absence d’autres dispositions à cet égard, dans l’acte constitutif ou dans les règlements (…), élisent parmi eux un président et, s’ils le jugent à propos, un président d’assemblées et un ou plusieurs vice-présidents de la compagnie; ils peuvent aussi nommer tous autres dirigeants » (art. 89, Loi sur les compagnies). Pour leur part, les dirigeants d’une coopérative « sont le président, le vice-président, le secrétaire et, le cas échéant, le trésorier, le directeur général ou gérant » (art. 112.1, Loi sur les coopératives).
Lors de cette première assemblée de constitution, les membres donneront le mandat de conclure la transaction au CA dûment élu. Il est important ici de rappeler le rôle et les responsabilités du CA. Une formation concernant la gouvernance est d’ailleurs conseillée.
Nous détaillons les différentes démarches à réaliser dans la section Processus de RC, ainsi que le soutien apporté par la ressource d’accompagnement au conseil d’administration notamment dans l’élaboration des politiques de gestion et de régie interne. En vous référant à ce chapitre et au processus lié au statut juridique de l’EÉS impliquée dans la reprise, vous pourrez plus facilement repérer les étapes liées à la gouvernance.
Cadres légaux pertinents
Réalisés à partir du tableau comparatif élaboré par le ministère de l’Économie et de l’Innovation (MÉI), les tableaux suivants donnent un aperçu général sur les différences et les particularités des sociétés par actions (SPA), les coopératives et les personnes morales à but non lucratif (OBNL/OSBL). Chaque tableau compare les cadres légaux de chaque forme juridique, le rôle et les responsabilités des membres (ou actionnaires) dans la participation à la propriété, au pouvoir, aux résultats et aux opérations, ainsi que les modalités de liquidation, le cas échéant.
Principaux éléments à retenir
Le rôle de l’accompagnateur est de guider ainsi que d’apporter des outils et des conseils opportuns, afin d’éviter aux repreneurs collectifs des démarches inutiles. Il se doit de :
- évaluer l’équipe repreneuse et ses ressources lors de la composition du comité provisoire. Miser sur une équipe diversifiée et complémentaire ayant dans son sein des membres possédant des connaissances sur le secteur d’activité de l’entreprise à reprendre et de l’économie sociale particulièrement, mais aussi de compétences en communication et en négociation.
- prendre le temps nécessaire pour la réflexion concernant les enjeux de la gouvernance et le type de reprise (création d’une EÉS ou EÉS existante). Former l’équipe repreneuse à la gouvernance et aux rôles et responsabilités des membres du CA.
- expliquer aux repreneurs les avantages et désavantages de chaque forme juridique en lien avec les objectifs poursuivis, la vision et les valeurs des membres.
- se donner un plan de travail (objectifs, échéanciers, etc.), l’adapter au besoin et faire un suivi régulier.
- référer à des experts quand nécessaire (avocats, comptables, fiscalistes, etc.), notamment lors de la prise de décision concernant la constitution du capital social de l’organisation.
Financer la reprise
La ressource d’accompagnement et le financement
Avant de traiter des différentes étapes et enjeux du financement, il importe de bien situer le rôle de la ressource d’accompagnement dans la cadre d’une démarche de financement. Dans tout projet porté par une entreprise collective, qu’il s’agisse d’un démarrage, d’un développement ou d’une reprise collective, un des facteurs de succès reconnu par les acteurs de l’économie sociale est la qualité de l’ancrage territorial et sectoriel.
Du point de vue d’un bailleur de fonds, la ressource qui accompagne une entreprise dans une démarche de financement a donc un rôle déterminant. Sa proximité et le lien de confiance qu’elle développe avec le repreneur collectif lui permet de développer une compréhension fine des divers enjeux auxquels celle-ci est confrontée, autant en ce qui a trait aux particularités locales qu’aux enjeux liés au développement du projet, pour ne nommer que ceux-là. Cette position confère à la ressource d’accompagnement un rôle de courroie de transmission privilégié pour diverses informations complémentaires à ce qui est présenté dans la documentation remise aux éventuels partenaires financiers. Il pourra aussi faire des liens entre les différents partenaires financiers et même les réunir au besoin avec le repreneur collectif pour, par exemple, clarifier et harmoniser les paramètres de financement de ceux-ci.
Ce rôle s’exprime aussi dans l’autre sens, envers le repreneur collectif. Sa connaissance générale des programmes et sources de financement permet au repreneur collectif de sauver un temps précieux en recherche et en prises de contact avec des partenaires. Il pourra aussi valider de façon préliminaire certaines hypothèses ou orientations du projet. Ainsi, avec un accompagnement adéquat. Les partenaires financiers pourront procéder à l’analyse d’un projet plus rapidement, à partir d’un dossier mieux ficelé, ce qui est essentiel, car dans une démarche de reprise collective, le temps est souvent déterminant dans la réussite ou l’échec du projet.
Le mode d’acquisition et le financement
Tel que présenté dans la section Accompagner la RC, on peut reprendre une entreprise selon deux modes : via l’acquisition partielle ou totale des actions de l’entreprise ou l’achat de ses actifs (corporels et incorporels).
Ces deux modes d’acquisitions, dans le cadre du financement d’un projet de reprise d’entreprise, ont chacun leurs particularités et peuvent comporter des avantages ou des inconvénients pour l’une ou l’autre des parties, le cédant ou le repreneur. Nous en dressons ici les grandes lignes et y reviendrons en détail au besoin.
Plusieurs motifs vont inciter un propriétaire d’entreprise à vendre les actifs de son entreprise plutôt que les actions. Par exemple, la compagnie du cédant possède d’autres entreprises et ne désire en céder qu’une, ou encore, la compagnie est en difficulté et sera liquidée après la vente ou, autre exemple, l’entité repreneuse n’a pas d’intérêt à conserver la personne morale et ce qu’elle pourrait apporter.
Le repreneur achètera alors les bâtiments, les équipements, les véhicules, les stocks ou autres actifs tangibles qu’elle utilisera pour exploiter son entreprise. Plus rarement, elle achètera des actifs intangibles tels que des brevets, des permis ou des créances. On verra ce type d’actifs être plus souvent inclus dans l’achat des actions de l’entreprise.
L’avantage de ce mode d’acquisition vis-à-vis des partenaires financiers se situe principalement à deux niveaux :
- L’évaluation de la valeur des actifs (dans la majorité des cas des actifs tangibles) est beaucoup plus objective. De plus, ils peuvent également être mis en garantie, ce qui permet d’obtenir du financement auprès d’institutions financières classiques
- La vente des actifs ne s’accompagne pas d’éléments moins intéressants du passé de l’entreprise comme ses dettes et d’éventuelles surprises fiscales à la suite d’une réévaluation d’éléments financiers passés
Il s’agit de l’achat des titres de participation dans la propriété d’une entreprise.
Deux options se présentent au repreneur collectif :
Il sera plus intéressant parfois, pour l’une ou l’autre ou les deux parties, repreneur et cédant, de baser la transaction sur l’entièreté de l’entreprise cédée et pas seulement sur ses actifs. Ce sera donc l’ensemble des actions de l’entreprise qui sera vendu et non seulement ses actifs. Souvent, ce choix qui facilitera la continuité, ne nécessitera pas, par exemple, de transférer des permis, de se faire une nouvelle image corporative, etc. Cependant, dans la grande majorité des cas, la transaction inclura un coût lié à l’achalandage de l’entreprise, laquelle est plus difficilement évaluable et sur lequel aucune garantie ne peut être prise par une institution financière.
Lorsque l’entièreté de l’entreprise est vendue via ses actions, l’entité repreneuse « achète » aussi le passé de l’entreprise, ce qui peut être une bonne ou une mauvaise chose. Ainsi, comme mentionné ci-dessus, le passé de l’entreprise peut impliquer des éléments négatifs, mais aussi des éléments très positifs tels qu’une réputation, des permis, des ententes avec des partenaires d’affaires ou autres éléments favorisant le transfert.
Les partenaires financiers spécialisés en entreprise collective vont, dans la majorité des cas, être favorables à ce qu’une entreprise collective acquière les actions d’une entreprise à but lucratif et l’exploite, à condition qu’une fusion entre les deux entreprises soit prévue à court ou à moyen terme.
Une reprise collective par l’acquisition partielle des actions d’une entreprise peut se faire par une nouvelle entreprise (création d’entreprise) ou par une entreprise existante. Dans ce dernier cas, il s’agira d’un OBNL ou d’une coopérative qui fera l’acquisition d’une participation, majoritaire ou minoritaire dans une entreprise en exploitation. Ce type de transaction impliquera plusieurs entités juridiques distinctes, parfois la création d’une nouvelle entité, et par conséquent, nécessitera un accompagnement spécialisé et adapté à ce cas particulier, autant au niveau juridique, fiscal que du financement de la transaction.
Dans le cas d’une création d’entreprise, l’acquisition partielle d’actions se fait presque toujours par une coopérative de travailleurs actionnaires (CTA). Encore ici, la complexité de ce type de transfert implique un accompagnement par des ressources spécialisées telles que la CDRQ ou autres professionnels. Le financement d’une CTA, qui ne peut impliquer une prise de garantie par les bailleurs de fonds, s’appuiera sur la contribution des membres de la coopérative, lesquels pourront profiter de certains régimes fiscaux.
Le cheminement
Chaque projet de reprise collective a ses particularités. Qu’il s’agisse du secteur d’activité, de la taille ou de la valeur de l’entreprise, de son niveau de développement, de sa situation financière, du mode d’acquisition, de la structure juridique du repreneur collectif ou de la composition de son équipe, l’accompagnateur devra adapter leur approche et leur démarche.
Les actions liées au financement doivent commencer dès le début, en mode exploratoire d’abord, afin d’évaluer la faisabilité financière du projet. Comme c’est le cas pour l’ensemble du processus, certaines étapes se réaliseront en concomitance et souvent en interdépendance avec d’autres. Le tableau ci-dessous donne un aperçu visuel très approximatif de ce que pourrait être le cheminement des six démarches liées au financement d’un projet de reprise qui s’échelonnerait, à titre d’exemple, sur un an.
Tableau synthèse des éléments à retenir
Les ressources
Dans la section Ressources du site, l’accompagnateur trouvera, entre autres :
- des répertoires issus des travaux de recherche réalisées par le CÉRSÉ, dont les programmes et outils de financiers dédiés à la RC et à l’ÉS
- des outils pour guider leur démarche, dont trois processus de RC (OBNL, CTA et COOP) élaborés par la CDRQ, un lexique de la RC et cinq guides pour accompagner la RC