On comprend par processus de reprise collective (RC), les différentes phases qui mènent au transfert de la propriété et de la gestion d’une entreprise vers une entreprise d’économie sociale (EÉS). Dans le cas d’une reprise dite « classique », soit d’une société par actions vers une autre société par actions, ce processus est linéaire et prend entre deux à huit ans pour être complété. À contrario, le processus de reprise collective est plus complexe et plus long étant donné la diversité d’acteurs impliqués et la juxtaposition, la plupart du temps, des démarches de création d’une entreprise d’économie sociale (EÉS), entre autres facteurs.
Processus générique de la reprise collective
Le processus de RC est dynamique et itératif et compte quatre grandes étapes :
- la préparation du cédant
- la préparation de l’équipe de repreneurs et le pré transfert (démarchage)
- l’accord et le transfert, et finalement,
- la transition et le management de la reprise
Ce processus n’est pas linéaire, des allers-retours entre diverses étapes sont possibles à cause de la pluralité d’acteurs mobilisés. De plus, si le processus nécessite la création d’une entreprise d’économie sociale (EÉS) pour procéder à la reprise, le repreneur collectif devra alors entamer deux démarches en parallèle : d’un part, bâtir l’aspect associatif de la nouvelle EÉS et d’autre part, procéder à l’acquisition de l’entreprise visée.
L’accompagnateur doit donc être sensibilisé à cette complexité pour mieux conseiller le collectif dans la coordination des différentes étapes. En effet, le choix de la forme juridique et la définition du capital social de la nouvelle entité auront une incidence sur la rédaction du plan d’affaires et le montage financier préliminaire durant la phase de préparation pour ne nommer qu’un exemple. Vous trouverez dans la section Ressources du site Internet (voir Outils – Processus de RC élaborés par la CDRQ), le détail des processus de reprise pour une OBNL, une coopérative et un CTA.
Voici les quatre grandes étapes du processus générique de RC:
Éléments à retenir dans chaque étape
Tout processus de reprise débute avec la décision du cédant de vendre son entreprise. La préparation est essentielle à la réussite du projet. Cependant, à moins d’avoir été déjà en contact avec le milieu de l’économie sociale, le cédant ne pensera pas de prime abord à une entreprise d’économie sociale (EÉS), qu’elle soit du type OBNL ou coopérative, comme possible acquéreur. Dès cette phase, l’accompagnateur a un rôle important à jouer en sensibilisant le cédant au potentiel de reprise collective, aux avantages de cette option, ainsi qu’aux programmes de soutien.
Nous proposons dans le guide Évaluer le potentiel de reprise collective de l’entreprise, un travail de réflexion quant aux éléments favorisant le transfert vers une EÉS. Sa lecture pourra aider l’accompagnateur dans sa démarche de sensibilisation auprès du cédant.
Comme pour le cédant, la phase de préparation ou de pré transfert consiste pour l’équipe de repreneurs (si elle est externe à l’entreprise en vente) à faire le démarchage de l’entreprise à vendre, ainsi que des ressources nécessaires pour y parvenir. À ce stade-ci, l’accompagnateur n’a pas encore été approché par l’équipe ou même identifié. Un sondage réalisé par le CÉRSÉ auprès de repreneurs collectifs indique que certains d’entre eux identifient l’entreprise à vendre grâce à une invitation du cédant tandis que d’autres utilisent leurs réseaux personnel et professionnel.
Une fois qu’une entente d’accompagnement est signée, le rôle de l’accompagnateur est de constituer le comité provisoire, afin de mieux encadrer les négociations du repreneur collectif avec le cédant, d’avoir accès à l’information sur l’entreprise à vendre, ainsi qu’à l’aide financière dédiée à la reprise collective. L’accompagnateur veillera, entre autres, à évaluer la capacité financière personnelle de membres, car la valeur de l’entreprise à vendre aura une incidence sur la mise de fonds nécessaire à son rachat. En effet, l’équipe de RC doit disposer des moyens financiers nécessaires pour acheter l’entreprise à vendre indépendamment de sa taille et de ses actifs. Dans le cas contraire, le rachat sera plus difficile à cause de la difficulté à obtenir du financement.
Un autre aspect déterminant à évaluer sera la qualité de leurs liens avec les acteurs de l’écosystème de soutien en ÉS. En effet, le réseau de ressources auxquelles a accès le repreneur collectif joue un rôle déterminant et se reflétera dans la mobilisation de ses parties prenantes et de la communauté autour du projet de reprise. Nous proposons dans la section Planifier la gouvernance, une grille d’analyse qui pourra faciliter l’évaluation de l’équipe.
Dans le cas où la reprise collective nécessite la création d’une nouvelle entité, cette phase inclura aussi les démarches propres au démarrage d’une entreprise d’économie sociale, c’est-à-dire choisir la meilleure forme juridique pour la reprise, faire les démarches de constitution de la nouvelle entité et préparer les documents nécessaires à la tenue de l’assemble générale de fondation (AGF) ou d’organisation (AGO), selon qu’il s’agisse d’un OBNL ou d’une coopérative. L’accompagnateur devra alors sensibiliser le repreneur collectif aux enjeux de chaque forme juridique et de guider la démarche de constitution.
Cette phase se caractérise par la formalisation des démarches en vue de concrétiser l’acquisition de l’entreprise en vente. Elle se caractérise par les nombreux enjeux légaux, bureaucratiques et fiscaux : la préparation des documents juridiques, le choix du mode de financement, la préparation et rédaction des documents officiels, la planification du transfert de la propriété de l’entreprise, etc.
L’accompagnateur veillera au besoin à référer les repreneurs collectifs vers des experts comptables, financiers, avocats, ainsi que des spécialistes en ÉS, selon la forme juridique de l’entreprise d’ÉS repreneuse. Dans certains cas, il est probable que la constitution de la nouvelle entité créée pour la reprise (si nécessaire à la RC) se réalise lors de cette phase, notamment s’il s’agit d’une coopérative. C’est à l’accompagnateur de déterminer la meilleure stratégie à suivre.
Cette phase voit la cohabitation ou l’accompagnement du nouveau dirigeant par le cédant pour faciliter son entrée dans l’entreprise. On met en application le plan de relève préparé par le cédant et validé par les repreneurs collectifs, ainsi que le plan d’affaires de l’EÉS.
Dans cette dernière phase, le nouveau dirigeant doit assumer le plein contrôle de l’entreprise. Cette étape soulève de nombreux enjeux au niveau de la gouvernance, des relations avec les employés et plus largement, avec l’ensemble des parties prenantes. En effet, s’il n’arrive pas à réussir cet exercice, le nouveau dirigeant risque d’être rejeté par les personnes œuvrant dans l’entreprise et ainsi mener le processus à un échec repreneurial. Le soutien au conseil d’administration et à la nouvelle équipe de direction est donc déterminant. L’accompagnateur doit être vigilant, afin d’offrir au conseil d’administration (CA) et à l’équipe de direction la formation et le soutien nécessaires. Il arrive qu’il doive même siéger au sein de CA en tant qu’observateur pour mieux les accompagner.
Comme souligné, la reprise collective implique des connaissances et des expertises diverses, selon l’étape du processus. On a aussi vu que ce processus est plus complexe et plus long que celui d’une reprise dite « classique ». Sa réussite tient en grande partie à la qualité de l’équipe de repreneurs collectifs, ainsi qu’à celle de l’accompagnateur. Selon nous, prendre conscience de différentes étapes en aval de la démarche permet à l’accompagnateur de soutenir adéquatement l’équipe et de la référer au bon moment à la bonne ressource.
Nous vous présentons dans la section Ressources (voir Outils), trois processus, le premier détaillant les particularités propres à une reprise collective réalisée par un OBNL, le deuxième celles d’une coopérative de travailleurs, de consommateurs, de producteurs et de solidarité, et finalement, le troisième concernant les singularités d’une coopérative de travailleurs actionnaire (CTA). Ces processus ont été élaborés par la Coopérative de développement régional du Québec (CDRQ).