Façons de reprendre
La reprise collective (RC) est un mode de transfert d’entreprise qui permet à des acteurs internes ou externes de reprendre collectivement une entreprise pour l’exploiter conformément aux règles d’action d’une entreprise d’économie sociale. Un projet de reprise collective est porté soit par une nécessité, soit par une aspiration ou par une combinaison de ces deux motivations. Pour procéder à une RC, trois stratégies sont possibles :
- la reprise interne réalisée par les employés (avec ou sans successeurs familiaux) ;
- la reprise externe effectuée par des acteurs externes (clients, fournisseurs, investisseurs, membres de la communauté ou une combinaison de ces parties prenantes) ou par une EÉS existante ;
- la reprise mixte ou « d’hybride » réunissant différents types de repreneurs, soit des successeurs familiaux et des salariés ou des salariés et des repreneurs externes, entre autres.
Pour réaliser une reprise, qu’elle soit ou non collective, vous pouvez utiliser deux modes d’acquisition, soit l’acquisition partielle ou totale des actions de l’entreprise en vente ou l’acquisition de ses actifs (corporelles et incorporelles). Dans le cas d’une acquisition partielle, les bailleurs de fonds en ÉS demanderont un seuil minimal d’actions procurant un droit de vote, ainsi qu’un plan visant à devenir éventuellement majoritaire. S’il s’agit de la création d’une coopérative de travailleurs actionnaire (CTA), on recommande vous référer à la CDRQ, à cause de la complexité de ce type de transfert.
Dans certains cas, vous devrez créer une EÉS pour réaliser la reprise. Dans d’autres, ça sera une EÉS déjà en activité qui fera l’acquisition. Selon le type de reprise collective (par création d’une EÉS pour reprendre ou par une EÉS existante), le type de repreneurs (interne, externe ou mixte) et le mode d’acquisition (partielle ou totale), on peut orienter les formes juridiques qui peuvent en résulter. Le tableau suivant résume ces possibilités :
Processus de RC
Le processus de RC est dynamique et itératif et compte quatre grandes étapes : la préparation du cédant ; la préparation de votre équipe de repreneurs et le pré transfert ; l’accord et le transfert, et finalement, la transition et le management de la reprise. Au début du processus, le cédant peut être accompagné par le Centre de transfert d’entreprises du Québec (CTEQ). De votre côté, votre équipe fera affaire avec les organisations de développement économique de votre région, spécialement celles dédiées à l’économie sociale.
Sans être exhaustif, le tableau suivant présente les principales démarches à réaliser à chaque étape, ainsi que les ressources d’accompagnement devant intervenir dans le processus.
Évaluer le potentiel de RC de l’entreprise
Dans la plupart des cas de reprise, l’évaluation de l’entreprise en vente repose presque uniquement sur des éléments d’ordre comptable et financier : qualité des actifs, développement du marché, performance financière, etc. Pourtant, la présence de dimensions sociales et collectives telles qu’une gouvernance intégrant des parties prenantes dans la prise de décisions ou des préoccupations sociales incluses dans la mission ou les orientations de l’entreprise en vente pourrait faciliter le travail de votre équipe. C’est par exemple le cas lors de votre recherche de financement, et surtout, pendant l’étape de transition et de management de l’entreprise rachetée.
Quel sera le travail à accomplir dans la « transformation » d’une société par actions (SPA), par exemple, vers une EÉS ? Si l’entreprise en vente affiche des affinités avec certains principes, valeurs ou modes de fonctionnement de l’économie sociale, la transition sera plus aisée pour l’équipe repreneuriale. Votre équipe devra donc se poser des questions afin d’évaluer le potentiel de reprise en lien avec les principes et les attendus de l’économie sociale.
Une ressource d’accompagnement spécialisée en entreprises collectives pourra vous aider dans cette réflexion.
Planifier la gouvernance
La mise en pratique des principes de l’économie sociale, tels qu’inscrits dans la Loi sur l’économie sociale, mérite une attention particulière de la part de votre équipe lors d’un cas de RC, spécialement lorsqu’il s’agit de construire les bases de la gouvernance (ou l’adapter si besoin) de l’EÉS. En effet, selon le type de RC (acquisition réalisée par une nouvelle EÉS créée pour reprendre ou par une EÉS existante), la démarche soulèvera des enjeux liés à la gouvernance comme la constitution de son membrariat et/ou l’intégration des parties prenantes (si désirée) de l’entreprise rachetée.
Si la RC est réalisée par une EÉS existante, des enjeux concernant la gouvernance sont à considérer selon qu’il s’agit d’un rachat partiel ou complet de l’entreprise à acquérir et du type de reprise (fusion, continuation ou création d’une filiale). Vous devrez alors vous interroger sur les répercussions des choix possibles et planifier, le cas échéant, l’intégration des parties prenantes de l’entreprise nouvellement acquise. Une ressource d’accompagnement spécialisée en économie sociale pourra vous y aider.
Dans le cas où le processus de RC passe par la création d’une nouvelle entité, vous devrez réfléchir à la forme juridique qui s’adaptera le mieux au projet. En effet, ce choix aura une incidence sur les possibilités de développement, d’accès au financement, de mobilisation de parties prenantes et d’adhésion de nouveaux membres, pour ne nommer que les principales. Qui seront les membres ? Quelles catégories ? Quelle sera leur participation dans la prise de décisions, mais aussi leur contribution dans les opérations et le chiffre d’affaires de l’EÉS ? Bref, encore ici, l’expertise d’un accompagnateur s’avère primordiale, il ne faut pas hésiter à faire appel à des ressources dédiées.
Enfin, un accompagnateur vous aidera aussi à évaluer votre équipe afin de faire ressortir vos forces, planifier vos besoins (en services-conseils et en développement de compétences, par exemple) et créer le comité provisoire qui sera responsable de faire les démarches propres à la reprise collective.
Financer la reprise
Comme nous l’avons mentionné, chaque projet de reprise collective est différent et a ses particularités (secteur d’activité, taille ou valeur de l’entreprise, niveau de développement, situation financière, mode d’acquisition, structure juridique, etc.), nous vous encourageons à ne pas hésiter à demander de l’aide auprès d’une ressource d’accompagnement. En effet, sa connaissance générale des programmes et sources de financement permettra à votre l’équipe de sauver un temps précieux en recherche et en prises de contacts avec des partenaires.
Le cheminement général d’une démarche de financement peut être résumé en six grandes étapes :
- Évaluation du coût du projet et montage financier préliminaire
- Prises de contact avec les partenaires financiers
- Montage du dossier (plan d’affaire et prévisions financières)
- Montage financier final
- Analyse et décision de financement
- Déboursement
Les actions liées au financement doivent commencer dès le début, en mode exploratoire minimalement, afin d’évaluer la faisabilité financière du projet. C’est particulièrement le cas pour les deux premières étapes qui peuvent déterminer s’il est pertinent ou non d’entamer la démarche.
Comme c’est le cas pour l’ensemble du processus, les six étapes présentées ci-dessus ne sont pas linéaires. Certaines étapes se réaliseront en concomitance et souvent en interdépendance avec d’autres. Le tableau ci-dessous donne un aperçu visuel très approximatif de ce que pourrait être le cheminement des démarches liées au financement d’un projet de reprise qui s’échelonnerait, à titre d’exemple, sur un an. Chaque cas, tel que mentionné ci-dessus, aura bien entendu ses particularités et la durée de chacune des étapes variera.
Lorsque vous devrez communiquer avec les partenaires financiers, il est important que ce soit les personnes maîtrisant le mieux les aspects financiers du projet qui le fassent afin de bien mettre en confiance les partenaires.
Les ressources
Historiquement, le Québec a toujours reconnu l’apport de l’économie sociale au développement économique et territorial. Cette reconnaissance, formalisée par l’adoption de la Loi sur l’économie sociale, a permis le développement d’un écosystème de structures d’accompagnement et de financement dédiées aux entreprises d’économie sociale (EÉS).
Ce sont le Chantier de l’économie sociale et le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité les interlocuteurs privilégiés par le gouvernement.
On retrouvera :
- la Coopérative de développement régional du Québec (CDRQ), présente dans toutes les régions du Québec
- le Réseau coop
- les Centres locaux de développement (CLD) ou les Municipalités régionales de comté (MRC)
- les Sociétés d’aide au développement des collectivités (SADC) ou les Centres d’aide aux entreprises (CAE)
- les services d’accompagnement sectoriels (comme le Collectif des entreprises d’insertion du Québec), par exemple
- les Pôles régionaux d’économie sociale
Généralement, ces organisations et structures d’accompagnement offrent des services comme la validation du projet et du modèle d’affaires, l’aide au montage financier et à la recherche de financement, l’aide à la gouvernance et à la gestion des ressources humaines ou à la mise en relation vers des partenaires et organismes spécialisés en ÉS, entre autres.
La plupart du temps, l’accompagnateur d’un projet de RC proviendra de l’une de ces organisations et, pour certains, sa compréhension des enjeux de l’ÉS et du transfert d’entreprise peut être très sommaire. De là l’importance de faire appel ou de référer à des experts.
En dehors des institutions financières dites « classiques », diverses organisations soutiennent la création et le développement des EÉS comme :
- le Réseau d’investissement social du Québec (RISQ)
- la Fiducie du Chantier de l’économie sociale
- Investissement Québec
- la Caisse d’économie sociale
- Filaction
- Fondaction
Des programmes gouvernementaux et des fonds dédiés à la reprise collective, et plus largement à l’économie sociale, sont aussi disponibles.
Vous retrouverez la liste des principales sources de financement dans le répertoire des ressources de financement sur ce site Internet, ainsi que dans le guide Le financement d’un projet de reprise collective d’entreprise.
Finalement, c’est le Centre de transfert d’entreprises du Québec (CTEQ) l’organisation mandatée par le gouvernement pour soutenir le transfert d’entreprises sous toutes ses formes. En matière de reprise collective, le CTEQ collabore étroitement avec l’écosystème de l’économie sociale pour faire la sensibilisation de ce type d’acquisition, afin de favoriser ce mode de transfert. Le CTEQ accueille aussi les cédants désirant vendre leur entreprise, en plus d’offrir de programmes de financement adaptés.