Rapport de recherche – Janvier 2021
Caractéristiques, freins, leviers, retombées et modèles
Réalisé par
Isabeau Four
Olivier Corbin-Charland
Maricarmen Merino
France Lavoie
Mamadou Diagne
Introduction
1.1 Contexte de la recherche partenariale
Le vieillissement de la population est un enjeu important qui touche également les dirigeants des PME et soulève l’important enjeu social et économique de la reprise d’entreprise (Cadieux et al., 2019). Déjà en février 2017, la Caisse de dépôt et placement du Québec estimait que 30 % des propriétaires d’entreprises allaient prendre leur retraite dans les six ans1. L’émergence de modèles novateurs comme ceux portés par l’économie sociale pourrait contribuer à redynamiser et renouveler le tissu économique québécois.
Toutefois, force est de constater que si les études sur le repreneuriat sont de plus en plus nombreuses, peu d’entre elles portent sur la perspective collective (Four et al., 2019), un phénomène complexe qui soulève plusieurs enjeux pouvant varier selon l’entité créée (OBNL ou coopérative) : prix de cession et financement du rachat, aspects juridiques et fiscaux, management de la reprise et gouvernance de la nouvelle entité créée. La recherche partenariale menée par le CÉRSÉ avec le Chantier d’économie sociale, le CQCM, Réseau Coop et la Caisse d’économie solidaire Desjardins vise à produire des connaissances sur la reprise collective propres à la réalité québécoise.
NOTE. Cette recherche a été entreprise en 2019, avant la crise sanitaire. Bien que pour l’instant aucune étude fasse état des intentions de retraite influencées par la pandémie de COVID-19, selon Statistique Canada, dans son Aperçu économique du 19 août 20202, on s’attend à des « répercussions négatives particulièrement importantes sur les petites et moyennes entreprises, car celles-ci sont grandement concentrées dans les industries liées au voyage et au tourisme, dont celles du transport, des services d’hébergement et de restauration, et des arts, spectacles et loisirs ». Il s’agit des secteurs porteurs pour la reprise collective au Québec identifiés par le CÉRSÉ3 lors d’un volet de cette recherche (Four et al., 2020). Par ailleurs, la durée de la pandémie pourrait influencer la valeur de l’entreprise cédée à la baisse (CTEQ, webinaire, 20 octobre 2020).
1.2 Objectifs de la recherche partenariale
L’objectif principal de cette recherche est de mieux connaître le repreneuriat collectif afin d’en définir les spécificités et les modalités pour en favoriser l’essor dans une optique de maintien des entreprises et des emplois au Québec. Ce projet vise plus spécifiquement à :
- Identifier les caractéristiques et particularités des reprises collectives;
- Identifier les leviers et les freins rencontrés;
- Identifier les retombées des nouvelles entités créées;
- Élaborer des modèles de reprises collectives afin d’en faciliter le processus;
- Identifier des secteurs d’activités porteurs pour le repreneuriat collectif;
Dans le cadre du présent livrable, l’analyse des entretiens réalisés permet de couvrir les quatre premiers objectifs spécifiques, soit l’identification des caractéristiques des différents types de reprises collectives, l’analyse des facteurs de succès et les freins rencontrés et enfin l’identification des retombées des nouvelles entités créées. L’analyse de cas permet d’aller plus en profondeur que les entretiens individuels dans l’identification des facteurs de succès et des freins à la reprise collective en croisant les regards de divers acteurs sur la reprise collective à différentes étapes du processus.
1.3 Démarche méthodologique
L’équipe de recherche a réalisé une série de dix-neuf entretiens individuels afin de saisir dans toutes leurs nuances les caractéristiques, les particularités, les freins et les facteurs de succès de même que les principales retombées de ces reprises collectives. Les entretiens ciblaient les repreneurs et les accompagnateurs ou acteurs de soutien, les principaux détenteurs des connaissances sur ces modes innovants de reprise. Pour mener à bien ces entrevues, l’entretien semi-directif a été privilégié, car il permet de saisir le sens que les acteurs donnent à leurs actions et « d’analyser un problème précis : ses données, les points de vue en présence, ses enjeux, les systèmes de relations, le fonctionnement d’une organisation, etc. » tout comme il permet : « la reconstitution du processus d’action, d’expériences ou d’évènements du passé » (Van Campenhoudt, Marquet et Quivy, 2017, p. 244). Le matériel qualitatif est donc majoritairement composé de verbatim et de notes d’observations, il a été traité selon la perspective de l’analyse thématique qui permet un traitement collé sur les objectifs de la recherche. (Paillé et Muchielli, 2003). Les données recueillies ont été analysées à l’aide de matrices dans le logiciel spécialisé d’analyse textuelle Nvivo version 12 (QSR, 2017). Pour compléter et valider les informations recueillies dans les entretiens, une fouille documentaire succincte a été réalisée avant chaque entretien.
1.4 Limitations de l’étude
Les entretiens semi-dirigés permettent d’aller chercher des informations pour comprendre un phénomène en profondeur et pour en saisir les nuances, toutefois, cette méthode de collecte a certaines limites. En effet, ce type de collecte repose sur la mémoire des participants, considérant que certains cas de reprise remontent à quelques années, il est difficile, dans le cadre d’un entretien d’une heure trente, de s’assurer de l’exactitude de certaines données factuelles comme les dates et les montants. C’est d’ailleurs ce pour quoi cette recherche repose sur plusieurs sources de données et types d’analyses. Également, les entretiens réalisés avec les repreneurs concernent des cas de reprises « réussis » dans la mesure où leurs entreprises étaient en fonction au moment de la rencontre. Cela pourrait limiter l’identification des freins à la reprise collective.
1.5 Description du corpus
Dix-neuf entretiens ont été réalisés, dont dix avec des repreneurs impliqués dans la reprise de dix-sept entreprises. Ces entreprises rachetées étaient, pour la vaste majorité, des sociétés par actions. Les statuts juridiques des entreprises repreneuses et des entreprises cédées sont présentés dans les tableaux suivants :
Entreprises cédées | Nombre |
---|---|
Coop | 4 |
SPA | 14 |
Forme juridique des entreprises des repreneurs | Nombre |
---|---|
Coop | 4 |
OBNL | 6 |
Enfin, cette série d’entretiens a été complétée par neuf entrevues avec des accompagnateurs et des acteurs de l’écosystème entrepreneurial, certains sont d’ailleurs rattachés à un des cas de reprise étudiés. La préanalyse des données dans les entretiens effectués auprès des repreneurs a permis de faire émerger la classification suivante :
Types d’acteurs de soutien ou d’accompagnement | Nombre |
---|---|
Soutien et expertise en transfert d’entreprises | 1 |
Soutien et expertise en économie sociale | 5 |
Soutien financier en économie sociale | 1 |
Soutien financier | 1 |
Soutien et expertise en développement local | 1 |
1.6 Cadre d’analyse
La reprise est décrite comme un processus séquentiel comportant quatre étapes : la préparation, l’accord, la transition et le management de la reprise (Audet et St-Jean, 2009; Cadieux et Brouard, 2009; Picard et Thévenard-Puthod, 2004). Durant la première étape, le repreneur (s’il est externe à l’organisation) doit identifier l’entreprise à racheter et les ressources nécessaires à mobiliser pour y parvenir. Pour le cédant, cette étape suppose qu’il estime cette transmission possible et qu’il réussisse à identifier un ou plusieurs repreneurs intéressés. À cette étape, l’enjeu principal est le déficit d’information (Richomme-Huet et d’Andria, 2009). Le cédant doit trouver les bons canaux de communications pour publiciser son désir de vendre (Richomme-Huet et d’Andria, 2009). Il va aussi rechercher le « bon » repreneur qui va perpétuer son entreprise souvent perçue comme l’œuvre d’une vie (Bornard et Thévenard-Puthod, 2009; Kets de Vries, 1985). La deuxième étape se caractérise par la négociation entre le cédant et le repreneur potentiel. Le repreneur voudra obtenir des informations sur l’entreprise à vendre et cherche l’entreprise « parfaite » alors que le cédant aura plutôt tendance à vouloir maximiser les profits liés à la vente en embellissant le bilan de son entreprise (Bornard et Thévenard-Puthod, 2009). Le repreneur doit aussi disposer des moyens financiers nécessaires pour acheter l’entreprise. En effet, l’entreprise qui existe déjà peut être d’une certaine taille et avoir des actifs, ce qui peut contribuer à rendre son rachat plus difficile (Bornard et Thévenard-Puthod, 2009). De plus, il est plus difficile d’obtenir du financement pour racheter une entreprise (Aubry et Wolff, 2016). Le réseau de ressources auxquelles a accès le repreneur joue un rôle déterminant. Ces ressources sont en partie déterminées par la qualité des liens entre le repreneur et les acteurs de l’écosystème de soutien (Lamine, Fayolle et Chebbi, 2014). La troisième étape – appelée transition – voit la cohabitation ou l’accompagnement du nouveau dirigeant par le cédant pour faciliter son entrée dans l’entreprise. Elle se caractérise par les nombreux enjeux légaux, bureaucratiques et fiscaux : la préparation des documents juridiques, le choix du mode de financement, la préparation et rédaction des documents officiels, le transfert de la propriété de l’entreprise, etc. (Picard et Thévenard-Puthod, 2004). Enfin, dans la dernière étape, le nouveau dirigeant doit assumer le plein contrôle de l’entreprise. Cette étape soulève de nombreux enjeux au niveau de la gouvernance, des relations avec les employés et plus largement, avec l’ensemble des parties prenantes. En effet, s’il n’arrive pas à réussir cet exercice, le nouveau dirigeant risque d’être rejeté par les personnes œuvrant dans l’entreprise et ainsi mener le processus à un échec repreneurial (Aubry et Wolff, 2016; Bargues, Hollandts et Valiorgue, 2017). Certains auteurs proposent aussi des découpages plus fins ou plus agrégés, notamment en fusionnant les deux dernières étapes. Il est aussi important de soulever que malgré ce découpage, des allers-retours sont possibles entre diverses étapes, après, par exemple, un échec des négociations (Aubry et Wolff, 2016). Il ne faut donc pas adopter une lecture linéaire de la reprise. Toutefois, ces étapes structurent le modèle de reprise mis de l’avant par les accompagnateurs de ce phénomène, il est donc important d’en tenir compte. Néanmoins, il semble urgent de proposer des modèles qui correspondent davantage aux besoins et défis particuliers de la reprise collective, phénomène qui mobilise une pluralité d’acteurs et qui génère des tensions liées, entre autres, à la double mission des entreprises collectives.
1 Communiqué de presse de la Caisse de dépôt et de placement du Québec, Montréal, le 15 février 2017
2 Statistique Canada, Aperçus économiques — 19 août 2020. Répercussions économiques de la pandémie de COVID-19 sur les entreprises canadiennes de toutes les catégories de taille, par Wulong Gu. https://www150.statcan.gc.ca/n1/fr/pub/11-626-x/11-626-x2020017-fra.pdf?st=164fsojE (Consulté le 16 septembre 2020)
3 Dans le « Relevé des secteurs porteurs de la reprise collective au Québec », réalisé en avril 2020 par le CÉRSÉ, on identifie quelques secteurs comme propices pour la reprise collective, dont le commerce de détail, l’hébergement et la restauration, l’industrie d’information et industrie culturelle, les arts, spectacles et loisirs, entre autres.
Résultats
Les résultats sont présentés ainsi:
- La reprise vue par les repreneurs avec les séquences de reprise, les leviers et les freins identifiés
- Les leviers et freins agrégés par thèmes et croisés avec les rôles potentiels des acteurs de soutien pour les renforcer ou les contourner
- Les forces et faiblesses des divers types d’acteurs de soutien, tels que perçus par les repreneurs
- L’étude de cas avec les regards croisés de différents acteurs de soutien à la reprise sur un processus de reprise collective
La reprise vue par les repreneurs
Afin de saisir les séquences que mobilisent les repreneurs dans le processus de reprise et les caractéristiques des entreprises impliquées (entreprises repreneuses et entreprises cédées), une série de variables a été mobilisée afin de décrire et analyser les cas de reprise. Pour l’analyse des données, les séquences ont donc été construites en mobilisant les variables suivantes :
- Provenance du repreneur : interne ou externe à l’entreprise cédée
- Entreprise repreneuse : créée pour la reprise ou existante antérieurement à la reprise
- Montage financier : simple ou complexe
- Santé financière de l’entreprise cédée : bonne ou mauvaise
- Retombées de la reprise : sauvegarde/maintien ou développement
Les huit séquences de reprise présentées dans les pages suivantes sont donc construites autour de ces dimensions et leurs variables.
Rubriques par séquence
2.1 Premier cas de figure
Reprise externe, entité juridique créée pour la reprise, montage financier complexe, mauvaise santé financière de l’entreprise cédée, logique de sauvegarde
2.2 Deuxième cas de figure
Reprise externe, entité juridique créée pour la reprise, montage financier complexe, mauvaise santé financière de l’entreprise cédée, logique de sauvegarde
2.3 Troisième cas de figure
Reprise interne, entité juridique créée pour la reprise, montage financier complexe, mauvaise santé financière de l’entreprise cédée, logique de sauvegarde
2.4 Quatrième cas de figure
Reprise externe, entité juridique existante, montage financier complexe, bonne santé financière de l’entreprise cédée, logique de développement
2.5 Cinquième cas de figure
Reprise externe, entité juridique créée pour la reprise, montage financier complexe, mauvaise santé financière de l’entreprise cédée, logique de sauvegarde
2.6 Sixième cas de figure
Reprise externe, entité juridique existante, montage financier complexe, mauvaise santé financière de l’entreprise cédée, logique de sauvegarde
2.7 Septième cas de figure
Reprise interne, entité juridique créée pour la reprise, montage financier complexe, mauvaise santé financière de l’entreprise cédée, logique de sauvegarde
2.8 Huitième cas de figure
Reprises externes en série, entité juridique existante, montages financiers simples, entreprises reprises en mauvaise santé financière, logique de développement
2.9 Neuvième cas de figure
Reprises externes en séries, entité juridique existante, montages financiers simples, mauvaise santé financière des entreprises cédées, logique de développement
2.10 Dixième cas de figure
Reprise externe, entité juridique créée pour la reprise, montage financier inexistant, mauvaise santé financière de l’entreprise cédée, logique de sauvegarde
2.11 Synthèse de la section
Un modèle de la reprise collective
Dans les séquences analysées, on voit émerger certains éléments communs aux divers thèmes mobilisés. Nous proposons une synthèse de chacun de ces thèmes, hormis celui du financement qui est approfondi dans la section suivante portant sur l’étude de cas. Il en va de même pour les leviers et freins, qui sont croisés avec les analyses faites sur le soutien et l’accompagnement pour former la dernière section de ce rapport.
Tout au long de ces séquences, de nombreux enjeux émergent, des solutions aussi, mais c’est surtout l’importance de bien gérer les phases de négociation et de transition et management qui sont les plus nommées. Il va de soi que pour que ces phases se déroulent bien, il faut avoir bien évalué l’entreprise à reprendre, ceci étant dit, cet enjeu est intimement lié au financement de la reprise.
Figure 2 – Modèles de séquence de reprise collective
Étude de cas
Regards croisés sur un cas de reprise collective et le soutien
Dans le contexte de cette étude, un cas de reprise a été sélectionné afin d’être documenté de façon approfondie. Pour ce faire, un repreneur et quatre accompagnateurs ont été rencontrés dans le cadre d’entretiens semi-dirigés portant spécifiquement sur ce cas. L’analyse reprend les divers thèmes utilisés pour analyser la reprise collective d’une entreprise tout au long de cette étude. Un constat important émerge de l’analyse de cette étude de cas, les acteurs de soutien ont une vision relativement uniforme de plusieurs phases du processus de reprise. La phase où d’importantes divergences apparaissent est celle de la négociation et plus particulièrement le défi de la réalisation du montage financier nécessaire pour mener à bien la reprise. C’est donc cette phase qui fait l’objet d’une analyse plus approfondie dans la présente étude de cas.
3.1 Conclusion – étude de cas
L’élément principal qui émerge de cette étude de cas et des analyses effectuées par le biais des regards croisés de cinq acteurs impliqués est que la phase de la négociation, et plus spécifiquement la mise sur pied d’un montage financier complexe est l’étape la plus délicate du processus de reprise. L’arrimage entre divers types de fonds et acteurs financiers, les allers-retours incessants entre le cédant et les comités chargés d’évaluer le dossier et de proposer des solutions de financement, les accords et désaccords entre ces différents bailleurs de fonds ainsi que les importants efforts consentis par certains acteurs (principalement, le repreneur et l’acteur financier en économie sociale) marquent ce cas. En reprenant l’ensemble de ces éléments, on voit émerger une représentation relativement similaire de l’entreprise à céder (une entreprise importante pour la région, mais qui connait des difficultés financières), des repreneurs (promoteur motivé et compétent) et de l’entreprise après la reprise.
C’est donc lorsqu’il est question de la phase de négociations et plus particulièrement du montage financier qu’émergent des lectures différentes de la reprise. Ce cas et l’analyse réalisée permettent de mieux saisir cette phase délicate, comme en témoignent les représentations variées des enjeux identifiés par les participants. Ceci étant dit, deux consensus peuvent être identifiés, soit la complexité du montage financier lorsqu’il implique de nombreux acteurs subventionnaires et prêteurs ainsi que la difficulté à trouver les fonds appropriés pour boucler le montage financier de cette reprise collective.
Du côté des désaccords et dissensions, on voit surtout émerger deux tensions, une reliée au rôle des acteurs dans le processus de reprise et l’autre à la mécompréhension du financement d’un projet de reprise en économie sociale. Si le premier point est en partie dû à la posture subjective des acteurs interviewés, il permet quand même de comprendre que les perceptions des acteurs sont différentes et vont varier en fonction de leurs positions. Pour le repreneur et un des acteurs de soutien, il aurait été préférable que la MRC soit partie prenante du projet plus tôt dans le processus, alors que pour le représentant de la MRC, cette dernière s’est impliquée au moment opportun.
La seconde tension est plutôt liée aux modes possibles de reprise, d’un côté la reprise classique et de l’autre, la reprise en économie sociale. Alors que le représentant de la MRC et l’acteur financier classique affirment ne pas avoir de préférence particulière pour l’un ou l’autre des types de reprise, les acteurs en économie sociale soulignent les avantages de la reprise collective par rapport à la reprise classique. L’enjeu majeur lié à cette tension est la potentielle inadéquation des produits financiers des critères de financement des acteurs financiers classiques, leur mécompréhension des enjeux spécifiques aux entreprises d’économie sociale et surtout, les efforts importants que doivent déployer les acteurs de l’économie sociale (repreneurs, accompagnateurs et financiers) pour convaincre ou adapter les propositions faites par les acteurs financiers classiques. Considérant, de plus, l’inégalité des ressources entre les différentes régions du Québec, on perçoit, dans cet enjeu, un rôle important pour les acteurs de l’économie sociale, soit celui de ressource pivot pouvant mieux orienter les repreneurs tout en les soutenant dans les relations et négociations entre les divers acteurs financiers mobilisables dans un projet de reprise.
L’accompagnement
Les acteurs de soutien : enjeux, leviers et freins
La reprise collective est un processus qui implique la présence d’un collectif, ce collectif n’est cependant pas suffisant pour mener à bien un projet de reprise, la présence d’acteurs de soutien et de diverses organisations pouvant accompagner ou orienter les acteurs de la reprise est un facteur important dans tout type de processus entrepreneurial et la reprise collective n’y échappe pas. Par le biais des entretiens réalisés, nous avons pu identifier cinq catégories d’acteurs de soutien, présentées dans la liste ci-bas. Dépendamment du contexte et de leurs interventions, certains sont décrits comme étant efficaces et soutenants par les repreneurs alors que d’autres sont, au contraire, perçus comme des obstacles. Cette section, basée sur les entretiens réalisés auprès des dix repreneurs et des neuf acteurs de soutien explore donc les enjeux liés aux types d’acteurs de soutien. Enfin, la conclusion de cette section reprend les leviers et freins identifiés dans les cas de reprise et dans les entretiens avec les acteurs de soutien afin de voir quels rôles peuvent jouer ces derniers pour mieux accompagner les repreneurs.
Les types d’acteurs de soutiens identifiés:
Des acteurs de soutien détenant une expertise spécifique en reprise collective ont été mobilisés par certains repreneurs. Cette expertise est, selon certains repreneurs, importante pour mener à bien un projet de reprise. On relève, dans les acteurs de soutien détenant une expertise spécifique en reprise d’entreprise, des organisations telles que le CTEQ.
Avec le Centre de Transfert d’Entreprise du Québec, qui a été d’une aide extraordinaire, je ne vois pas comment quelqu’un peut travailler sans passer par le centre de transfert. C’est se priver de l’outil le plus important que l’on a au Québec. À moins que je me trompe? Est-ce que y en a d’autres je ne le sais pas? Mais les gens du Centre de transfert sont des gens dévoués et des gens qui aident réellement. Avec eux, ça m’a permis de voir quelles sont les opportunités, les façons de faire.
Ceci étant dit, d’autres repreneurs n’ont pas eu recours à ce type de soutien lié au processus de reprise. Certains repreneurs ont une bonne expérience en reprise d’entreprises, parfois ce sont des repreneurs en série, ils ont une connaissance suffisante des enjeux de la reprise collective pour piloter ces processus sans soutien externe. On retrouve d’ailleurs, dans cette catégorie, les repreneurs qui financent eux-mêmes le rachat d’entreprise, sans recourir aux prêts d’institutions bancaires pour procéder à ces acquisitions. Ici, nous nous situons plus dans une logique d’autarcie pour ce qui est du recours à l’expertise et au soutien.
Des acteurs de soutien spécifiquement liés à l’économie sociale ont aussi été mobilisés par des repreneurs, comme la CDRQ, des fédérations de coopératives ou encore des acteurs ayant développé une expertise en économie sociale, comme certaines antennes de PME-Montréal. Les repreneurs cherchent à trouver une expertise endogène spécifique sur la reprise collective. Force est cependant de constater que ces ressources sont à géométrie variable selon les régions et les secteurs d’activités. Lorsqu’elles sont disponibles, leur soutien est précieux, car l’acteur connait bien les enjeux auxquels font face les entreprises d’économie sociale. À cet égard, on relève une présence marquée d’acteurs coopératifs, ces derniers semblent, principalement dans le cas de la CDRQ et des fédérations, être dotés d’outils efficaces pour orienter et soutenir les repreneurs, ce qui semble moins présent pour les reprises en mode OBNL. Comme en témoigne l’extrait suivant, représentatif de plusieurs expériences de reprise d’entreprises par des coopératives, le soutien dont peuvent bénéficiers certaines coopératives semble être un important facteur de succès :
Auprès de la CDRQ on a un service exceptionnel. Super suivi. C’est plus au niveau de la forme légale. C’était particulier une coopérative. Ils nous ont vraiment bien guidés, pour pas que l’on fasse de faux pas. On pouvait l’appeler n’importe quand, la personne qui s’occupait de notre dossier vraiment encore aujourd’hui il assiste à tous nos CA.
Ce soutien est particulièrement important pour les repreneurs qui se lancent dans leur première aventure en économie sociale, de nombreux apprentissages nécessaires sont importants pour le repreneur : la vie démocratique, la gouvernance, les parts, la gestion des surplus, etc. Une des formes de soutien les plus pertinentes est celle provenant d’un acteur ayant à la fois une connaissance fine des enjeux liés à la forme juridique et au secteur d’activités. Ces acteurs sont relativement rares, ce sont surtout des fédérations de coopératives qui ont déjà accompagné des projets de reprise similaire et qui peuvent donc transférer leur expérience et leurs connaissances au repreneur. Cependant, combiner ces deux éléments, connaissance du secteur d’activités et de l’économie sociale, ne garantit pas un soutien adéquat. En effet d’autres éléments ont un impact sur la qualité de l’accompagnement, si l’accompagnateur n’a soutenu que des projets de reprise plus importants, il peut avoir de la difficulté à s’adapter aux particularités et enjeux de projets de reprise plus modestes. Enfin, il est important de souligner que les acteurs de soutien possédants cette double expertise sont rares.
L’accompagnement par des acteurs de soutien liés au secteur d’activités est qualifié d’important par plusieurs repreneurs. Ces ressources sont parfois rattachées à l’écosystème de soutien de l’économie sociale, mais sont parfois aussi reliées à celui de l’entreprise privée classique. Des repreneurs soulignent l’importance de ce type de soutien, considérant la spécificité des enjeux liés à chaque secteur d’activité.
Cette expertise est essentielle, particulièrement pour les collectifs de repreneurs disposant de peu d’expérience dans le secteur d’activité et pilotant des entreprises de petite taille n’ayant pas suffisamment de ressources internes pour couvrir tous les aspects de la reprise et de la gestion d’une entreprise. En effet, lorsque, par exemple, une communauté se mobilise pour racheter une entreprise offrant des services de proximité, elle nécessite des appuis pour mener à bien les premières étapes de la reprise, mais surtout pour assurer la pérennité de l’entreprise, en la mettant à jour et en modernisant ses pratiques, par exemple, en informatisant la gestion des stocks et des ventes, ou encore la gestion des ressources humaines :
Une chance. Ils sont arrivés mi-novembre pour mettre en place, ils ont tout refait l’aménagement de [l’entreprise]. Ils ont passé deux semaines à réaménager [l’entreprise], former le personnel, tout [informatiser l’entreprise]. On a vraiment eu un service hors pair avec eux.
Des repreneurs affirment que sans ce type de soutien et d’expertise sectorielle, la rentabilité ne serait possiblement pas au rendez-vous, ce qui risque de diminuer les chances de survie de l’entreprise. Alors que parfois des ressources de soutien sectorielles sont disponibles en économie sociale, elles ne sont pas toujours les plus adaptées et pertinentes, un acteur de soutien sectoriel à l’entreprise privée, qui est plus habituée d’accompagner des petites entreprises peut être plus adéquat que celui lié à l’économie sociale, mais spécialisé dans l’accompagnement d’EÉS de plus grandes tailles. Ces acteurs d’accompagnement sectoriel sont rares en économie sociale, il est difficile d’en trouver.
Pour contourner ces types d’enjeux, le non-recours aux ressources d’accompagnement sectorielles dans les petites et moyennes entreprises d’économie sociale est aussi présent dans le discours des repreneurs. Certains préfèrent développer cette expertise à l’interne, souvent en s’appuyant sur le transfert de connaissances du cédant ou de ses employés. Les raisons invoquées sont surtout centrées autour du désir de développer l’autonomie, autrement dit, ces repreneurs souhaitent fonctionner dans une logique plus autarcique, qui est, selon eux et dans leur contexte spécifique, gage de pérennité.
Pour certaines plus grandes entreprises, notamment celles qui rachètent des entreprises dans des secteurs d’activités diversifiés, l’enjeu de l’accompagnement sectoriel est aussi présent. Premièrement, les entreprises qui s’engagent dans cette voie disposent parfois de ressources à l’interne pour piloter ce type de reprise, cependant, cette avenue peut être couteuse et mener à une certaine dispersion des efforts de l’EÉS pour pérenniser ses divers secteurs d’activités. Certains repreneurs choisissent donc de développer cette expertise à l’interne, par exemple en réduisant le nombre de secteurs d’activités où ils sont présents, ils vont donc reprendre des entreprises dans les secteurs où ils disposent de l’expertise nécessaire qu’ils ont donc intérêt à développer et maximiser.
L’autre stratégie pour ces grandes entreprises est d’aller chercher l’expertise à l’externe et se développer en ajoutant de nouveaux secteurs d’activités. Alors qu’il est pertinent de disposer des compétences à l’interne pour piloter une entreprise dans un nouveau secteur d’activités, développer cette expertise n’est pas toujours possible en recourant aux seules ressources internes de l’entreprise ou encore en mobilisant les connaissances du cédant, qui, par ailleurs, préfère parfois passer le relais rapidement. C’est dans ce cas de figure que les grandes entreprises vont aller chercher, dans l’écosystème de soutien, des expertises liées à ce secteur d’activité, généralement pour les développer dans l’entreprise reprise afin de la faire monter en compétences et lui assurer une certaine expertise et autonomie.
Les enjeux juridiques et fiscaux peuvent être nombreux dans le cadre de la reprise d’une société par actions par une entreprise d’économie sociale. La taille de l’entreprise cédée ou du repreneur semble être un facteur important, lorsque la taille est grande, le repreneur doit s’assurer du respect des règles fiscales, complexes lorsqu’il est question de la transformation d’une société par actions en entreprise collective. À cet égard, un repreneur indique que les ressources juridiques détenant une expertise spécifique sur la reprise d’entreprise et sur les enjeux en économie sociale sont rares, mais essentielles à une reprise réussie :
[…]la firme d’avocats spécialisée en droit commercial qui nous a aidé à modifier la structure et établir le calendrier ou la façon de faire la transformation parce qu’il y a des étapes particulières à respecter pour bien faire les choses fiscalement parlant et légalement parlant […].
En dehors du milieu coopératif, ces ressources semblent difficiles à trouver, à moins de pouvoir attirer un avocat sur le CA, les ressources financières manquent à de nombreux repreneurs pour bénéficier d’une telle expertise. Ce qui veut donc dire que la majorité des avocats et fiscalistes impliqués dans les cas de reprise étudiés agissent bénévolement en s’impliquant sur les conseils d’administration. Ceci étant dit, certains repreneurs disposant de moyens financiers plus importants ont fait affaire avec de grands cabinets d’avocats. Malgré le fait que ces derniers sont surtout mobilisés par l’entreprise privée, leur connaissance fine des sociétés par actions combinée à une expertise suffisante sur les coopératives ou les OBNL leur ont permis de poser un diagnostic juste et de proposer des pistes d’action permettant d’éviter certaines charges fiscales.
Les relations avec les élus et les pouvoirs publics, notamment les ministères sont complexes. Parfois elles vont faciliter la reprise, mais d’autres fois elles peuvent être un obstacle important au projet de reprise. L’enjeu majeur ici est le fait que les repreneurs ont peu de contrôle sur ce facteur. En effet, plusieurs repreneurs affirment avoir reçu un soutien important et apprécié d’élus, mais que ce soutien semble avoir été obtenu grâce à une certaine part de chance, une rencontre fortuite dans un évènement ou encore un élu interpellé dans une conférence de presse. Paradoxalement, toujours selon plusieurs repreneurs, ce soutien est souvent un élément déclencheur important qui permet de faire avancer le projet de reprise significativement, notamment en s’assurant que les demandes faites aux divers ministères, municipalités ou autres instances règlementaires soient accélérées ou, à tout le moins, ne soient pas ralenties :
[…] je me suis glissé dans une conférence de presse à l’oreille (d’un élu provincial), il faisait une conférence de presse au mois de juillet avec les personnes […] c’était une espèce de rencontre pour dire qu’on vient d’être élus la et on va être avec vous autres et on va vous aider, si vous avez quoi que ce soit c’est moi qui est en charge de [la région] alors je me glisse et je lui glisse à son oreille est-ce que j’ai bien fait de pas vous posez la question, j’avais l’impression que je pouvais vous mettre dans le trouble que actuelle notre entreprise on ne peut pas avancer parce que [un] ministère nous met des bâtons dans les roues. Je suis content que tu ne l’aies pas posé il dit le gars qui est là ça c’est mon adjoint, c’est mon bras droit. Tu vas lui soumettre ton projet. C’était le vendredi. […] La semaine après nous étions assis une dizaine autour de la table, trois-quatre du ministère, des gens de la MRC, des gens de la ville, moi, un partenaire, et on réglait le problème.
Afin d’illustrer l’importance de ce type de soutien, plusieurs repreneurs affirment que l’aide d’un élu pour appuyer un projet est parfois même essentielle à son succès, sans ce type de soutien, la reprise n’aurait peut-être pas abouti. Pour des entreprises fortement ancrées dans leurs communautés, ce type d’appui est d’autant plus important.
Les relations avec les élus ne sont toutefois pas toujours faciles. D’une part, les rencontres avec ces derniers ne sont pas faciles à planifier et à concrétiser. Une partie des appuis que les repreneurs ont pu aller chercher semble en partie due au hasard, comme le cas d’un citoyen impliqué dans sa communauté et voulant sauver une entreprise offrant des services de proximité qui croise un élu et l’interpelle, ce qui aide le projet, mais que se serait-il passé si cette rencontre fortuite n’avait pas eu lieu ?
Un autre enjeu lié aux relations avec les élus est l’instabilité des relations développées, car toujours soumises aux cycles des élections. En effet, les élus favorables au projet peuvent perdre leurs élections et être remplacés par un autre élu qui, sans remettre en question le projet, peut avoir d’autres priorités et ne plus appuyer le projet. Toujours dans la même veine, et plus particulièrement en région, les relations avec ces élus peuvent même avoir un effet particulièrement délétère sur le processus de reprise. En effet, si un nouvel élu est en brouille avec le repreneur ou un membre de son entourage, il peut, au lieu de jouer le rôle de facilitateur, appliquer les règles d’une telle façon que le projet de reprise risque d’échouer ou encore rencontrer d’importantes difficultés, notamment financières.
La dernière catégorie d’acteurs de soutien présentée dans cette section est celle des organisations proposant divers produits ou programmes de financement. Ces acteurs de financement peuvent être liés à l’économie sociale, à l’économie classique ou encore à des ministères. Les montants des rachats sont variés, mais deux types de montages financiers ont émergé de l’analyse, le montage simple et la mobilisation de fonds propres et le montage financier complexe, c’est dans ce deuxième cas de figure que le rôle des acteurs de financement est le plus important. Les enjeux de financement sont nombreux. Du côté des produits financiers de l’économie sociale, plusieurs repreneurs soulignent la pertinence de ces derniers, dans un univers économique où l’entreprise privée peut accéder à de nombreux produits financiers, il est important que des solutions de financement adaptées aux réalités des entreprises d’économie sociale et portées par des professionnels qui comprennent ce type d’entreprises soient disponibles. Cependant, des repreneurs relèvent que ces produits ne sont pas toujours adaptés, d’une part, les montants ne sont pas toujours suffisants et, d’autre part, il peut être relativement difficile de les arrimer aux autres sources de financement. Ces autres sources de financement sont également importantes, mais vont aussi être à la source de nombreux défis pour les repreneurs.
Du côté des acteurs financiers classiques, la compréhension des façons de faire de l’économie sociale est souvent lacunaire, s’il est possible de tomber sur un acteur qui possède suffisamment de connaissances sur les EÉS pour proposer des options de financement adéquates, rien ne garantit que ce sera bien le cas. Ces acteurs financiers vont parfois remettre en question le plan d’affaires de l’entreprise, même si ce dernier est adéquat en économie sociale. Ils vont aussi demander des garanties importantes, parfois pour contrebalancer ce qu’ils estiment être une prise de risque minimale par les promoteurs, car ces derniers ne sont pas actionnaires comme dans une société par actions.
Les subventions sont particulièrement utiles pour de nombreuses entreprises et plus particulièrement pour celles qui œuvrent dans des secteurs d’activités où ces pratiques sont courantes, notamment la culture. Ces subventions sont cependant souvent difficiles à obtenir, elles sont aussi soumises aux cycles des élections et des changements de priorités des gouvernements, autrement dit, s’appuyer sur ce type de financement est risqué. Enfin, les repreneurs doivent parfois adapter leurs activités et projets pour correspondre aux critères de ces subventions, ce qui est lourd à porter pour des repreneurs surchargés par la gestion de la reprise et par la rédaction des demandes de subventions souvent complexes à élaborer.
4.1 Freins à la relève collective et rôles des acteurs de soutien
Tableau 10 – 1er regroupement de freins – stratégies d’acquisitions risquées et attentes de rendement irréalistes liées à la reprise collective?
Freins relevés dans les entretiens | Rôle des acteurs de soutien | ||
Avoir des attentes trop élevées, penser faire des profits rapidement est dangereux | Sensibiliser les repreneurs sur la pertinence du modèle de l’ÉS | ||
S’étendre dans des secteurs trop éloignés de l’expertise de l’entreprise repreneuse est risqué et peut mener à d’importantes difficultés financières | Accompagner le repreneur dans l’élaboration de stratégies de croissance/d’acquisitions |
Tableau 11 – 2e regroupement de freins – évaluation de l’entreprise cédée et des investissements nécessaires post-reprise
Freins relevés dans les entretiens | Rôle des acteurs de soutien |
Surévaluation de la valeur de l’entreprise cédée, faire trop confiance au cédant (risque de surpayer pour l’entreprise et risque d’étirer les négociations) | Appuyer le repreneur dans l’évaluation du prix de vente de l’entreprise et dans ses négociations avec le cédant Conseiller le repreneur dans l’élaboration du plan d’affaires post-reprise, notamment pour ce qui est des investissements nécessaires et de la révision des pratiques de gestion |
La reprise d’une entreprise en difficulté nécessite l’injection de fonds supplémentaires après la reprise pour la mise à jour des actifs, processus de gestion, etc. | Conseiller le repreneur dans l’élaboration du plan d’affaires post-reprise, notamment pour ce qui est des investissements nécessaires et de la révision des pratiques de gestion |
Dans le cas de la reprise d’une entreprise en difficulté, difficile d’établir le montant des dépenses nécessaires avant le rachat des actifs, notamment pour leur mise à jour. | |
Difficile de faire face à la forte concurrence de l’entreprise privée dans des secteurs attrayants et rentables. | Aucun rôle |
Tableau 12 – 3e regroupement de freins – difficulté à compléter le montage financier
Tableau 13 – 4e regroupement de freins- craintes liés aux parties prenantes et à la gouvernance
Hors processus
Tableau 14 – 4e regroupement de freins – accompagnement inadapté, inexistant ou difficile à trouver
Freins relevés dans les entretiens | Rôle des acteurs de soutien |
Écosystème de soutien fragmenté, difficile de s’y retrouver en l’absence d’un guichet unique | Guider les repreneurs dans les divers écosystèmes de soutien et réseaux, offrir un éventail d’options et être prêts à réajuster le tir si une ressource ne convient pas Soutenir les repreneurs dans le choix des administrateurs |
Mécompréhension des pratiques d’affaires et de marketing par les experts œuvrant dans l’écosystème de soutien aux SPA | |
Changements fréquents de répondants dans les organisations dédiées au soutien des entreprises de l’économie sociale | |
Difficile compréhension des enjeux propres à l’économie sociale et des solutions potentielles ou des pistes de développement pour des administrateurs issu du milieu de l’entrepreneuriat classique. |
4.2 Leviers à la relève collective et rôle des accompagnateurs
Afin de mettre en relation les freins et leviers de la reprise de même que les rôles possibles des acteurs de soutien pour renforcer ces leviers ou diminuer l’impact de ces freins, les tableaux qui suivent reprennent les leviers et freins identifiés dans les entretiens réalisés auprès des repreneurs et des acteurs de soutien tout en proposant des pistes d’actions potentielles pour ces derniers.
Tableau 15 – 1er regroupement de leviers – bien choisir sa stratégie d’acquisition
Leviers relevés dans les entretiens | Rôle des acteurs de soutien |
Impliquer les CA et les institutions financières dans la planification et la stratégie d’acquisition. | Offrir du soutien pour aider les repreneurs dans leurs stratégies de reprise, autant pour ce qui est de la sélection des entreprises à reprendre que pour la planification de la reprise |
Se développer à la hauteur de ses moyens | Informer le repreneur sur la portion de fonds propres souhaitable pour une RC |
Tableau 16 – 2e regroupement de leviers – l’injection de fonds propres et le recours aux dons
Leviers relevés dans les entretiens | Rôle des acteurs de soutien |
Ancrage local fort permettant la collecte de fonds : implication de philanthropes et investissements d’entrepreneurs régionaux Trouver des investisseurs externes ne souhaitant pas obtenir un retour sur leur investissement (au moins à court et à moyen terme) | Sensibiliser et former les repreneurs aux particularités des EÉS et leurs mécanismes de financement permettant la collecte de fonds propres (dons, obligations communautaires, parts). |
Prévoir la nécessité d’une injection de fonds provenant des fondateurs dans le cas du démarrage d’une EÉS Repreneurs patients, voire prêts à ne jamais récupérer leur investissement. | Sensibiliser les repreneurs au besoin d’une planification personnelle de leurs besoins financiers, en plus de ceux de l’entreprise. |
Éviter de trop recourir aux prêts et se centrer sur les fonds propres pour réaliser des acquisitions | Informer le repreneur sur la portion de fonds propres souhaitable pour une RC |
Repreneurs prêts à ne pas se verser de salaire dans les premiers mois d’opération. | Orienter le repreneur vers des programmes de soutien aux repreneurs |
Informer sur l’accessibilité des repreneurs à des programmes comme STA (soutien au travailleur autonome – subvention salariale) |
Tableau 17 – 3e regroupement de leviers – Attentes de rendements réalistes dans le cadre de reprises d’entreprises en difficultés
Leviers relevés dans les entretiens | Rôle des acteurs de soutien |
Dans le cas d’une reprise d’entreprises en difficulté, prévoir la nécessite d’une injection de fonds supplémentaire après la reprise (mis à jour des actifs, processus de gestion, etc.) | Soutenir le repreneur dans la mise en place du plan d’affaires, porter attention aux investissements subséquents nécessaires Soutenir et outiller le repreneur en contrôle et suivi budgétaire. |
Se donner des attentes réalistes en matière de profits et de rendement (engranger des profits/rendements rapidement est dangereux) Planifier à moyen et long terme : se laisser le temps de bien développer l’entreprise reprise |
Tableau 18 – 4e regroupement de leviers – accès aux produits financiers et subventions dédiés à l’ÉS
Leviers relevés dans les entretiens | Rôle des acteurs de soutien |
Permets d’avoir accès à divers types de financements, de subventions, propres à l’économie sociale ou encore au secteur d’activités. | Orienter les repreneurs dans l’éventail et les choix de produits financiers, pour offrir un appui pertinent, ces acteurs doivent avoir une bonne connaissance des produits financiers disponibles dans chaque région, pour le secteur d’activité et en ÉS |
5e regroupement de leviers – communication, gouvernance et parties prenantes
Leviers relevés dans les entretiens | Rôle des acteurs de soutien |
Prendre le temps de rassurer les parties prenantes (employés, clients) | Soutenir le repreneur dans la gestion des RH, faciliter l’accès à des outils ou des experts |
La connaissance des enjeux dus au fait de conserver et de mobiliser la même équipe aide à assurer la transition | |
Assurer une communication fluide et transparente sur les objectifs et les moyens mis en place pour les atteindre entre l’équipe de repreneurs et celle de l’entreprise reprise | |
Retenir l’équipe en place avant la reprise aide à assurer la transition |
Tableau 19 – 6e regroupement de leviers – mobiliser la communauté, les experts et les élus
Leviers relevés dans les entretiens | Rôle des acteurs de soutien |
Accompagnement d’acteurs ayant une fine connaissance du secteur d’activités et de la forme juridique facilite toutes les étapes de la reprise. | Informer et sensibiliser les repreneurs sur les règles et l’importance de la composition du CA |
Aller chercher des administrateurs qui ont une fine connaissance des enjeux du secteur d’activités | |
Conserver et développer les liens avec acteurs publics et organismes Faire participer la communauté au projet | Orienter les repreneurs dans les divers mécanismes et outils de mobilisation des parties prenantes (gouvernance et membrariat, campagnes de sollicitation, collectes de fonds, consultation de la communauté, mise en contact avec acteurs pertinents) |
Permets de mobiliser les citoyens autour de la sauvegarde d’une organisation offrant des services de proximité appréciés | |
Soutien des acteurs politiques et efforts soutenus pour aller chercher ces appuis | |
Implication du réseau personnel d’un des repreneurs pour soutien administratif |
Tableau 20 – 7e regroupement de leviers – développer des compétences
Leviers relevés dans les entretiens | Rôle des acteurs de soutien |
Développer les compétences liées au secteur d’activités à l’interne, en s’appuyant sur divers types d’experts (cédant, acteurs de soutien œuvrant dans le même secteur d’activités, repreneur lui-même s’il dispose ces compétences) | Identifier les faiblesses du repreneur et l’orienter, au besoin, vers les bons programmes de formation |
Se former sur les aspects touchants la gestion de l’entreprise : finances, comptabilité, tenue de livres, TPS/TVQ, etc. | |
Disposer des compétences en gestion et en stratégie d’affaires pour être capable de rendre rentable une entreprise en difficultés |
4.3 Synthèse des freins, leviers et rôles des acteurs de soutien
Basée sur les entretiens, nous avons identifié six catégories d’acteurs de soutien. Selon le contexte et les interventions réalisés, certains ont été décrits comme efficaces alors que d’autres sont perçus comme des comme peu aidants, voire nuisibles à certains moments ou certains égards.
- Soutien et expertise en transfert d’entreprises – peu d’acteurs identifiés
- Soutien et expertise en économie sociale – pas homogène en termes d’accès et d’expertise; précieuse lorsque existante, déficit pour les OBNL
- Soutien et expertise liés aux secteurs d’activités – essentielle, surtout pour les entreprises de petite taille (ressources $), mais difficile à trouver
- Expertise légale, fiscale – importante, mais essentielle dans le cas de création, de transformation ou de fusion
- Soutien politique – variable et pas toujours acquis, important en région
- Financement – ÉS : pertinents, mais pas toujours adaptés (montage, arrimage avec d’autres fonds), Classiques : lacunes en ÉS, Subventions : cycliques et lourdes
La perle rare – l’accompagnateur idéal recherché par les repreneurs collectifs
Tableau 21 – Synthèse des freins et rôles des acteurs soutien
Freins | Rôle acteurs de soutien |
Planifier des stratégies d’acquisitions risqués et se donner des attentes de rendement irréalistes | Accompagner dans l’élaboration des stratégies de croissance/d’acquisitions Sensibiliser les acteurs en entrepreneuriat classique au modèle de l’ÉS |
Mal évaluer la valeur de l’entreprise à acheter, ainsi que les investissements nécessaires post-reprise | Soutenir et outiller dans : évaluation du prix de vente et négociations avec le cédant Conseiller dans : élaboration du plan d’affaires post-reprise (positionnement concurrentiel, investissements, pratiques de gestion, entre autres) |
Ne pas s’informer sur les complexités du montage financier et les produits financiers disponibles | Orienter dans l’éventail et le choix de produits financiers : par région, secteur d’activité et forme juridique. Soutenir, former et outiller le repreneur dans la présentation du projet devant les institutions financières classiques. |
Efforts et temps consentis pour répondre aux craintes liées aux parties prenantes et à la gouvernance | Soutenir et outiller dans la mise en place d’une gouvernance démocratique, une politique des RH et de gestion de plaintes, ainsi qu’en communication avec les parties prenantes. |
Ne pas avoir accès à un accompagnement de qualité (inadapté ou inexistant) | Assurer la présence de soutien dans toutes les régions Guider dans les divers écosystèmes de soutien et réseaux Offrir des options et réajuster le tir si une ressource ne convient pas |
Tableau 22 – Synthèse des leviers et rôles des acteurs soutien
Synthèse des freins et rôles des acteurs soutien
Leviers | Rôle acteurs de soutien |
Bien choisir la stratégie d’acquisition | Outiller dans la sélection des entreprises Soutien en planification de la reprise Information sur la proportion de fonds propres souhaitable à la RC |
Injecter des fonds propres et recourir aux dons | Sensibiliser et former sur : particularités de l’ÉS, mécanismes de financement permettant la collecte de fonds propres, importance d’une planification financière personnelle en plus de l’EÉS et programmes de soutien (ex. STA) pour les repreneurs, entre autres. |
Se donner des attentes de rendement réalistes lors d’une reprise | Soutenir et outiller dans : la rédaction d’un plan d’affaires, la planification financière et le contrôle et suivi budgétaire |
Avoir accès aux produits financiers et subventions dédiés à l’ÉS | Orienter dans l’éventail et les choix de produits financiers : disponibles dans chaque région, par secteur d’activité et en ÉS |
Développer de compétences en : communication, gouvernance et relations avec les parties prenantes | Informer et sensibiliser sur : cadre juridique (coop et OBN), rédaction règlements, composition du CA et membrariat Soutenir et former en : communication, gestion des RH, gouvernance, négociation et représentation Faciliter l’accès à des outils ou à des experts |
Développer de compétences pour mobiliser la communauté, des experts et les élus | Soutenir et former en : marketing social, négociation et représentation politique Orienter vers mécanismes et outils de mobilisation des parties prenantes (gouvernance et membrariat, campagnes de sollicitation, collectes de fonds, consultation de la communauté, mise en contact avec acteurs pertinents) |
Développer des compétences à l’interne | Orienter et outiller l’entrepreneur : analyse FFOM, programmes de formation, mobilisation d’experts et transfert d’expertise |
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