Rapport de recherche – Janvier 2021

Caractéristiques, freins, leviers, retombées et modèles

Réalisé par

Isabeau Four
Olivier Corbin-Charland

Maricarmen Merino
France Lavoie
Mamadou Diagne

Introduction

1.1 Contexte de la recherche partenariale

Le vieillissement de la population est un enjeu important qui touche également les dirigeants des PME et soulève l’important enjeu social et économique de la reprise d’entreprise (Cadieux et al., 2019). Déjà en février 2017, la Caisse de dépôt et placement du Québec estimait que 30 % des propriétaires d’entreprises allaient prendre leur retraite dans les six ans1. L’émergence de modèles novateurs comme ceux portés par l’économie sociale pourrait contribuer à redynamiser et renouveler le tissu économique québécois.

Toutefois, force est de constater que si les études sur le repreneuriat sont de plus en plus nombreuses, peu d’entre elles portent sur la perspective collective (Four et al., 2019), un phénomène complexe qui soulève plusieurs enjeux pouvant varier selon l’entité créée (OBNL ou coopérative) : prix de cession et financement du rachat, aspects juridiques et fiscaux, management de la reprise et gouvernance de la nouvelle entité créée. La recherche partenariale menée par le CÉRSÉ avec le Chantier d’économie sociale, le CQCM, Réseau Coop et la Caisse d’économie solidaire Desjardins vise à produire des connaissances sur la reprise collective propres à la réalité québécoise.

NOTE. Cette recherche a été entreprise en 2019, avant la crise sanitaire. Bien que pour l’instant aucune étude fasse état des intentions de retraite influencées par la pandémie de COVID-19, selon Statistique Canada, dans son Aperçu économique du 19 août 20202, on s’attend à des « répercussions négatives particulièrement importantes sur les petites et moyennes entreprises, car celles-ci sont grandement concentrées dans les industries liées au voyage et au tourisme, dont celles du transport, des services d’hébergement et de restauration, et des arts, spectacles et loisirs ». Il s’agit des secteurs porteurs pour la reprise collective au Québec identifiés par le CÉRSÉ3 lors d’un volet de cette recherche (Four et al., 2020). Par ailleurs, la durée de la pandémie pourrait influencer la valeur de l’entreprise cédée à la baisse (CTEQ, webinaire, 20 octobre 2020).

1.2 Objectifs de la recherche partenariale

L’objectif principal de cette recherche est de mieux connaître le repreneuriat collectif afin d’en définir les spécificités et les modalités pour en favoriser l’essor dans une optique de maintien des entreprises et des emplois au Québec. Ce projet vise plus spécifiquement à :

  • Identifier les caractéristiques et particularités des reprises collectives;
  • Identifier les leviers et les freins rencontrés;
  • Identifier les retombées des nouvelles entités créées;
  • Élaborer des modèles de reprises collectives afin d’en faciliter le processus;
  • Identifier des secteurs d’activités porteurs pour le repreneuriat collectif;

Dans le cadre du présent livrable, l’analyse des entretiens réalisés permet de couvrir les quatre premiers objectifs spécifiques, soit l’identification des caractéristiques des différents types de reprises collectives, l’analyse des facteurs de succès et les freins rencontrés et enfin l’identification des retombées des nouvelles entités créées. L’analyse de cas permet d’aller plus en profondeur que les entretiens individuels dans l’identification des facteurs de succès et des freins à la reprise collective en croisant les regards de divers acteurs sur la reprise collective à différentes étapes du processus.

1.3 Démarche méthodologique

L’équipe de recherche a réalisé une série de dix-neuf entretiens individuels afin de saisir dans toutes leurs nuances les caractéristiques, les particularités, les freins et les facteurs de succès de même que les principales retombées de ces reprises collectives. Les entretiens ciblaient les repreneurs et les accompagnateurs ou acteurs de soutien, les principaux détenteurs des connaissances sur ces modes innovants de reprise. Pour mener à bien ces entrevues, l’entretien semi-directif a été privilégié, car il permet de saisir le sens que les acteurs donnent à leurs actions et « d’analyser un problème précis : ses données, les points de vue en présence, ses enjeux, les systèmes de relations, le fonctionnement d’une organisation, etc. » tout comme il permet : « la reconstitution du processus d’action, d’expériences ou d’évènements du passé » (Van Campenhoudt, Marquet et Quivy, 2017, p. 244). Le matériel qualitatif est donc majoritairement composé de verbatim et de notes d’observations, il a été traité selon la perspective de l’analyse thématique qui permet un traitement collé sur les objectifs de la recherche. (Paillé et Muchielli, 2003). Les données recueillies ont été analysées à l’aide de matrices dans le logiciel spécialisé d’analyse textuelle Nvivo version 12 (QSR, 2017). Pour compléter et valider les informations recueillies dans les entretiens, une fouille documentaire succincte a été réalisée avant chaque entretien.

1.4 Limitations de l’étude

Les entretiens semi-dirigés permettent d’aller chercher des informations pour comprendre un phénomène en profondeur et pour en saisir les nuances, toutefois, cette méthode de collecte a certaines limites. En effet, ce type de collecte repose sur la mémoire des participants, considérant que certains cas de reprise remontent à quelques années, il est difficile, dans le cadre d’un entretien d’une heure trente, de s’assurer de l’exactitude de certaines données factuelles comme les dates et les montants. C’est d’ailleurs ce pour quoi cette recherche repose sur plusieurs sources de données et types d’analyses. Également, les entretiens réalisés avec les repreneurs concernent des cas de reprises « réussis » dans la mesure où leurs entreprises étaient en fonction au moment de la rencontre. Cela pourrait limiter l’identification des freins à la reprise collective.

1.5 Description du corpus

Dix-neuf entretiens ont été réalisés, dont dix avec des repreneurs impliqués dans la reprise de dix-sept entreprises. Ces entreprises rachetées étaient, pour la vaste majorité, des sociétés par actions. Les statuts juridiques des entreprises repreneuses et des entreprises cédées sont présentés dans les tableaux suivants :

Entreprises cédéesNombre
Coop4
SPA14
Tableau 1 – entreprises cédées
Forme juridique des entreprises des repreneursNombre
Coop4
OBNL6
Tableau 2 – firme juridique des repreneurs

Enfin, cette série d’entretiens a été complétée par neuf entrevues avec des accompagnateurs et des acteurs de l’écosystème entrepreneurial, certains sont d’ailleurs rattachés à un des cas de reprise étudiés. La préanalyse des données dans les entretiens effectués auprès des repreneurs a permis de faire émerger la classification suivante :

Types d’acteurs de soutien ou d’accompagnementNombre
Soutien et expertise en transfert d’entreprises1
Soutien et expertise en économie sociale5
Soutien financier en économie sociale1
Soutien financier1
Soutien et expertise en développement local1
Tableau 3 – types d’acteurs de soutien

1.6 Cadre d’analyse

Figure 1 – Les différentes phases de la reprise d’entreprises (adapté de Picard et Thévenard-Puthod, 2004)

La reprise est décrite comme un processus séquentiel comportant quatre étapes : la préparation, l’accord, la transition et le management de la reprise (Audet et St-Jean, 2009; Cadieux et Brouard, 2009; Picard et Thévenard-Puthod, 2004). Durant la première étape, le repreneur (s’il est externe à l’organisation) doit identifier l’entreprise à racheter et les ressources nécessaires à mobiliser pour y parvenir. Pour le cédant, cette étape suppose qu’il estime cette transmission possible et qu’il réussisse à identifier un ou plusieurs repreneurs intéressés. À cette étape, l’enjeu principal est le déficit d’information (Richomme-Huet et d’Andria, 2009). Le cédant doit trouver les bons canaux de communications pour publiciser son désir de vendre (Richomme-Huet et d’Andria, 2009). Il va aussi rechercher le « bon » repreneur qui va perpétuer son entreprise souvent perçue comme l’œuvre d’une vie (Bornard et Thévenard-Puthod, 2009; Kets de Vries, 1985). La deuxième étape se caractérise par la négociation entre le cédant et le repreneur potentiel. Le repreneur voudra obtenir des informations sur l’entreprise à vendre et cherche l’entreprise « parfaite » alors que le cédant aura plutôt tendance à vouloir maximiser les profits liés à la vente en embellissant le bilan de son entreprise (Bornard et Thévenard-Puthod, 2009). Le repreneur doit aussi disposer des moyens financiers nécessaires pour acheter l’entreprise. En effet, l’entreprise qui existe déjà peut être d’une certaine taille et avoir des actifs, ce qui peut contribuer à rendre son rachat plus difficile (Bornard et Thévenard-Puthod, 2009). De plus, il est plus difficile d’obtenir du financement pour racheter une entreprise (Aubry et Wolff, 2016). Le réseau de ressources auxquelles a accès le repreneur joue un rôle déterminant. Ces ressources sont en partie déterminées par la qualité des liens entre le repreneur et les acteurs de l’écosystème de soutien (Lamine, Fayolle et Chebbi, 2014). La troisième étape – appelée transition – voit la cohabitation ou l’accompagnement du nouveau dirigeant par le cédant pour faciliter son entrée dans l’entreprise. Elle se caractérise par les nombreux enjeux légaux, bureaucratiques et fiscaux : la préparation des documents juridiques, le choix du mode de financement, la préparation et rédaction des documents officiels, le transfert de la propriété de l’entreprise, etc. (Picard et Thévenard-Puthod, 2004). Enfin, dans la dernière étape, le nouveau dirigeant doit assumer le plein contrôle de l’entreprise. Cette étape soulève de nombreux enjeux au niveau de la gouvernance, des relations avec les employés et plus largement, avec l’ensemble des parties prenantes. En effet, s’il n’arrive pas à réussir cet exercice, le nouveau dirigeant risque d’être rejeté par les personnes œuvrant dans l’entreprise et ainsi mener le processus à un échec repreneurial (Aubry et Wolff, 2016; Bargues, Hollandts et Valiorgue, 2017). Certains auteurs proposent aussi des découpages plus fins ou plus agrégés, notamment en fusionnant les deux dernières étapes. Il est aussi important de soulever que malgré ce découpage, des allers-retours sont possibles entre diverses étapes, après, par exemple, un échec des négociations (Aubry et Wolff, 2016). Il ne faut donc pas adopter une lecture linéaire de la reprise. Toutefois, ces étapes structurent le modèle de reprise mis de l’avant par les accompagnateurs de ce phénomène, il est donc important d’en tenir compte. Néanmoins, il semble urgent de proposer des modèles qui correspondent davantage aux besoins et défis particuliers de la reprise collective, phénomène qui mobilise une pluralité d’acteurs et qui génère des tensions liées, entre autres, à la double mission des entreprises collectives.

1 Communiqué de presse de la Caisse de dépôt et de placement du Québec, Montréal, le 15 février 2017

2 Statistique Canada, Aperçus économiques — 19 août 2020. Répercussions économiques de la pandémie de COVID-19 sur les entreprises canadiennes de toutes les catégories de taille, par Wulong Gu. https://www150.statcan.gc.ca/n1/fr/pub/11-626-x/11-626-x2020017-fra.pdf?st=164fsojE (Consulté le 16 septembre 2020)

3 Dans le « Relevé des secteurs porteurs de la reprise collective au Québec », réalisé en avril 2020 par le CÉRSÉ, on identifie quelques secteurs comme propices pour la reprise collective, dont le commerce de détail, l’hébergement et la restauration, l’industrie d’information et industrie culturelle, les arts, spectacles et loisirs, entre autres.

Résultats

Les résultats sont présentés ainsi:

  • La reprise vue par les repreneurs avec les séquences de reprise, les leviers et les freins identifiés
  • Les leviers et freins agrégés par thèmes et croisés avec les rôles potentiels des acteurs de soutien pour les renforcer ou les contourner
  • Les forces et faiblesses des divers types d’acteurs de soutien, tels que perçus par les repreneurs
  • L’étude de cas avec les regards croisés de différents acteurs de soutien à la reprise sur un processus de reprise collective

La reprise vue par les repreneurs

Afin de saisir les séquences que mobilisent les repreneurs dans le processus de reprise et les caractéristiques des entreprises impliquées (entreprises repreneuses et entreprises cédées), une série de variables a été mobilisée afin de décrire et analyser les cas de reprise. Pour l’analyse des données, les séquences ont donc été construites en mobilisant les variables suivantes :

  • Provenance du repreneur : interne ou externe à l’entreprise cédée
  • Entreprise repreneuse : créée pour la reprise ou existante antérieurement à la reprise
  • Montage financier : simple ou complexe
  • Santé financière de l’entreprise cédée : bonne ou mauvaise
  • Retombées de la reprise : sauvegarde/maintien ou développement

Les huit séquences de reprise présentées dans les pages suivantes sont donc construites autour de ces dimensions et leurs variables.

Rubriques par séquence

Description des repreneurs, de leurs entreprises, des motivations et objectifs de la reprise et des canaux de communication, si applicable, utilisés pour identifier l’entreprise à reprendre.

Description succincte de la situation et du contexte de l’entreprise cédée, sa viabilité, les motifs poussant le cédant à vendre son entreprise et le canal de diffusion utilisé, si c’est le cas, pour communiquer son désir de se départir de son entreprise.

Description, de la négociation autour de la reprise, du montant de la transaction et du montage financier.

Description de la reprise après le rachat, des relations avec les employés, clients et parties prenantes, des défis auxquels les repreneurs doivent faire face pour se saisir de l’entreprise.

Analyse de la situation de l’entreprise à la fin de la phase de transition et de management de la reprise, le repreneur est-il centré sur le développement de son entreprise est -il plutôt centré sur la sauvegarde de l’entreprise reprise?

Dans cette section sont répertoriés les facteurs de succès et obstacles à la reprise collective tels qu’identifiés par les repreneurs collectifs participants.

Description schématisée des principales étapes de la reprise collective pour les cas agrégées sous ce modèle.

2.1 Premier cas de figure 

Reprise externe, entité juridique créée pour la reprise, montage financier complexe, mauvaise santé financière de l’entreprise cédée, logique de sauvegarde

Le repreneur est externe, il n’était pas impliqué dans l’entreprise cédée. C’est la disparition prochaine de cette entreprise qui a entrainé la mobilisation de la communauté et d’un collectif de repreneurs. L’équipe de repreneurs bénéficie d’une gouvernance composée d’administrateurs connaissant les défis liés à la gestion d’une entreprise. Elle s’inscrit tout à fait dans l’esprit et les valeurs de l’économie sociale, soit la sauvegarde d’emplois et d’entreprises sur des territoires nécessitant ces produits et services.

Dans ce cas de reprise, on relève la présence d’une entreprise importante pour sa communauté, elle offre des produits et services de proximité qui permettent aux citoyens de ne pas avoir à se déplacer. Le désir de vendre du cédant est motivé par le souhait de prendre sa retraite tout en se constituant un petit fonds, mais il ne trouve pas facilement de repreneur. En effet, cette entreprise se situe dans une région où certains d’entreprise offrant des produits et services importants ont tendance à disparaitre, souvent en raison de l’absence de repreneurs. De plus, l’entreprise n’est pas très attractive, de nombreux éléments sont à corriger et à améliorer, notamment le bâtiment et le modèle de gestion (ressources humaines, stocks, ventes, finances, etc.).

Le montant nécessaire pour la reprise est relativement modeste, l’entreprise ayant de nombreux défis ce qui se répercute sur sa valeur. La reprise s’appuie sur une diversité d’outils financiers combinant prêts bancaires, recours aux produits des acteurs de la finance en économie sociale et enfin des subventions liées au secteur d’activités. Le montant demandé par le cédant a dû être revu à la baisse pour permettre au repreneur de compléter le montage financier, le cédant ayant tendance à surévaluer la valeur de son entreprise. Le repreneur a fait preuve de prudence en évaluant la valeur de cette dernière. Le montant de la reprise, excluant les investissements subséquents pour mettre à jour les actifs, est inférieur à cent mille dollars.

Après l’accord entre cédant et repreneur, la reprise de cette entreprise représente un certain défi. En effet, la santé financière de l’entreprise cédée n’était pas particulièrement bonne et elle faisait face à d’importants défis de gestion et d’obsolescence de certains de ses actifs, surtout ceux liés aux opérations et donc à la production et à la vente. Le repreneur a dû injecter des fonds, repenser les processus d’affaires, racheter des équipements, revoir la gestion des ressources humaines et embaucher du nouveau personnel, bref revoir l’ensemble du fonctionnement de l’entreprise reprise afin d’atteindre le point mort, pour ensuite dégager certains profits pouvant être réinvestis dans le développement de l’entreprise.

Pour ce cas de reprise, le repreneur doit rendre viable une entreprise qui fait face à des difficultés financières et de gestion. Ce cas est représentatif d’une logique de sauvegarde d’entreprise de proximité. Cependant, pour la sauvegarder, il ne faut pas sous-estimer l’effort important que le repreneur a dû fournir pour réinvestir dans les actifs matériels (bâtiment, informatisation de la gestion, matériel de production) et les ressources humaines afin de permettre une augmentation significative des activités marchandes. De plus, le repreneur a décidé de diversifier les produits afin de renforcer le modèle d’affaires relativement fragile de l’entreprise au moment de sa vente.

Leviers:

  • Développer les compétences liées au secteur d’activités à l’interne, en s’appuyant sur divers types d’experts (cédant, acteurs de soutien œuvrant dans le même secteur d’activités, mais aussi le repreneur lui-même s’il a ces compétences)
  • L’implication importante de la communauté, tant au niveau des dons que du bénévolat
  • Lever très rapidement les fonds nécessaires à la reprise

Freins:

  • Propriétaire de l’entreprise cédée surévalue la valeur de sa PME lors des négociations
    • Risque, pour le repreneur, de surpayer pour l’entreprise
    • Risque d’étirer les négociations, difficile de s’entendre sur un montant qui satisfait les deux parties
  • Difficulté à lever rapidement les fonds pour compléter le montage financier
  • Reprise d’entreprises en difficulté nécessite l’injection de fonds après la reprise, pour mettre à jour les actifs et les processus de gestion, investissement difficile pour des repreneurs peu fortunés

2.2 Deuxième cas de figure

Reprise externe, entité juridique créée pour la reprise, montage financier complexe, mauvaise santé financière de l’entreprise cédée, logique de sauvegarde

Le repreneur, externe à l’entreprise, a déjà un contact avec le cédant. Ce contact date cependant de plusieurs décennies. L’objectif du repreneur est de conserver l’entreprise sur le territoire. D’autres acheteurs pourraient, comme ils l’ont fait dans d’autres régions, racheter l’entreprise et la fermer dans une logique de consolidation. Le repreneur s’engage bénévolement dans le projet de reprise, il bénéficie de revenus liés à son dernier emploi qui lui permettent de consacrer du temps à la mise sur pied de la stratégie d’affaires sur laquelle repose le projet de reprise. Il connait bien le secteur d’activités, dans lequel il a d’ailleurs déjà œuvré, et dispose des compétences nécessaires pour mettre sur pied un plan d’affaires réalisable, mais ambitieux. Il explore les voies possibles à emprunter pour mener à bien le projet de reprise, c’est dans ce contexte qu’il entre en contact avec des acteurs de soutien en économie sociale et choisit de créer une entreprise d’économie sociale pour la reprise.

L’entreprise à céder œuvre dans un secteur d’activités difficile qui connait de nombreux bouleversements depuis les vingt dernières années. L’entreprise fait face à de nombreux défis, les installations et les équipements sont vétustes, les revenus sont faibles et l’entreprise survit principalement en raison des sacrifices faits par le cédant, il ne se verse pas de salaire, ce qui permet d’en équilibrer les finances. La communauté sait que le cédant souhaite prendre sa retraite et vendre l’entreprise afin de s’assurer des revenus.

L’entreprise était en mauvaise santé financière, mais le cédant souhaitait tout de même obtenir un montant assez substantiel pour assurer sa retraite, ce que remettent en question plusieurs bailleurs de fonds qui estiment que le prix de vente est trop élevé. Afin de contourner cet obstacle, le repreneur tente de faire baisser le prix de vente tout en convainquant les bailleurs de fonds qu’il est important de diversifier le modèle d’affaires de l’entreprise pour assurer sa pérennité. À cet égard, le repreneur mobilise les évaluations de la valeur de l’entreprise réalisées par les acteurs financiers pour faire baisser le prix de vente. Certains bailleurs de fonds remettent en question la stratégie de diversification, le repreneur comme plusieurs autres acteurs financiers qui croient au projet essaient de convaincre ces financiers réfractaires. Certains choisissent de se retirer du projet, le repreneur tente, avec l’appui d’un des bailleurs de fonds, de compléter le montage financier en allant chercher d’autres prêteurs, ce qu’il réussit après de nombreux efforts et négociations.

La plupart des opérations de gestion de l’entreprise étaient effectuées par le cédant. Le repreneur n’a donc pas eu à gérer des tensions du côté de la gestion, notamment des ressources humaines, les deux seuls employés décidant de rester en poste et de poursuivre l’aventure avec le repreneur, une connaissance du cédant. C’est du côté de l’injection de fonds dans l’entreprise servant à la diversification de ses activités que des défis émergent. Le repreneur doit négocier avec certaines instances réglementaires pour pouvoir mener à bien cette stratégie, ce qu’il réussit après des efforts soutenus et l’appui d’un acteur politique. Cette croissance créée aussi certains soucis pour l’entreprise, en effet, le repreneur ne se verse toujours pas de salaire, mais continue d’assurer plusieurs fonctions dans l’entreprise, notamment au niveau des opérations. Cependant, avec l’augmentation des revenus, cette situation devrait se résorber.

La reprise s’inscrit pleinement dans une logique de sauvegarde, l’entreprise aurait probablement été rachetée et fermée par un autre repreneur, ceux s’étant manifestés étant de grands groupes privés ayant procédé ainsi dans d’autres régions. L’objectif était donc de conserver l’entreprise sur le territoire, sa couleur locale, ses services de proximité et ses quelques employés. La sauvegarde de l’entreprise, dans ce cas de reprise, passe par la diversification des activités marchandes en diversifiant ses services dans un secteur d’activités connexe.

Leviers:

  • Bien évaluer la valeur de l’entreprise, ne pas craindre les négociations avec le cédant
  • Sans l’implication de deux acteurs financiers qui sont allez au-delà de leurs mandats, le projet aurait échoué
  • Repreneur dispose de fonds propres pour mener à bien le projet
  • Le repreneur a la possibilité de ne pas se verser de salaire avant que l’entreprise ait les reins assez solides pour le faire
  • Disposer des compétences en gestion et en stratégie d’affaires pour être capable de rendre rentable une entreprise en difficultés

Freins:

  • Difficile négociation du prix de vente avec le cédant
  • Nombreux allers-retours entre le repreneur et les acteurs financiers pour réaliser le montage financier et justifier la pertinence du plan d’affaires
  • Difficile coordination des acteurs financiers œuvrant dans divers réseaux
  • Relations difficiles avec les acteurs publics réglementaires

2.3 Troisième cas de figure

Reprise interne, entité juridique créée pour la reprise, montage financier complexe, mauvaise santé financière de l’entreprise cédée, logique de sauvegarde

Les repreneurs sont un collectif d’acteurs privés pilotant une SPA à forte vocation sociale. Avant la reprise, ils étaient tous actionnaires de l’entreprise en question. L’atteinte d’une rentabilité suffisante pour assurer sa pérennité est difficile, la principale option qui est de transformer l’entreprise afin d’en faire une entreprise d’économie sociale est entérinée par tous les actionnaires. Ils ont investi dans l’entreprise pour redonner à leur communauté, aucun d’entre eux, hormis les institutions financières qui sont créancières de premier rang, n’ayant l’attente de faire des profits ou d’obtenir un retour sur leurs investissements. L’important pour ces actionnaires est de ne pas perdre d’argent, d’éviter d’avoir à constamment à renflouer l’entreprise tout en lui permettant de poursuivre ses activités, son développement et sa mission sociale.

L’entreprise à céder faisait face à des difficultés, principalement financières, dans le contexte de relations difficiles avec les instances publiques et plus particulièrement en raison de charges fiscales liées à la réglementation et au statut juridique de société par actions. L’entreprise, centrée sur sa mission sociale, doit fréquemment mobiliser ses actionnaires, plusieurs d’entre eux étant des entrepreneurs ou acteurs fortunés de la région en question, pour injecter des fonds afin d’atteindre le point mort. Après de longues réflexions, la seule façon de rendre l’entreprise pérenne semble être de la transformer en entreprise d’économie sociale. L’objectif n’était pas de contourner la réglementation en vigueur, mais plutôt de bénéficier des mêmes allègements auxquels peuvent accéder des entreprises similaires œuvrant dans le même secteur d’activités, mais mobilisant un statut juridique collectif plutôt que celui de la société par actions.

La reprise est financée par des dons et par l’implication des actionnaires dans le montage financier. Des actionnaires et acteurs financiers aux moyens importants ont donc assuré l’injection de fonds pour soutenir la reprise et le développement de l’entreprise. Le montage a pu être complété par des emprunts auprès d’institutions financières classiques et l’appui d’un entrepreneur philanthrope qui a pu garantir ces emprunts en échange de visibilité. Le montant de la reprise, excluant les investissements subséquents pour mettre à jour les actifs, est légèrement supérieur à un million de dollars.

Après la transformation en entreprise d’économie sociale de la société par actions, peu d’enjeux surviennent. En effet, les difficultés vécues par la SPA étaient principalement d’ordre financier, la gouvernance comme la gestion étaient déjà efficaces avant la reprise. Du côté de l’équipe de gestion, qui dispose d’une solide expérience ayant piloté l’entreprise depuis plusieurs années sous forme de SPA, le fait qu’elle reste en poste permet d’assurer une continuité dans les processus et ainsi éviter les frictions au niveau, par exemple, des ressources humaines. Là où des défis subsistent, c’est du côté des relations avec les pouvoirs publics. Alors que la transformation en entreprise d’économie sociale laissait présager l’obtention d’exemptions fiscales de divers types, ce sont plutôt d’âpres luttes juridiques que l’entreprise d’économie sociale doit entreprendre pour les obtenir, ce qui met une pression financière relativement importante sur l’entreprise, entre autres pour embaucher des avocats. Elle a gagné sa cause, ce qui lui permet de bénéficier des allègements souhaités et ainsi, non seulement éviter la réinjection de fonds par les actionnaires, mais plutôt utiliser les profits pour effectuer des travaux et payer plus rapidement la dette. Le spectre d’une contestation de la décision des tribunaux plane cependant toujours sur l’entreprise. La reprise donne un nouveau souffle à l’entreprise qui peut alors se lancer dans le développement d’affaires, la signature de nouveaux contrats et l’investissement dans les installations.

Dans ce cas, on retrouve principalement une logique de sauvegarde. Dans un premier temps, il s’agit de maintien, des activités, des emplois et surtout des services qui sont, par ailleurs, fortement liés à la mission sociale. En effet, la société par actions manquait de revenus et ce sont les fondateurs qui, en y réinjectant des fonds, ont permis à cette dernière de poursuivre ses activités. La reprise et la transformation en entreprise d’économie sociale ont permis d’obtenir des allègements fiscaux qui, à leur tour, ont servi à l’entreprise de se maintenir en remboursant ses emprunts, mais aussi de se développer en réinvestissant les fonds libérés par ces allègements, au lieu de puiser dans les finances personnelles des fondateurs et actionnaires. Depuis, elle poursuit sur sa lancée et développe des contrats avec des institutions publiques.

Leviers:

  • Ancrage local fort, implication de philanthropes et investissement d’entrepreneurs régionaux ne souhaitant pas obtenir un retour sur leur investissement
  • Diminution de la charge salariale en recourant aux subventions dédiées aux entreprises d’économie sociale
  • Accès aux exemptions fiscales auxquelles les entreprises d’économie sociale ont accès
  • Connaissance des enjeux par les acteurs de l’entreprise qui restent en poste, ce qui aide à assurer la transition

Freins:

  • Difficiles relations avec le milieu politique, soumis aux aléas des changements de gouvernement et d’élus
  • EÉS n’ont pas accès à de nombreux avantages liés aux exemptions sur les charges récurrentes (taxes, électricité, etc.)
  • Importants montants qui ont dû être investis suite à la reprise, seulement possible si des gens fortunés sont prêts à ne pas recevoir de retour sur leurs investissements

2.4 Quatrième cas de figure

Reprise externe, entité juridique existante, montage financier complexe, bonne santé financière de l’entreprise cédée, logique de développement

Les repreneurs œuvrent dans une entreprise d’économie sociale qui a une mission sociale correspondant aux valeurs de responsabilité sociale de l’entreprise en vente. Ils disposent aussi de l’expertise pour piloter ce type d’entreprises, l’entreprise d’économie sociale est dans le même secteur d’activité que l’entreprise cédée. L’équipe de repreneurs est toujours à l’affut d’opportunités sur ce marché très actif et ils tentent, malgré la concurrence forte d’acteurs de l’entreprise privée, d’attirer des cédants avec leur mission sociale et leurs valeurs. Grâce à leur veille des occasions de rachat, ils identifient l’entreprise du cédant et le contactent afin de valider son intérêt pour une reprise collective. Le repreneur a déjà entrepris des démarches similaires dans d’autres projets, mais c’est cependant leur premier projet de reprise ayant une telle ampleur.

L’entreprise à céder vaut plusieurs dizaines de millions de dollars, malgré un montant de rachat important, elle est très attrayante pour d’éventuels repreneurs, car elle évolue dans un secteur d’activités où la compétition est forte et la rentabilité potentielle est élevée. Le cédant, avant même d’avoir indiqué son désir de vendre l’entreprise, est fréquemment contacté par des repreneurs lui faisant des offres d’achat. Le cédant a déjà un certain âge et souhaite passer le flambeau pour prendre sa retraite tout en permettant à son entreprise de poursuivre ses activités et surtout, en ne dénaturant pas sa forte responsabilité sociale. À la recherche de repreneurs potentiels, il indique son désir de vendre à certains acteurs de ce secteur d’activité, il reçoit de nombreuses offres provenant d’entrepreneurs classiques (des SPA), mais aucune ne le satisfait, car il craint la perte de la vocation de son entreprise. Il laisse donc son entreprise sur le marché.

Pour financer la reprise, le repreneur a dû fournir d’importants efforts afin d’établir des relations avec les nombreux bailleurs de fonds requis pour réunir le montant nécessaire (plusieurs dizaines de millions de dollars). Cet exercice, très énergivore, aurait pu mettre en péril, voire faire avorter, le projet de reprise. En effet, des nombreux allers-retours entre le cédant, le repreneur et les divers acteurs financiers ont ponctué les négociations au fur et à mesure qu’évoluaient le prix de vente et les conditions de financement. Le tout se déroulait dans un contexte où d’autres acheteurs se sont manifestés en proposant des offres d’achat plus importantes. Après de longues négociations, c’est finalement grâce aux valeurs portées par l’entreprise d’économie sociale que le cédant a accepté de baisser son prix demandé, ce qui a permis à l’entreprise d’économie sociale de compléter le montage financier.

Après la reprise, de nombreux défis subsistent. En effet, certaines pratiques doivent être revues, notamment les échelles salariales d’employés en postes depuis de nombreuses années. Les repreneurs choisissent donc de se faire appuyer par des experts externes qui permettent d’assurer une certaine neutralité dans le processus de révision. Un enjeu similaire émerge du côté des relations avec les clients, ce sont toutes des personnes à faibles revenus loyales à l’entreprise, elles craignent de voir les prix augmenter significativement. L’équipe doit donc déployer d’importants efforts pour mener à bon port la transition, ce qu’elle fait en embauchant une personne responsable de s’assurer que les préoccupations des clients soient prises en compte. D’importants investissements sont aussi nécessaires, les actifs ont un certain âge et leur ampleur fait en sorte que les travaux sont couteux. Par contre, en fusionnant la banque de fournisseurs du cédant et la sienne, le repreneur a pu mettre sur pied un répertoire de ressources plus importantes.

En ce qui concerne les retombées, on peut identifier une logique de développement. Avant cette reprise, l’entité juridique d’origine accompagnait des projets de reprise, mais ne reprenait pas d’entreprises en soi. De plus, après ce rachat, le repreneur a misé sur le développement des installations et l’ajout de services complémentaires offerts aux clients/usagers. Cependant, avant de pouvoir entreprendre ces travaux et ajouts aux services, il est important de souligner les efforts et investissements importants consentis pour rénover les actifs, rassurer les employés (un seul a quitté l’entreprise), et aussi les clients/usagers, fortement attachés aux valeurs sociales de l’entreprise cédée.

Leviers:

  • Œuvrer dans le même secteur d’activités que le cédant et avoir une certaine expérience en matière de reprise collective
  • Trouver un cédant aligné sur les valeurs de l’ÉS, notamment en raison d’une forte RSE dans une SPA, ce qui a permis de faire baisser le prix de vente
  • Prendre le temps de rassurer les parties prenantes (employés, clients)
  • Mobilisation de ressources externes et impartiales pour la révision de certains aspects de l’entreprise (échelles salariales)

Freins:

  • Lenteur et complexité des montages financiers importants peuvent faire avorter le projet de reprise
  • Difficile de trouver des produits financiers en économie sociale qui sont appropriés pour des projets d’une telle ampleur
  • Difficulté à trouver des produits financiers proposant des montants importants pilotés par des organisations qui comprennent les enjeux d’une EÉS
  • Temps nécessaire à l’intégration de toutes les parties prenantes requière des efforts importants
  • Difficile de faire face à la forte concurrence de l’entreprise privée dans des secteurs d’activités attrayants et rentables

2.5 Cinquième cas de figure

Reprise externe, entité juridique créée pour la reprise, montage financier complexe, mauvaise santé financière de l’entreprise cédée, logique de sauvegarde

Le collectif de repreneurs est externe. Issu de la communauté, il s’associe avec des personnes qui connaissent le secteur d’activités et ses enjeux, il dispose ainsi de l’expertise nécessaire pour piloter ce type d’entreprise. Afin de racheter l’entreprise, les repreneurs se mobilisent en créant une entité juridique collective qui reprendra le bâtiment et relancera les opérations. Le bâtiment et les équipements maintenant désuets ont besoin d’importantes rénovations, le défi est d’injecter des fonds importants pour les mettre aux normes afin de rendre possibles et rentables les opérations de l’entreprise. Le collectif s’adjoint des administrateurs importants et ayant une bonne crédibilité en économie sociale, dans le secteur d’activités et, plus largement, en entrepreneuriat.

L’entreprise à céder est déjà fermée et, avant sa fermeture, était en mauvaise santé financière. Elle œuvre dans un secteur d’activités en difficultés. Le propriétaire souhaite s’en départir parce qu’il estime difficile de la rentable. Le cédant cherche à se départir des actifs, dont le plus important est un bâtiment qui pourrait être repris par un repreneur œuvrant dans un tout autre secteur d’activités. En effet, le bâtiment est situé dans un secteur attractif et populeux. Le cédant ne tient pas particulièrement à la poursuite des activités et de la vocation des locaux est contacté par une entreprise classique (société par actions) œuvrant dans un tout autre secteur d’activités et ayant suffisamment de fonds pour procéder à un rachat rapide. C’est dans ce contexte que la communauté se mobilise pour éviter la perte de vocation du bâtiment et conserver le service de proximité.

Cette reprise a été financée à la fois par du soutien provenant de la communauté, c’est-à-dire des citoyens qui ont décidé de s’impliquer et d’appuyer le projet de reprise sans espérer un retour important sur leur investissement, mais aussi par des subventions et de la dette, provenant, en partie, des produits financiers de l’économie sociale. Le montant de la transaction ne touchait que le bâtiment et représentait quelques centaines de milliers de dollars. L’ajout de fonds supplémentaires pour la mise à jour du bâtiment, des équipements et la relance des opérations a fait augmenter significativement les coûts de la reprise qui dépassent le million de dollars. Le montage financier a été un exercice complexe, impliquant des relations avec diverses institutions financières (de l’économie sociale, mais aussi des institutions financières classiques), les pouvoirs publics et la communauté. Un des éléments importants de cette période de négociation est la relation avec les pouvoirs publics. En effet, c’est en partie grâce aux efforts des acteurs mobilisés dans ce projet de reprise que le repreneur a pu trouver des soutiens politiques nécessaires à la reprise.

Les enjeux de transition, particulièrement au niveau de la gouvernance et de la gestion, n’étaient pas présents, car l’entreprise était fermée et il ne s’agissait que du rachat de bâtiment. Certaines pratiques d’affaires, notamment de marketing, sont mal comprises par les bailleurs de fonds liés à l’entreprise classique. Le défi principal était la mise à niveau du bâtiment, la correction des problèmes trouvés par le repreneur lors des inspections et des travaux et l’instauration d’un nouveau mode de fonctionnement permettant à la nouvelle entité d’augmenter l’achalandage. Cette étape franchie, l’entreprise a pu engranger des revenus intéressants lui permettant d’envisager un avenir plus radieux que ce que vivaient plusieurs de ses concurrents. Il est aussi difficile pour un CA bénévole de maîtriser tous les aspects, défis et enjeux de l’entreprise, ce qui fait en sorte que le promoteur devient un peu le visage de l’entreprise au détriment du collectif. La communauté est en effet au rendez-vous et sa présence se répercute positivement sur le chiffre d’affaires qui est en croissance.

Ce cas de reprise est caractérisé par un désir relancer une entreprise qui connait des difficultés financières. L’entreprise ayant cessé ses activités, l’enjeu du maintien des employés ne s’est pas posé. Cette logique de sauvegarde est cependant lourde à porter, en effet, sans investir des montants importants dans l’entreprise, supérieurs à celui du rachat, cette reprise aurait pu revenir à la situation initiale vécue par le cédant, soit une rentabilité difficile à atteindre (secteur d’activités en difficulté et vétusté des équipements et du bâti). Le repreneur s’attelle donc, dès la négociation, à aller chercher les fonds nécessaires pour procéder à l’acquisition du bâtiment tout en prévoyant des dépenses importantes pour les rénovations et la mise à jour des équipements. Ces dépenses additionnelles ont permis à l’entreprise d’augmenter significativement ses activités, comme en témoignent l’arrivée de nombreux clients et l’augmentation du chiffre d’affaires. Il en va de même pour ce qui est des emplois, le repreneur a procédé à l’embauche de nombreux employés à temps plein et à temps partiel.

Leviers

  • Soutien des acteurs politiques et efforts importants pour aller chercher ces appuis
  • Accès à divers types de financements, des subventions, des produits propres à l’économie sociale ou encore au secteur d’activités
  • Mobiliser les citoyens autour de la sauvegarde d’une organisation offrant des services de proximité appréciés
  • Produits financiers de l’économie sociale permettent de compléter les montages financiers
  • Donne accès aux subventions sectorielles liées aux ministères appropriés
  • Implication du réseau personnel d’un des repreneurs pour le soutien administratif

Freins

  • Écosystème de soutien fragmenté, difficile de s’y retrouver en l’absence d’un guichet unique
  • Difficile relation avec les institutions financières classiques qui ne comprennent pas les produits financiers des acteurs financiers de l’économie sociale
  • Poids porté par le repreneur qui peut devenir l’image de l’entreprise plutôt que le collectif
  • Difficile pour un CA de saisir des enjeux financiers complexes, notamment les prévisions dans un secteur incertain, alors qu’ils sont bénévoles et n’ont pas nécessairement suffisamment de temps pour s’y consacrer
  • Mécompréhension des pratiques d’affaires et de marketing dans le secteur d’activités par les experts œuvrant dans l’écosystème de soutien aux SPA

2.6 Sixième cas de figure

Reprise externe, entité juridique existante, montage financier complexe, mauvaise santé financière de l’entreprise cédée, logique de sauvegarde

Le repreneur est préoccupé par les conflits d’usages entre deux entreprises qui occupent le même bâtiment et œuvrent dans le même secteur d’activités. Cette double occupation fait en sorte que les entreprises doivent se coordonner pour son utilisation, ce type de compromis a cependant un impact négatif sur la fréquentation et les revenus autogénérés. Après plusieurs tentatives pour trouver une solution convenant aux deux entreprises, les deux acteurs en présence conviennent que le statu quo ne fonctionne plus et qu’une solution doit être trouvée afin d’éviter des litiges légaux, une de ces options est le rachat des actifs de la société par actions par l’entreprise d’économie sociale.

L’entreprise à céder est donc une société par actions qui partage le bâtiment et certaines installations avec une entreprise d’économie sociale. Le secteur d’activités dans lequel ces entreprises œuvrent est en difficultés et en déclin depuis plusieurs années, les deux entreprises cherchent des solutions. L’actif principal est un bâtiment, il est occupé par l’entreprise à céder et l’entreprise repreneuse, mais il est situé dans une région où peu d’acteurs sont suffisamment fortunés pour l’acquérir. Le cédant cherche à rendre son entreprise plus rentable en réduisant les conflits d’usages, par contre le bâtiment comme les équipements sont relativement vétustes et le cédant n’est pas prêt à déployer les nombreux efforts nécessaires pour respectivement le rénover et les mettre à jour. Les deux entreprises négocient afin de voir comment diminuer les tensions, mais rapidement, la reprise de la SPA émerge comme seule solution viable pour l’EÉS.

Le montant du rachat du bâtiment est important, mais c’est surtout en y ajoutant les rénovations nécessaires que le montant dépasse le million de dollars. Le repreneur doit consentir d’importants efforts pour aller chercher du financement, notamment auprès de municipalités voisines qui aimeraient, sans réellement le pouvoir, avoir ses services dans leurs communautés. Après avoir convaincu des partenaires locaux, le repreneur va chercher de nouvelles subventions, mais aussi des prêts afin de compléter le montage financier nécessaire au rachat et aux rénovations.

Cette phase de la reprise est bien vécue par le repreneur. En effet, les enjeux les plus importants sont principalement liés à la cohabitation des deux entreprises dans le même bâtiment qui était jugée très difficile à gérer et à coordonner. Le rachat a permis d’éviter de vivre ces frictions et tensions pour enfin avoir une vision commune du développement d’une seule entreprise et de son bâtiment. Ceci étant dit, la mise à niveau des actifs a demandé des efforts considérables, pour effectuer les travaux en question, mais aussi pour aller chercher les fonds nécessaires à leur réalisation. Enfin, malgré le peu d’employés disponibles dans la région, l’entreprise a réussi à attirer de nombreux membres de la communauté qui s’impliquent comme bénévoles.

L’entreprise reprise cédée n’était pas en bonne santé financière et le cédant voulait s’en départir. La région où œuvre l’entreprise manque de repreneurs, la seule option était la poursuite des activités avec le risque de fermeture si l’entreprise et ses actifs ne sont pas rénovés. Le souhait du repreneur était d’éviter les conflits d’usage tout en sauvegardant une entreprise à risque de fermeture. L’entreprise offre un service de proximité auquel tient la communauté et en raison de l’éloignement des concurrents, la fermeture de l’entreprise aurait mené à la disparition de ce service, ce qui en fait un cas de sauvegarde. Seuls deux employés étaient encore en poste dans la SPA au moment de la vente, l’un d’entre eux a décidé de ne pas poursuivre avec le repreneur, un poste étant disponible dans un autre point de service du groupe de l’entreprise du cédant, l’autre employé est resté en poste.

Leviers:

  • Accès possible aux subventions liées au secteur d’activités grâce au statut d’entreprise d’économie sociale
  • Intérêt et participation de la communauté, notamment comme bénévoles
  • Permets de tisser des liens et aller chercher de petits contrats avec des institutions publiques et parapubliques
  • Indépendance du CA, comparé à des organisations dirigées par les municipalités, permet une plus grande marge de manœuvre pour modifier certains aspects de l’entreprise

Freins:

  • Difficile de faire des prévisions sur les revenus dans un secteur d’activités faisant face à de nombreux défis
  • Récurrences des subventions est loin d’être garantie
  • Difficile relation avec les acteurs municipaux, surtout s’ils sont un peu éloignés géographiquement de l’entreprise
  • Relations complexes avec les divers ministères liés au secteur d’activités, trop de silos étanches entre ces acteurs et leurs enveloppes budgétaires/programmes
  • Montage financier important nécessaire à la rénovation des actifs est difficile à obtenir pour une entreprise dans un secteur d’activités en difficultés

2.7 Septième cas de figure

Reprise interne, entité juridique créée pour la reprise, montage financier complexe, mauvaise santé financière de l’entreprise cédée, logique de sauvegarde

Les repreneurs sont les actionnaires de la société par actions, ils sont donc internes. Ils font face à des défis importants, le principal étant la difficulté à atteindre le point mort tout en n’augmentant pas les coûts pour les clients/usagers. L’équipe de fondateurs estime qu’il est temps de repenser la formule juridique, mais aussi d’instaurer une culture plus entrepreneuriale afin de mettre en place de nouvelles avenues pour aller chercher des revenus supplémentaires. L’objectif était de ne pas faire faire reposer sur les seules épaules des créateurs le fardeau de payer, mais plutôt de le renverser en faisant payer les utilisateurs de ces créations ou encore en recourant à des subventions afin de pouvoir verser un montant aux créateurs qui créent de l’achalandage.

Les actionnaires d’une société par actions ayant pignon sur rue offrent des services à une communauté de créateurs toujours à la recherche de lieux pour leurs projets. Le modèle d’affaires initial est difficile à mettre en œuvre, la mission de l’organisation étant d’offrir un service abordable à des créateurs peu fortunés, mais ses revenus proviennent principalement de ces mêmes créateurs. Le modèle d’affaires est donc en péril, de plus, il est très difficile pour une société par actions d’aller chercher des subventions dans ce secteur d’activités. Ce faisant, ils souhaitent diversifier leurs sources de revenus et surtout ne pas avoir à injecter leurs finances personnelles dans l’entreprise pour lui permettre de survivre.

Pour financer la reprise et considérant le peu de moyens financiers dont dispose le groupe de fondateurs maintenant repreneurs, ces derniers ont décidé de céder le fonds de commerce à l’entreprise d’économie sociale. Le seul montant impliqué dans la reprise est la perte de 10 000$ pour deux des fondateurs qui avaient chacun investi ce montant dans la société par actions. Ce montant peut paraître petit, cependant, dans le contexte des difficultés financières de l’entreprise cédée, si les fondateurs avaient voulu récupérer leurs investissements, ils auraient causé la fermeture de l’entreprise et donc auraient fait avorter le projet de reprise.

Après la reprise, l’entreprise revoit complètement son mode de fonctionnement. Ses locaux sont situés dans un milieu où les loyers sont dispendieux et malgré l’importance d’avoir un lieu de rencontre pour augmenter sa visibilité, le fait de s’en départir et de ne plus avoir à payer pour ce type de charge donne un certain souffle à l’entreprise. Le travail décentralisé est déjà bien présent dans le secteur d’activités de l’entreprise, l’adaptation à ce mode de fonctionnement ne représente donc pas un défi important. En se libérant du local, l’entreprise a aussi choisi de développer des services qui se déploient sur de plus nombreux territoires, elle finit donc par bénéficier d’une autre forme de visibilité. Cette nouvelle stratégie d’affaires lui permet d’obtenir de nouveaux contrats, notamment en répondant à des appels d’offres ou des concours situés dans d’autres localités. Enfin, il est important de souligner que l’entreprise n’aurait pas eu accès aux contrats publics si elle n’avait pas adopté une forme juridique collective.

La reprise avait pour but premier la transformation de l’entreprise et de ses activités. En effet, la société par actions aurait eu de grandes difficultés à atteindre une rentabilité suffisante avec la transformation du modèle d’affaires qui avait pour objectif de rendre ses services plus accessibles. En diminuant les charges fixes liées au loyer, l’entreprise a pu conserver son unique employé et surtout obtenir les subventions sectorielles nécessaires pour son fonctionnement. Depuis la reprise, l’entreprise cherche à augmenter la taille de son équipe en tentant d’obtenir une subvention au fonctionnement. Après quelques tentatives infructueuses, elle abandonne cette piste et se centre sur l’obtention de subventions par projets et de contrats publics auxquels elle a maintenant accès grâce à son statut juridique. Ce faisant, elle peut agrandir son cercle de collaborateurs, de créateurs et de clients. L’entreprise voit son chiffre d’affaires comme ses activités augmenter significativement.

Leviers:

  • Être une entreprise d’économie sociale permet de gagner en crédibilité dans certains secteurs d’activités, elle permet de dénicher des opportunités d’affaires et des contrats
  • Être une entreprise d’économie sociale permet d’avoir recours à plusieurs types de subventions auxquelles les SPA n’ont pas accès
  • Injection de fonds provenant des fondateurs pour démarrer l’entreprise d’économie sociale sous forme de dons (donc pas de dette)
  • Aller chercher des administrateurs qui ont une fine connaissance des enjeux du secteur d’activités
  • Conserver et développer les liens avec acteurs publics et organismes, faire participer la communauté au projet
  • Se former sur les aspects touchants la gestion de l’entreprise : finances, comptabilité, tenue de livres, TPS/TVQ, etc.
  • Entreprendre des démarches de réflexion soutenues, comme un lac-à-l’épaule, mais aussi des rencontres fréquentes de suivi, notamment en réunissant le CA fréquemment
  • Programme du SAGE pour développer des compétences entrepreneuriales

Freins:

  • Difficile de créer des emplois dans certains secteurs d’activités, ce qui semble être un indicateur important pour de nombreux acteurs de soutien à l’économie sociale
  • Changements fréquents de répondants dans les organisations dédiées au soutien des entreprises de l’économie sociale
  • Difficile compréhension des enjeux et des solutions potentielles ou pistes de développement pour des administrateurs issu du milieu de l’entrepreneuriat classique
  • Difficile de trouver un mentor qui comprend à la fois la logique entrepreneuriale et qui a une expérience pertinente dans le secteur d’activité

2.8 Huitième cas de figure

Reprises externes en série, entité juridique existante, montages financiers simples, entreprises reprises en mauvaise santé financière, logique de développement

Le repreneur tente d’étoffer sa gamme de produits et services en restant centré sur des reprises qui lui permettent de mieux appuyer ses membres. Après des phases d’expansions liées à de nombreuses reprises où le repreneur a développé des activités plus éloignées de sa mission première, il a dû faire face à d’importantes difficultés financières. S’en est suivie une phase de redressement et de planification stratégique où le repreneur décide de se recentrer sur sa raison d’être et d’assainir ses finances. Depuis, il se lance à la recherche d’entreprises à reprendre tout en continuant d’accueillir les demandes de cédants qui l’interpelle pour des reprises. Ces entreprises œuvrent dans un secteur d’activité connexe ou similaire à celui du repreneur. Le contact entre le repreneur et les cédants est la plupart du temps une initiative du cédant. De nombreuses reprises réussies servent de vitrine pour attirer d’autres cédants potentiels, attirés par la belle réputation dont bénéficie le repreneur. À cet égard, lorsque le cédant contacte le repreneur, la possibilité d’une reprise est souvent vécue comme un soulagement.

Les entreprises cédées se retrouvant sous cette séquence sont cinq PME, toutes des sociétés par actions. Les cédants qui pensent se départir de leurs entreprises le font pour deux raisons principales : soit le désir de prendre leur retraite et l’essoufflement, autrement dit, le fait que l’entreprise n’arrive plus à se développer et que les cédants estiment ne plus avoir l’énergie nécessaire pour passer au travers cette étape délicate. Tous ces cédants sont à la recherche de solutions et préfèrent, généralement, que leurs entreprises soient reprises par un acteur qui tient à les maintenir en activités plutôt que de se faire racheter par un concurrent qui va la fermer, ils communiquent donc avec des repreneurs potentiels.

Le financement de ces diverses reprises reprend toujours la même formule. Le repreneur dispose de fonds propres réservés à des reprises potentielles, ce faisant, il peut rapidement entreprendre des démarches avec les cédants. Le repreneur a aussi de nombreux actifs et de bonnes relations avec les institutions financières avec lesquelles il fait affaire, ces derniers donnant toujours leur opinion avant que le repreneur entreprenne des démarches formelles avec des cédants. Sans être décisionnel, l’avis des institutions financières a un impact significatif sur les démarches du repreneur. Cette relation transparente et respectueuse permet de compléter les montages financiers sans trop de difficultés. Ceci étant dit, le repreneur dispose aussi, à l’interne, d’experts pour évaluer les entreprises et quand ces derniers ne sont pas disponibles, le repreneur fait appel à son réseau d’experts externes, bien développé. Malgré ce réseau d’experts, le repreneur peine parfois à trouver des fiscalistes, comptables et avocats capables de l’appuyer, ce qui rend d’autant plus essentielle l’expertise développée à l’interne.

Le repreneur aborde la transition et le management de la reprise en mobilisant toujours les mêmes stratégies. La transparence dans les relations est au cœur de cette phase, c’est au prix de nombreuses rencontres et allers-retours entre le repreneur et l’équipe présente dans l’entreprise cédée que les tensions sont amenuisées. En expliquant les objectifs et les moyens utilisés pour y parvenir, les employés en place adhèrent beaucoup plus facilement au plan proposé. Effectivement, pour assurer une transition fluide, le repreneur et sa haute direction se déplacent, expliquent les objectifs, les moyens pour y parvenir et surtout prennent le temps de bien communiquer la logique entre les actions prises et les buts poursuivis. Grâce à ses expériences antérieures, le repreneur reconnait qu’un équilibre entre autonomie et une forme de contrôle est nécessaire. Auparavant le repreneur s’étendait, par le biais de reprises dans des secteurs d’activités où il ne disposait pas d’expertise, il lui était difficile de conserver un certain contrôle sur ces entreprises. Aujourd’hui, le repreneur rachète des entreprises qui œuvrent dans un secteur d’activités connexe ou similaire, ce faisant, il est plus à même de comprendre et de soutenir ces entités rachetées. Pour ce faire, le repreneur s’implique principalement dans la réalisation de leurs plans d’action et plans stratégiques en incluant les personnes adéquates dans chaque entreprise reprise. Cette façon de faire permet de retenir le personnel et de favoriser l’adhésion aux plans mis en place, en effet, une forte proportion (80-95%) des employés restent en postes et s’estime satisfaite de la transition.

Pour ce cas de reprise en série, on retrouve une logique de développement. Le repreneur, en reprenant ces entreprises, développe ses activités, services et produits. Afin de maximiser les chances de succès de cette stratégie de développement, dès le rachat, le repreneur s’attèle à la pérennisation des entreprises reprises, créée des comités transversaux interentreprises pour faciliter l’échange de bonnes pratiques sur des enjeux communs (gestion des ressources humaines, des approvisionnements et des stocks, des stratégies de communication, etc.). Un facteur de succès qui aide au développement des entités rachetées est le fait que le repreneur ne voit pas ces entreprises uniquement comme un moyen d’obtenir des revenus supplémentaires ou de consolider un secteur, mais bien comme une stratégie de diversification planifiée qui rend l’entreprise plus robuste tout en permettant d’offrir une gamme plus étoffée de services à ses membres.

Leviers:

  • Reconnaitre qu’il est impossible d’être spécialiste en tout, ne pas hésiter à aller chercher le savoir-faire à l’externe tout en continuant de le développer à l’interne
  • Les valeurs de l’ÉS font la différence pour de nombreux cédants intéressés à vendre, important d’être cohérent entre les valeurs véhiculées et la façon dont elles sont vécues sur le terrain
  • Permets de rassurer le cédant quant à la pérennité de son entreprise, ce sont les valeurs de l’économie sociale qui aident à conclure les négociations
  • Aucune stratégie de développement ou acquisition n’est réalisée sans le CA et les institutions financières, les doutes doivent être au strict minimum pour aller de l’avant
  • Ne pas faire des acquisitions avec des fermetures pour aller chercher des économies d’échelles
  • Assurer une communication fluide et transparente sur les objectifs et les moyens mis en place pour les atteindre entre l’équipe de repreneurs et celle de l’entreprise reprise

Freins:

  • Avoir des attentes trop élevées, penser faire des profits rapidement est dangereux, il faut se laisser le temps de bien développer l’entreprise reprise sans attente de rendement à court terme
  • Faire de la reprise pour des motifs uniquement pécuniaires est risqué, il faut un plan derrière, jouer un rôle de leader inspirant, surtout en contexte de pénurie de main-d’œuvre, notamment pour les employés et gestionnaires
  • S’étendre dans des secteurs trop éloignés de l’expertise de l’entreprise repreneuse est risqué et peut mener à d’importantes difficultés financières
  • Être actionnaire minoritaire dans une SPA, même temporairement, peut causer de nombreux enjeux, entre autres du côté de la gouvernance, et rendre l’entreprise difficile à piloter

2.9 Neuvième cas de figure

Reprises externes en séries, entité juridique existante, montages financiers simples, mauvaise santé financière des entreprises cédées, logique de développement

Le repreneur pilote une entreprise d’économie sociale et cherche des entreprises à racheter afin de diversifier ses activités. Menant une veille active, plusieurs canaux sont mobilisés pour identifier des entreprises de petites tailles intéressantes à reprendre. Le repreneur a d’ailleurs déjà procédé à des acquisitions dans des secteurs d’activités difficiles et il ne souhaite pas revivre cette expérience. Il est donc prudent et visite plusieurs entreprises avant d’entreprendre des démarches plus sérieuses avec des cédants potentiels. Une des entreprises a été identifiée par le biais du réseau du repreneur qui apprend qu’une entreprise pouvant correspondre à ses aspirations est en vente. Dans l’autre cas, c’est grâce à un site internet permettant l’affichage d’entreprises à vendre que cette dernière a pu être identifiée.

Les entreprises cédées se retrouvant sous cette séquence sont deux PME pilotés par des entrepreneurs situés en région, pour ces deux entrepreneurs l’âge et le désir de prendre la retraite approche. En effet, ils souhaitent se départir de leurs entreprises respectives tout en allant chercher un certain montant qui leur permettra de bénéficier de fonds lors de leurs retraites. Ces entreprises sont en relativement mauvaise santé financière et elles ont peu d’employés. Elles réussissent tout de même à rester en activités, par contre, elles pourraient éventuellement fermer, car peu de repreneurs potentiels se sont manifestés pour reprendre ces PME.

Le financement de la reprise s’appuie uniquement sur fonds propres. À la suite d’expériences malheureuses de rachats et de développement dans certains secteurs d’activités difficiles, le repreneur a choisi d’adopter une stratégie de reprise en série qui minime les risques, d’une part en reprenant des entreprises de petites tailles et dont la valeur n’est pas très importante et d’autre part en ne recourant pas aux prêts pour financer ces acquisitions. Dans les deux cas de reprise sous cette séquence, les cédants surévaluaient leurs entreprises et malgré le fait que le repreneur n’ait pas mobilisé d’experts externes pour évaluer la valeur des entreprises à reprendre, son expérience en la matière lui a permis de développer une certaine expertise à l’interne. Le repreneur est donc en mesure de faire baisser le prix de vente. Cette négociation comprend le rachat des actifs, le transfert d’expertise par les cédants, les noms des entreprises et la liste de clients dans un des deux cas.

La transition implique de déménager les deux entreprises reprises dans la région du repreneur. Dans un des deux cas, un employé suit l’entreprise, dans l’autre seul le propriétaire suit pour partager son expertise, car l’entreprise était familiale et n’avait pas d’employés. Dans les deux cas de reprise, les cédants sont disponibles, de même que l’employé, pour assurer le transfert d’expertise et permettre au repreneur de relancer les chaînes de production de ces deux entreprises. L’ensemble de ces opérations sont effectuées sur fonds propres, notamment la révision des procédés de production, elles doivent donc être les moins couteuses possible. Malgré une gestion serrée des risques lors de l’évaluation, certaines surprises émergent, par exemple, le carnet de clients d’un des deux cédants est beaucoup moins bien garni que ce qu’il a laissé entendre et la qualité de la production est à améliorer. Le repreneur embauche donc un représentant commercial pour aller chercher de nouveaux clients et, dans l’autre cas de reprise, développe les activités de l’entreprise en diversifiant ses produits et en étendant ses points de vente.

La reprise s’inscrit directement dans une logique de développement pour le repreneur. En effet, en rachetant en série des entreprises dans des secteurs d’activités connexes qui permettent de mieux nourrir la mission sociale de l’entreprise, le repreneur cherche à solidifier son modèle d’affaires. De plus, la logique de développement est facilement identifiable, en effet, le repreneur déménage les entreprises et cherche surtout à acquérir l’expertise des cédants.

Leviers

  • Se développer à la hauteur de ses moyens, éviter de trop recourir aux prêts et se centrer sur les fonds propres pour réaliser des acquisitions
  • Les stratégies d’acquisition et de développement sont toujours déterminées en mode collectif
  • Mutualiser les ressources et expertises autour d’enjeux communs
  • Développer les compétences liées au secteur d’activités à l’interne, en s’appuyant sur divers types, comme les cédants et employés

Freins

  • Avoir des attentes de rendement trop élevées sans laisser suffisamment de temps pour développer l’entreprise
  • Sous-estimer les fonds nécessaires pour la modification des pratiques de gestion et de production après la reprise
  • Surévaluer la valeur de l’entreprise cédée, faire trop confiance au cédant et à ses promesses
  • S’étendre dans des secteurs trop éloignés de l’expertise de l’entreprise repreneuse est risqué et peut mener à d’importantes difficultés financières

2.10 Dixième cas de figure

Reprise externe, entité juridique créée pour la reprise, montage financier inexistant, mauvaise santé financière de l’entreprise cédée, logique de sauvegarde

Un acteur coopératif, ayant l’appui de plusieurs organisations de soutien au mouvement soutenant les coopératives, propose de mutualiser les ressources d’entreprises faisant face à de nombreuses difficultés. Il propose de les fusionner dans une nouvelle entité juridique afin d’alléger la gouvernance, de mettre en place une gestion efficiente et enfin, d’augmenter leurs chances d’obtenir les financements nécessaires pour la rénovation des actifs. Cet acteur entre en communication avec les entreprises d’économie sociale afin de valider leur intérêt pour la démarche de reprise et de mutualisation. Le repreneur est externe, mais il a accès à un bon réseau de soutien dans son secteur d’activités et dans le mouvement coopératif, c’est d’ailleurs de cette façon qu’il entre en contact avec les cédants potentiels. Il dispose d’une certaine expérience dans ce secteur d’activités. Bénéficiant d’appuis financiers du milieu coopératif, une entité juridique est créée par le promoteur principal pour y fusionner les entreprises à céder.

Des entreprises d’économie sociale qui requièrent des investissements importants pour rénover leurs actifs principaux, des bâtiments, sont relativement mal en point. Elles font aussi face à d’importants défis de gouvernance, leurs administrateurs étant empêtrés dans de multiples enjeux, notamment de gestion. En effet, ces entreprises n’ont pas d’employés à proprement parler, tout est réalisé par les membres et les administrateurs, or ces tâches sont lourdes à porter, à répartir et dans le contexte d’entreprises à la santé financière fragile, des solutions doivent être trouvées pour assurer leur pérennité, particulièrement dans un secteur attrayant sur le marché de la reprise. Sans solution et ne considérant pas la reprise comme une voie potentielle, les entreprises continuent leurs activités tout en tentant de trouver des appuis dans le milieu coopératif, c’est dans ce contexte qu’elles entrent en contact avec le repreneur.

Considérant que cette séquence de reprise porte sur une fusion, l’enjeu financier est quelque peu distinct des cas précédents. En effet, il ne porte pas sur le montant de la transaction, mais plutôt sur les réserves accumulées par chaque coopérative et le financement des rénovations. Concernant les réserves accumulées, certaines coopératives étant mieux loties que d’autres, il a été décidé de laisser une période de transition où les entreprises reprises continuent de nourrir et d’utiliser leurs réserves après contribuer à une réserve de remplacement commune qui permettra, à plus long terme, de créer une réserve plus importante. Pour les rénovations majeures nécessaires, considérant le peu de moyens dont disposent les entreprises cédées, le souhait est qu’en se regroupant, il soit plus facile d’obtenir des appuis financiers, sous la forme de subventions et de prêts.

Les enjeux majeurs apparaissent surtout dans la période de transition et de management de la reprise. En effet, la refonte de la gouvernance et de la gestion sont deux principaux éléments de cette reprise qui font émerger, initialement, des tensions. Certains administrateurs présents dans les entreprises visées par la reprise ont une ascendance importante sur les autres, la refonte de la gouvernance n’est pas bien vécue par ces derniers qui ne sont pas intéressés à poursuivre, ils choisissent de quitter leurs fonctions. Les autres accueillent plus favorablement cette refonte, en effet, ils sont sursollicités et peinent à assurer leurs fonctions respectives, la nouvelle structure permet de mieux délimiter les rôles de chacun. Le nouveau CA s’attèle donc à la révision de la gouvernance. Pour soutenir le CA et le dégager de la gestion, des comités mis en place dans les entreprises reprises permettent d’assurer la continuité de la vie démocratique dans ces dernières, tout en leur permettant de s’attaquer aux problèmes de gestion pressants. Toujours pour amenuiser ces tensions, conserver une vie démocratique active et s’assurer de la prise en compte des enjeux vécus par les différentes entreprises reprises, un représentant de chaque comité participe à des rencontres plusieurs fois par année avec des administrateurs du CA en plus d’avoir un administrateur présent sur le CA. Des comités transversaux et thématiques sont aussi mis en place (finance, gestion, entretien, etc.), ce qui permet de mutualiser les ressources et réflexions afin d’être plus agiles pour régler des problèmes. Enfin, le défi qui, au-delà de la gouvernance, préoccupe la nouvelle entité est la mise à jour des bâtiments et les rénovations couteuses que nécessitent ces actifs, en se regroupant, le repreneur et sa nouvelle entité commencent à aller chercher les fonds nécessaires pour ces travaux.

Ce cas porte sur le maintien d’actifs importants, mais nécessitant l’injection de fonds pour les rénover, on retrouve une logique de sauvegarde des entreprises reprises. Comme mentionné par le répondant, des cas similaires d’entreprises n’ayant pas pu bénéficier d’une refonte de la gouvernance et d’injections de fonds pour les rénovations ont mené à la fermeture de ces entreprises. Une fois la situation en voie d’être stabilisée et les travaux réalisés, le repreneur créé un fonds de développement pour permettre à l’entreprise d’explorer d’autres reprises ou encore pour développer de nouveaux services pour les membres actuels. C’est aussi dans ce contexte que le repreneur embauche un employé afin d’alléger les tâches de gestion. De nouveaux services dédiés aux clients sont aussi en voie de s’ajouter au panier de services actuellement offerts.

Leviers:

  • Revoir la gouvernance tout en permettant la création de comités par entreprise cédée afin de laisser une certaine autonomie aux entités reprises et fusionnées tout en délimitant mieux les rôles des administrateurs de l’entité fusionnée de ceux des membres impliqués dans la gestion
  • Mutualisation des ressources permet de diminuer les coûts pour les entreprises cédées
  • Permets de mettre en place une gestion et une gouvernance plus efficaces
  • Accompagnement d’acteurs ayant une fine connaissance du secteur d’activités et de la forme juridique coopérative facilite toutes les étapes de la reprise

Freins:

  • Difficile de recréer le sentiment d’appartenance pour les clients, membres et administrateurs attachés à l’entreprise cédée
  • Difficile refonte de la gouvernance en raison de l’attachement des administrateurs à leurs conseils d’administration
  • Refonte des réserves est un élément épineux, comment passer de réserves par entreprise à une réserve commune tout en évitant les conflits?
  • Craintes des membres quant à l’augmentation des coûts des services
  • Mécompréhension des membres et clients quant à la pertinence de mutualiser par la reprise et la fusion

2.11 Synthèse de la section

Un modèle de la reprise collective

Dans les séquences analysées, on voit émerger certains éléments communs aux divers thèmes mobilisés. Nous proposons une synthèse de chacun de ces thèmes, hormis celui du financement qui est approfondi dans la section suivante portant sur l’étude de cas. Il en va de même pour les leviers et freins, qui sont croisés avec les analyses faites sur le soutien et l’accompagnement pour former la dernière section de ce rapport.

Les repreneurs collectifs rencontrés sont particulièrement hétérogènes. On y retrouve de repreneurs internes, de repreneurs externes, ainsi que des repreneurs en série. Plusieurs d’entre eux existaient déjà, mais d’autres ont été créées pour la reprise. Pour ces derniers, la majorité de cas avait comme fin la sauvegarde de l’entreprise reprise. Deux des cas de figure sont portés par des repreneurs en série ayant développé une très bonne expérience en reprise d’entreprise. Ces expériences ont été le fruit d’échecs qui ont mis à mal les finances de leurs entreprises d’économie sociale et les ont obligés à revoir leurs stratégies d’acquisition. Dans un de cas, l’enjeu principal était un de contrôle et de connaissances : le repreneur, achetant des entreprises éloignées de son secteur d’activités, avait la difficulté à comprendre les enjeux sectoriels ce qui rendrait plus compliquées la gestion et la gouvernance de l’entreprise. Dans l’autre cas, c’est l’acquisition d’entreprises dans des secteurs d’activités en difficulté (notamment dans le manufacturier) qui a causé d’importantes pertes pour l’entreprise d’économie sociale. Enfin, plusieurs repreneurs s’inscrivent dans une logique de transformation, ils dirigent déjà une entreprise (une société par actions), mais cette dernière est difficile à piloter sous ce statut juridique. La transformation en entreprise d’économie sociale permet l’obtention de subventions, de contrats ou la diminution de charges fiscales qui, à leur tour, aide ces entreprises à pérenniser leur mission sociale.

Pour ce qui est des individus derrière le processus de reprise, certains sont directeurs généraux, d’autres présidents de CA et remplissent les fonctions de la direction générale (souvent par manque de revenus), certains ont une vaste expérience dans le secteur d’activités de l’entreprise reprise, d’autres, aucune.

La plupart des entreprises reprises sont en mauvaise santé financière, certaines d’entre elles ouvrent de plus dans des secteurs d’activités difficiles et ayant subi de nombreux bouleversements (médias, culture, manufacturier, etc.). Seule une entreprise reprise était en bonne santé financière dans les cas étudiés. On retrouve aussi de nombreux cédants à bout de souffle, près de la retraite et cherchant à passer le flambeau, mais ne trouvant malheureusement pas de repreneurs. Autre élément qui ressort des cas étudiés est que plusieurs nécessitaient l’injection de fonds importants pour mettre à jour les équipements, la gestion, les bâtiments, c’est donc dire que ces entreprises étaient relativement mal en point et que, pour les rendre viables et pérennes, des fonds supplémentaires au prix d’acquisition devaient être mobilisés pour effectuer ces travaux et modifications, ce que peu de cédants pouvaient se permettre.

Cette phase est marquée, dans les séquences et cas analysés, par l’importance des investissements et des modifications nécessaires à la poursuite des activités de l’entreprise. Que ce soit dans les cas de sauvegarde comme ceux de développement, la rentabilité de l’entreprise reprise et sa survie dépendent de cette phase. De nombreux repreneurs affirment que l’entreprise n’aurait pas survécu à la reprise sans investissement additionnel pour la moderniser ou l’actualiser. Ce dernier point est important à souligner, car les cas de reprise étudiés étant toujours en activité, le discours des repreneurs sur cet aspect délicat nous renseigne sur les facteurs potentiels d’échecs du processus de reprise collective. Certains cas de reprise sont marqués par des enjeux de gestion des RH (par exemple les échelles salariales), alors que les cas de reprise d’entreprises familiales sans employés sont épargnés par ces enjeux. D’autres enjeux émergent, comme les relations avec les instances réglementaires ou encore les relations avec les parties prenantes, notamment les usagers, cependant ces dernières semblent, à tout le moins selon les dires des repreneurs, avoir un impact moins important sur l’entreprise que celui des investissements nécessaires dans cette phase.

Les deux logiques sont à l’œuvre dans les cas de reprise étudiés, mais la majorité présente une logique de sauvegarde. Ici, on retrouve deux types de séquence : la reprise interne par transformation et la reprise par des repreneurs externes. Dans le premier cas, celui de la transformation, on relève l’inadéquation du statut des sociétés par actions pour des entreprises ayant une forte mission sociale et œuvrant dans des secteurs d’activité qui sont subventionnés ou encore qui bénéficient d’exemptions fiscales en vertu de leur mission. Dans l’autre cas, on reconnait la présence de repreneurs qui tentent d’empêcher la fermeture de services de proximité importants pour des communautés mal desservies.

Pour ce qui est de la logique de développement, les cas de reprise en série s’inscrivent pleinement dans celle-ci, les repreneurs cherchent à accroître leurs activités en achetant des entreprises dans des secteurs d’activité similaires ou connexes. En plus des cas de reprise en série qui concernent des EÉS existantes, un autre repreneur mobilise aussi cette logique, mais cette fois-ci en créant une entité juridique pour la reprise.

Tout au long de ces séquences, de nombreux enjeux émergent, des solutions aussi, mais c’est surtout l’importance de bien gérer les phases de négociation et de transition et management qui sont les plus nommées. Il va de soi que pour que ces phases se déroulent bien, il faut avoir bien évalué l’entreprise à reprendre, ceci étant dit, cet enjeu est intimement lié au financement de la reprise.

Figure 2 – Modèles de séquence de reprise collective

Étude de cas

Regards croisés sur un cas de reprise collective et le soutien

Dans le contexte de cette étude, un cas de reprise a été sélectionné afin d’être documenté de façon approfondie. Pour ce faire, un repreneur et quatre accompagnateurs ont été rencontrés dans le cadre d’entretiens semi-dirigés portant spécifiquement sur ce cas. L’analyse reprend les divers thèmes utilisés pour analyser la reprise collective d’une entreprise tout au long de cette étude. Un constat important émerge de l’analyse de cette étude de cas, les acteurs de soutien ont une vision relativement uniforme de plusieurs phases du processus de reprise. La phase où d’importantes divergences apparaissent est celle de la négociation et plus particulièrement le défi de la réalisation du montage financier nécessaire pour mener à bien la reprise. C’est donc cette phase qui fait l’objet d’une analyse plus approfondie dans la présente étude de cas.

Tous les acteurs rencontrés, incluant le repreneur, ont une représentation assez homogène de l’entreprise repreneuse et de son principal promoteur. En effet, tous soulignent la solidité de la démarche proposée par le promoteur, son plan d’affaires réfléchi, sa grande expérience du secteur d’activités, sa capacité à argumenter ses idées de développement, la pertinence de son expérience, la justesse des études de marché réalisées et, enfin, sa ténacité et sa résilience. Cependant, encore une fois, le choix de la reprise collective divise un peu les acteurs de soutien :

  • Les acteurs de l’économie sociale mettent aussi de l’avant le profil du repreneur, mais ajoutent la connaissance de l’économie sociale dont bénéficie le repreneur et la pertinence de ce modèle d’entreprise aux facteurs de succès
  • Les autres acteurs (l’acteur public et l’acteur financier classique local) vantent l’expérience et l’engagement du repreneur, mais indiquent aussi que l’entreprise aurait pu être reprise sous un autre modèle et statut juridique, par exemple, une société par actions

La phase du processus de reprise où des représentations différentes des enjeux, défis et pistes d’actions émergent fortement est celle de la négociation et donc du financement de la reprise. Tous ces acteurs ont, à divers degrés, joué un rôle dans ce montage et leur présence ou absence dans cette phase a un impact important sur la reprise. Pour aborder cette phase, trois tableaux d’analyse reprennent, dans un premier temps, les consensus identifiés; ensuite les éléments soulignés par plus d’un acteur, mais pas contredits par un autre et, finalement, les dissensions et désaccords entre les acteurs.

Du côté des consensus, on ne retrouve qu’un seul élément, soit la complexité du montage financier :

Tableau 4 – Consensus –financement


Acteur financier – économie socialeAccompagnateur – économie socialeActeur financier classique localReprésentant public (MRC)Repreneur
Complexité du montage financier, notamment l’enjeu de la coordination de ces acteurs en soulevant les défis suivants : qui appuie le projet en premier ? Comment peut-on partager le risque ? Et comment attacher tous ces acteurs ensemble autour d’un même projet.XXXXX
Difficile de trouver des fonds appropriés pour la reprise collective : manque de capitaux de risque, montants offerts pas assez ou trop peu importants, des taux d’intérêt élevés et des moratoires trop courts.XXXXX

Pour ce qui est des éléments soulignés par plus d’un acteur, mais pas contredits par un autre, on retrouve les éléments suivants, tous liés au montage financier :

Tableau 5 – Éléments soulignés par les acteurs – financement


Acteur financier – économie socialeAccompagnateur – économie socialeActeur financier classique localReprésentant public (MRC)Repreneur
Absence d’expertise sectorielle dans les divers écosystèmesX
X
X
Mauvaise compréhension du plan d’affaires au regard des contraintes des bailleurs de fonds, ce qui a occasionné une charge importante pour le repreneur afin de le défendreXX

X
Lenteur de la réalisation du montage financierXXX
X
Très nombreux allers-retours entre acteurs financiers mettent en péril le montage, tout en remettant en question le plan d’affaires.XX

X
Avoir beaucoup de partenaires financiers complexifie le montage alors que les délais sont courts.XXX
X
Partager le risque entre plusieurs acteurs financiers permet de boucler le montage.XXX

Conflits entre acteurs financiers créent d’importants problèmes dans le montage, notamment dans l’évaluation du projet et dans les produits financiers proposés.XX


Analyses défavorables (mais qualifiées d’injustes) des acteurs financiers en conflit et s’étant désistés ont permis de faire baisser le prix de vente.
X


Asymétrie d’informations entre les acteurs présents (repreneurs et les divers bailleurs de fonds).X



Enfin, pour ce qui est des dissensions et désaccords, de nombreux éléments émergent, ils sont présentés dans les tableaux suivants :

Tableau 6 – Dissension no 1 – rôle de la MRC



Acteur financier – économie socialeAccompagnateur en économie socialeActeur financier classique localReprésentant public (MRC)Repreneur
Affirmation 1
Appui des élus ou de la MRC et rôle important dans la reprise.
XXXX
Affirmation 2Appui bénéfique, mais tardif de l’acteur public dans les négociations et le montage financier.X



Tableau 7 – Dissension no 2 – réglementation



Acteur financier – économie socialeAccompagnateur en économie socialeActeur financier classique localReprésentant public (MRC)Repreneur
Affirmation 1
Faciliter la reprise en étant transparent pour ce qui est de la réglementation et des permis.


X
Affirmation 2Délais pour la réglementation, le zonage et les coûts associés.X



Tableau 8 – Dissension no 3 – prise de risque financière du promoteur



Acteur financier – économie socialeAccompagnateur en économie socialeActeur financier classique localReprésentant public (MRC)Repreneur
Affirmation 1
Aucun engagement financier des individus, les acteurs financiers ont besoin d’une garantie (probablement le seul acteur qui peut offrir ce type de garantie est gouvernemental).
X


Affirmation 2Investissement personnel important de la part des repreneurs, les repreneurs procèdent au rachat avant d’avoir reçu tous les fonds des acteurs financiers, les parts permettent aux parties prenantes de contribuer au financement.X



Tableau 9 – Dissension no 4 – particularités du financement d’une entreprise d’économie sociale



Acteur financier – économie socialeAccompagnateur en économie socialeActeur financier classique localReprésentant public (MRC)Repreneur
Affirmation 1
D’une région à l’autre, l’économie sociale est moins bien maîtrisée, les acteurs financiers vont proposer des produits inadéquats ou trop risqués.

X

Affirmation 2Critères de financement similaires pour SPA et EÉSX



Dans cette phase de la reprise, les acteurs rencontrés nous offrent une lecture partielle de cette étape. C’est principalement le repreneur, l’accompagnateur en économie sociale et, dans une moindre mesure, l’acteur financier en économie sociale qui abordent les enjeux de cette phase, l’acteur financier classique ne s’étant pas prononcé. Autant le repreneur que l’accompagnateur relèvent le défi qu’est le manque de ressources humaines, en effet, l’ensemble des activités de l’entreprise sont assurées par une très petite équipe de trois personnes, et malgré la ténacité du promoteur, un risque d’essoufflement est identifié par ces deux acteurs. La révision du modèle d’affaires proposée par les repreneurs permet d’aller chercher plus de revenus et malgré les risques rattachés à cette expansion de l’entreprise, tous soulignent le fait qu’emprunter cette voie a permis de solidifier l’entreprise.

Pour ce qui est de qualifier la logique dans laquelle s’inscrit ce cas de reprise, tous les acteurs ont une représentation uniforme de la reprise, en effet, ils notent tous que l’objectif premier est de conserver l’entreprise sur le territoire, surtout considérant que le départ à la retraite de l’entrepreneure pilotant cette entreprise était connu depuis des années.

3.1 Conclusion – étude de cas

L’élément principal qui émerge de cette étude de cas et des analyses effectuées par le biais des regards croisés de cinq acteurs impliqués est que la phase de la négociation, et plus spécifiquement la mise sur pied d’un montage financier complexe est l’étape la plus délicate du processus de reprise. L’arrimage entre divers types de fonds et acteurs financiers, les allers-retours incessants entre le cédant et les comités chargés d’évaluer le dossier et de proposer des solutions de financement, les accords et désaccords entre ces différents bailleurs de fonds ainsi que les importants efforts consentis par certains acteurs (principalement, le repreneur et l’acteur financier en économie sociale) marquent ce cas. En reprenant l’ensemble de ces éléments, on voit émerger une représentation relativement similaire de l’entreprise à céder (une entreprise importante pour la région, mais qui connait des difficultés financières), des repreneurs (promoteur motivé et compétent) et de l’entreprise après la reprise.

C’est donc lorsqu’il est question de la phase de négociations et plus particulièrement du montage financier qu’émergent des lectures différentes de la reprise. Ce cas et l’analyse réalisée permettent de mieux saisir cette phase délicate, comme en témoignent les représentations variées des enjeux identifiés par les participants. Ceci étant dit, deux consensus peuvent être identifiés, soit la complexité du montage financier lorsqu’il implique de nombreux acteurs subventionnaires et prêteurs ainsi que la difficulté à trouver les fonds appropriés pour boucler le montage financier de cette reprise collective.

Du côté des désaccords et dissensions, on voit surtout émerger deux tensions, une reliée au rôle des acteurs dans le processus de reprise et l’autre à la mécompréhension du financement d’un projet de reprise en économie sociale. Si le premier point est en partie dû à la posture subjective des acteurs interviewés, il permet quand même de comprendre que les perceptions des acteurs sont différentes et vont varier en fonction de leurs positions. Pour le repreneur et un des acteurs de soutien, il aurait été préférable que la MRC soit partie prenante du projet plus tôt dans le processus, alors que pour le représentant de la MRC, cette dernière s’est impliquée au moment opportun.

La seconde tension est plutôt liée aux modes possibles de reprise, d’un côté la reprise classique et de l’autre, la reprise en économie sociale. Alors que le représentant de la MRC et l’acteur financier classique affirment ne pas avoir de préférence particulière pour l’un ou l’autre des types de reprise, les acteurs en économie sociale soulignent les avantages de la reprise collective par rapport à la reprise classique. L’enjeu majeur lié à cette tension est la potentielle inadéquation des produits financiers des critères de financement des acteurs financiers classiques, leur mécompréhension des enjeux spécifiques aux entreprises d’économie sociale et surtout, les efforts importants que doivent déployer les acteurs de l’économie sociale (repreneurs, accompagnateurs et financiers) pour convaincre ou adapter les propositions faites par les acteurs financiers classiques. Considérant, de plus, l’inégalité des ressources entre les différentes régions du Québec, on perçoit, dans cet enjeu, un rôle important pour les acteurs de l’économie sociale, soit celui de ressource pivot pouvant mieux orienter les repreneurs tout en les soutenant dans les relations et négociations entre les divers acteurs financiers mobilisables dans un projet de reprise.

L’accompagnement

Les acteurs de soutien : enjeux, leviers et freins

La reprise collective est un processus qui implique la présence d’un collectif, ce collectif n’est cependant pas suffisant pour mener à bien un projet de reprise, la présence d’acteurs de soutien et de diverses organisations pouvant accompagner ou orienter les acteurs de la reprise est un facteur important dans tout type de processus entrepreneurial et la reprise collective n’y échappe pas. Par le biais des entretiens réalisés, nous avons pu identifier cinq catégories d’acteurs de soutien, présentées dans la liste ci-bas. Dépendamment du contexte et de leurs interventions, certains sont décrits comme étant efficaces et soutenants par les repreneurs alors que d’autres sont, au contraire, perçus comme des obstacles. Cette section, basée sur les entretiens réalisés auprès des dix repreneurs et des neuf acteurs de soutien explore donc les enjeux liés aux types d’acteurs de soutien. Enfin, la conclusion de cette section reprend les leviers et freins identifiés dans les cas de reprise et dans les entretiens avec les acteurs de soutien afin de voir quels rôles peuvent jouer ces derniers pour mieux accompagner les repreneurs.

Les types d’acteurs de soutiens identifiés:

  • Soutien et expertise en transfert d’entreprises
  • Soutien et expertise en économie sociale
  • Soutien et expertise liés aux secteurs d’activités
  • Expertise légale, fiscale
  • Soutien politique
  • Financement

Des acteurs de soutien détenant une expertise spécifique en reprise collective ont été mobilisés par certains repreneurs. Cette expertise est, selon certains repreneurs, importante pour mener à bien un projet de reprise. On relève, dans les acteurs de soutien détenant une expertise spécifique en reprise d’entreprise, des organisations telles que le CTEQ.

Avec le Centre de Transfert d’Entreprise du Québec, qui a été d’une aide extraordinaire, je ne vois pas comment quelqu’un peut travailler sans passer par le centre de transfert. C’est se priver de l’outil le plus important que l’on a au Québec. À moins que je me trompe? Est-ce que y en a d’autres je ne le sais pas? Mais les gens du Centre de transfert sont des gens dévoués et des gens qui aident réellement. Avec eux, ça m’a permis de voir quelles sont les opportunités, les façons de faire.

Ceci étant dit, d’autres repreneurs n’ont pas eu recours à ce type de soutien lié au processus de reprise. Certains repreneurs ont une bonne expérience en reprise d’entreprises, parfois ce sont des repreneurs en série, ils ont une connaissance suffisante des enjeux de la reprise collective pour piloter ces processus sans soutien externe. On retrouve d’ailleurs, dans cette catégorie, les repreneurs qui financent eux-mêmes le rachat d’entreprise, sans recourir aux prêts d’institutions bancaires pour procéder à ces acquisitions. Ici, nous nous situons plus dans une logique d’autarcie pour ce qui est du recours à l’expertise et au soutien.

Des acteurs de soutien spécifiquement liés à l’économie sociale ont aussi été mobilisés par des repreneurs, comme la CDRQ, des fédérations de coopératives ou encore des acteurs ayant développé une expertise en économie sociale, comme certaines antennes de PME-Montréal. Les repreneurs cherchent à trouver une expertise endogène spécifique sur la reprise collective. Force est cependant de constater que ces ressources sont à géométrie variable selon les régions et les secteurs d’activités. Lorsqu’elles sont disponibles, leur soutien est précieux, car l’acteur connait bien les enjeux auxquels font face les entreprises d’économie sociale. À cet égard, on relève une présence marquée d’acteurs coopératifs, ces derniers semblent, principalement dans le cas de la CDRQ et des fédérations, être dotés d’outils efficaces pour orienter et soutenir les repreneurs, ce qui semble moins présent pour les reprises en mode OBNL. Comme en témoigne l’extrait suivant, représentatif de plusieurs expériences de reprise d’entreprises par des coopératives, le soutien dont peuvent bénéficiers certaines coopératives semble être un important facteur de succès :

Auprès de la CDRQ on a un service exceptionnel. Super suivi. C’est plus au niveau de la forme légale. C’était particulier une coopérative. Ils nous ont vraiment bien guidés, pour pas que l’on fasse de faux pas. On pouvait l’appeler n’importe quand, la personne qui s’occupait de notre dossier vraiment encore aujourd’hui il assiste à tous nos CA.

Ce soutien est particulièrement important pour les repreneurs qui se lancent dans leur première aventure en économie sociale, de nombreux apprentissages nécessaires sont importants pour le repreneur : la vie démocratique, la gouvernance, les parts, la gestion des surplus, etc. Une des formes de soutien les plus pertinentes est celle provenant d’un acteur ayant à la fois une connaissance fine des enjeux liés à la forme juridique et au secteur d’activités. Ces acteurs sont relativement rares, ce sont surtout des fédérations de coopératives qui ont déjà accompagné des projets de reprise similaire et qui peuvent donc transférer leur expérience et leurs connaissances au repreneur. Cependant, combiner ces deux éléments, connaissance du secteur d’activités et de l’économie sociale, ne garantit pas un soutien adéquat. En effet d’autres éléments ont un impact sur la qualité de l’accompagnement, si l’accompagnateur n’a soutenu que des projets de reprise plus importants, il peut avoir de la difficulté à s’adapter aux particularités et enjeux de projets de reprise plus modestes. Enfin, il est important de souligner que les acteurs de soutien possédants cette double expertise sont rares.

L’accompagnement par des acteurs de soutien liés au secteur d’activités est qualifié d’important par plusieurs repreneurs. Ces ressources sont parfois rattachées à l’écosystème de soutien de l’économie sociale, mais sont parfois aussi reliées à celui de l’entreprise privée classique. Des repreneurs soulignent l’importance de ce type de soutien, considérant la spécificité des enjeux liés à chaque secteur d’activité.

Cette expertise est essentielle, particulièrement pour les collectifs de repreneurs disposant de peu d’expérience dans le secteur d’activité et pilotant des entreprises de petite taille n’ayant pas suffisamment de ressources internes pour couvrir tous les aspects de la reprise et de la gestion d’une entreprise. En effet, lorsque, par exemple, une communauté se mobilise pour racheter une entreprise offrant des services de proximité, elle nécessite des appuis pour mener à bien les premières étapes de la reprise, mais surtout pour assurer la pérennité de l’entreprise, en la mettant à jour et en modernisant ses pratiques, par exemple, en informatisant la gestion des stocks et des ventes, ou encore la gestion des ressources humaines :

Une chance. Ils sont arrivés mi-novembre pour mettre en place, ils ont tout refait l’aménagement de [l’entreprise]. Ils ont passé deux semaines à réaménager [l’entreprise], former le personnel, tout [informatiser l’entreprise]. On a vraiment eu un service hors pair avec eux.

Des repreneurs affirment que sans ce type de soutien et d’expertise sectorielle, la rentabilité ne serait possiblement pas au rendez-vous, ce qui risque de diminuer les chances de survie de l’entreprise. Alors que parfois des ressources de soutien sectorielles sont disponibles en économie sociale, elles ne sont pas toujours les plus adaptées et pertinentes, un acteur de soutien sectoriel à l’entreprise privée, qui est plus habituée d’accompagner des petites entreprises peut être plus adéquat que celui lié à l’économie sociale, mais spécialisé dans l’accompagnement d’EÉS de plus grandes tailles. Ces acteurs d’accompagnement sectoriel sont rares en économie sociale, il est difficile d’en trouver.

Pour contourner ces types d’enjeux, le non-recours aux ressources d’accompagnement sectorielles dans les petites et moyennes entreprises d’économie sociale est aussi présent dans le discours des repreneurs. Certains préfèrent développer cette expertise à l’interne, souvent en s’appuyant sur le transfert de connaissances du cédant ou de ses employés. Les raisons invoquées sont surtout centrées autour du désir de développer l’autonomie, autrement dit, ces repreneurs souhaitent fonctionner dans une logique plus autarcique, qui est, selon eux et dans leur contexte spécifique, gage de pérennité.

Pour certaines plus grandes entreprises, notamment celles qui rachètent des entreprises dans des secteurs d’activités diversifiés, l’enjeu de l’accompagnement sectoriel est aussi présent. Premièrement, les entreprises qui s’engagent dans cette voie disposent parfois de ressources à l’interne pour piloter ce type de reprise, cependant, cette avenue peut être couteuse et mener à une certaine dispersion des efforts de l’EÉS pour pérenniser ses divers secteurs d’activités. Certains repreneurs choisissent donc de développer cette expertise à l’interne, par exemple en réduisant le nombre de secteurs d’activités où ils sont présents, ils vont donc reprendre des entreprises dans les secteurs où ils disposent de l’expertise nécessaire qu’ils ont donc intérêt à développer et maximiser.

L’autre stratégie pour ces grandes entreprises est d’aller chercher l’expertise à l’externe et se développer en ajoutant de nouveaux secteurs d’activités. Alors qu’il est pertinent de disposer des compétences à l’interne pour piloter une entreprise dans un nouveau secteur d’activités, développer cette expertise n’est pas toujours possible en recourant aux seules ressources internes de l’entreprise ou encore en mobilisant les connaissances du cédant, qui, par ailleurs, préfère parfois passer le relais rapidement. C’est dans ce cas de figure que les grandes entreprises vont aller chercher, dans l’écosystème de soutien, des expertises liées à ce secteur d’activité, généralement pour les développer dans l’entreprise reprise afin de la faire monter en compétences et lui assurer une certaine expertise et autonomie.

Les enjeux juridiques et fiscaux peuvent être nombreux dans le cadre de la reprise d’une société par actions par une entreprise d’économie sociale. La taille de l’entreprise cédée ou du repreneur semble être un facteur important, lorsque la taille est grande, le repreneur doit s’assurer du respect des règles fiscales, complexes lorsqu’il est question de la transformation d’une société par actions en entreprise collective. À cet égard, un repreneur indique que les ressources juridiques détenant une expertise spécifique sur la reprise d’entreprise et sur les enjeux en économie sociale sont rares, mais essentielles à une reprise réussie :

[…]la firme d’avocats spécialisée en droit commercial qui nous a aidé à modifier la structure et établir le calendrier ou la façon de faire la transformation parce qu’il y a des étapes particulières à respecter pour bien faire les choses fiscalement parlant et légalement parlant […].

En dehors du milieu coopératif, ces ressources semblent difficiles à trouver, à moins de pouvoir attirer un avocat sur le CA, les ressources financières manquent à de nombreux repreneurs pour bénéficier d’une telle expertise. Ce qui veut donc dire que la majorité des avocats et fiscalistes impliqués dans les cas de reprise étudiés agissent bénévolement en s’impliquant sur les conseils d’administration. Ceci étant dit, certains repreneurs disposant de moyens financiers plus importants ont fait affaire avec de grands cabinets d’avocats. Malgré le fait que ces derniers sont surtout mobilisés par l’entreprise privée, leur connaissance fine des sociétés par actions combinée à une expertise suffisante sur les coopératives ou les OBNL leur ont permis de poser un diagnostic juste et de proposer des pistes d’action permettant d’éviter certaines charges fiscales.

Les relations avec les élus et les pouvoirs publics, notamment les ministères sont complexes. Parfois elles vont faciliter la reprise, mais d’autres fois elles peuvent être un obstacle important au projet de reprise. L’enjeu majeur ici est le fait que les repreneurs ont peu de contrôle sur ce facteur. En effet, plusieurs repreneurs affirment avoir reçu un soutien important et apprécié d’élus, mais que ce soutien semble avoir été obtenu grâce à une certaine part de chance, une rencontre fortuite dans un évènement ou encore un élu interpellé dans une conférence de presse. Paradoxalement, toujours selon plusieurs repreneurs, ce soutien est souvent un élément déclencheur important qui permet de faire avancer le projet de reprise significativement, notamment en s’assurant que les demandes faites aux divers ministères, municipalités ou autres instances règlementaires soient accélérées ou, à tout le moins, ne soient pas ralenties :

[…] je me suis glissé dans une conférence de presse à l’oreille (d’un élu provincial), il faisait une conférence de presse au mois de juillet avec les personnes […] c’était une espèce de rencontre pour dire qu’on vient d’être élus la et on va être avec vous autres et on va vous aider, si vous avez quoi que ce soit c’est moi qui est en charge de [la région] alors je me glisse et je lui glisse à son oreille est-ce que j’ai bien fait de pas vous posez la question, j’avais l’impression que je pouvais vous mettre dans le trouble que actuelle notre entreprise on ne peut pas avancer parce que [un] ministère nous met des bâtons dans les roues. Je suis content que tu ne l’aies pas posé il dit le gars qui est là ça c’est mon adjoint, c’est mon bras droit. Tu vas lui soumettre ton projet. C’était le vendredi. […] La semaine après nous étions assis une dizaine autour de la table, trois-quatre du ministère, des gens de la MRC, des gens de la ville, moi, un partenaire, et on réglait le problème.

Afin d’illustrer l’importance de ce type de soutien, plusieurs repreneurs affirment que l’aide d’un élu pour appuyer un projet est parfois même essentielle à son succès, sans ce type de soutien, la reprise n’aurait peut-être pas abouti. Pour des entreprises fortement ancrées dans leurs communautés, ce type d’appui est d’autant plus important.

Les relations avec les élus ne sont toutefois pas toujours faciles. D’une part, les rencontres avec ces derniers ne sont pas faciles à planifier et à concrétiser. Une partie des appuis que les repreneurs ont pu aller chercher semble en partie due au hasard, comme le cas d’un citoyen impliqué dans sa communauté et voulant sauver une entreprise offrant des services de proximité qui croise un élu et l’interpelle, ce qui aide le projet, mais que se serait-il passé si cette rencontre fortuite n’avait pas eu lieu ?

Un autre enjeu lié aux relations avec les élus est l’instabilité des relations développées, car toujours soumises aux cycles des élections. En effet, les élus favorables au projet peuvent perdre leurs élections et être remplacés par un autre élu qui, sans remettre en question le projet, peut avoir d’autres priorités et ne plus appuyer le projet. Toujours dans la même veine, et plus particulièrement en région, les relations avec ces élus peuvent même avoir un effet particulièrement délétère sur le processus de reprise. En effet, si un nouvel élu est en brouille avec le repreneur ou un membre de son entourage, il peut, au lieu de jouer le rôle de facilitateur, appliquer les règles d’une telle façon que le projet de reprise risque d’échouer ou encore rencontrer d’importantes difficultés, notamment financières.

La dernière catégorie d’acteurs de soutien présentée dans cette section est celle des organisations proposant divers produits ou programmes de financement. Ces acteurs de financement peuvent être liés à l’économie sociale, à l’économie classique ou encore à des ministères. Les montants des rachats sont variés, mais deux types de montages financiers ont émergé de l’analyse, le montage simple et la mobilisation de fonds propres et le montage financier complexe, c’est dans ce deuxième cas de figure que le rôle des acteurs de financement est le plus important. Les enjeux de financement sont nombreux. Du côté des produits financiers de l’économie sociale, plusieurs repreneurs soulignent la pertinence de ces derniers, dans un univers économique où l’entreprise privée peut accéder à de nombreux produits financiers, il est important que des solutions de financement adaptées aux réalités des entreprises d’économie sociale et portées par des professionnels qui comprennent ce type d’entreprises soient disponibles. Cependant, des repreneurs relèvent que ces produits ne sont pas toujours adaptés, d’une part, les montants ne sont pas toujours suffisants et, d’autre part, il peut être relativement difficile de les arrimer aux autres sources de financement. Ces autres sources de financement sont également importantes, mais vont aussi être à la source de nombreux défis pour les repreneurs.

Du côté des acteurs financiers classiques, la compréhension des façons de faire de l’économie sociale est souvent lacunaire, s’il est possible de tomber sur un acteur qui possède suffisamment de connaissances sur les EÉS pour proposer des options de financement adéquates, rien ne garantit que ce sera bien le cas. Ces acteurs financiers vont parfois remettre en question le plan d’affaires de l’entreprise, même si ce dernier est adéquat en économie sociale. Ils vont aussi demander des garanties importantes, parfois pour contrebalancer ce qu’ils estiment être une prise de risque minimale par les promoteurs, car ces derniers ne sont pas actionnaires comme dans une société par actions.

Les subventions sont particulièrement utiles pour de nombreuses entreprises et plus particulièrement pour celles qui œuvrent dans des secteurs d’activités où ces pratiques sont courantes, notamment la culture. Ces subventions sont cependant souvent difficiles à obtenir, elles sont aussi soumises aux cycles des élections et des changements de priorités des gouvernements, autrement dit, s’appuyer sur ce type de financement est risqué. Enfin, les repreneurs doivent parfois adapter leurs activités et projets pour correspondre aux critères de ces subventions, ce qui est lourd à porter pour des repreneurs surchargés par la gestion de la reprise et par la rédaction des demandes de subventions souvent complexes à élaborer.

4.1 Freins à la relève collective et rôles des acteurs de soutien

Tableau 10 – 1er regroupement de freins – stratégies d’acquisitions risquées et attentes de rendement irréalistes liées à la reprise collective?
Freins relevés dans les entretiensRôle des acteurs de soutien
Avoir des attentes trop élevées, penser faire des profits rapidement est dangereuxSensibiliser les repreneurs sur la pertinence du modèle de l’ÉS
S’étendre dans des secteurs trop éloignés de l’expertise de l’entreprise repreneuse est risqué et peut mener à d’importantes difficultés financièresAccompagner le repreneur dans l’élaboration de stratégies de croissance/d’acquisitions
Tableau 11 – 2e regroupement de freins – évaluation de l’entreprise cédée et des investissements nécessaires post-reprise
Freins relevés dans les entretiensRôle des acteurs de soutien
Surévaluation de la valeur de l’entreprise cédée, faire trop confiance au cédant (risque de surpayer pour l’entreprise et risque d’étirer les négociations)Appuyer le repreneur dans l’évaluation du prix de vente de l’entreprise et dans ses négociations avec le cédant Conseiller le repreneur dans l’élaboration du plan d’affaires post-reprise, notamment pour ce qui est des investissements nécessaires et de la révision des pratiques de gestion
La reprise d’une entreprise en difficulté nécessite l’injection de fonds supplémentaires après la reprise pour la mise à jour des actifs, processus de gestion, etc.Conseiller le repreneur dans l’élaboration du plan d’affaires post-reprise, notamment pour ce qui est des investissements nécessaires et de la révision des pratiques de gestion
Dans le cas de la reprise d’une entreprise en difficulté, difficile d’établir le montant des dépenses nécessaires avant le rachat des actifs, notamment pour leur mise à jour.
Difficile de faire face à la forte concurrence de l’entreprise privée dans des secteurs attrayants et rentables.Aucun rôle
Tableau 12 – 3e regroupement de freins – difficulté à compléter le montage financier
Freins relevés dans les entretiensRôle des acteurs de soutien
Difficulté à lever rapidement les fonds pour compléter le montage financier lorsque ce dernier n’est pas uniquement fait sur fonds propresOrienter les repreneurs dans l’éventail et les choix de produits financiers, les mieux placés pour faire appuyer le repreneur doivent avoir une bonne connaissance des produits financiers disponibles dans chaque région et en ÉS Outiller le repreneur afin qu’il puisse défendre son projet devant les institutions financières classiques
Difficile relation avec les institutions financières classiques qui ne comprennent pas les produits financiers des acteurs de soutien de l’économie sociale 
Difficulté à trouver des produits financiers proposant des montants importants pilotés par des organisations qui comprennent les enjeux des EÉSOrienter le repreneur dans sa recherche de produits financiers adaptés
Difficile arrimage des subventions sectorielles provenant des ministères appropriés Aucun rôle
Tableau 13 – 4e regroupement de freins- craintes liés aux parties prenantes et à la gouvernance
Freins relevés dans les entretiensRôle des acteurs de soutien
Craintes des membres quant à l’augmentation des coûts des servicesSoutenir le repreneur dans la mise en place d’une gouvernance démocratique, lui donner accès à des outils
Mécompréhension des membres et clients quant à la pertinence de mutualiser par la reprise et la fusion 
Difficile de recréer le sentiment d’appartenance pour les clients, membres et administrateurs attachés à l’entreprise cédéeDonner accès à des ressources et outils pour mettre sur pied la gouvernance et revoir la gestion des RH
Le temps nécessaire à l’intégration de toutes les parties prenantes peut être long et requérir des efforts importants. Rassurer le repreneur et l’outiller afin qu’il puisse mieux gérer les diverses parties prenantes

Hors processus

Tableau 14 – 4e regroupement de freins – accompagnement inadapté, inexistant ou difficile à trouver
Freins relevés dans les entretiensRôle des acteurs de soutien
Écosystème de soutien fragmenté, difficile de s’y retrouver en l’absence d’un guichet unique
Guider les repreneurs dans les divers écosystèmes de soutien et réseaux, offrir un éventail d’options et être prêts à réajuster le tir si une ressource ne convient pas
Soutenir les repreneurs dans le choix des administrateurs
Mécompréhension des pratiques d’affaires et de marketing par les experts œuvrant dans l’écosystème de soutien aux SPA
Changements fréquents de répondants dans les organisations dédiées au soutien des entreprises de l’économie sociale
Difficile compréhension des enjeux propres à l’économie sociale et des solutions potentielles ou des pistes de développement pour des administrateurs issu du milieu de l’entrepreneuriat classique.

4.2 Leviers à la relève collective et rôle des accompagnateurs

Afin de mettre en relation les freins et leviers de la reprise de même que les rôles possibles des acteurs de soutien pour renforcer ces leviers ou diminuer l’impact de ces freins, les tableaux qui suivent reprennent les leviers et freins identifiés dans les entretiens réalisés auprès des repreneurs et des acteurs de soutien tout en proposant des pistes d’actions potentielles pour ces derniers.

Tableau 15 – 1er regroupement de leviers – bien choisir sa stratégie d’acquisition
Leviers relevés dans les entretiensRôle des acteurs de soutien
Impliquer les CA et les institutions financières dans la planification et la stratégie d’acquisition.Offrir du soutien pour aider les repreneurs dans leurs stratégies de reprise, autant pour ce qui est de la sélection des entreprises à reprendre que pour la planification de la reprise
Se développer à la hauteur de ses moyensInformer le repreneur sur la portion de fonds propres souhaitable pour une RC
Tableau 16 – 2e regroupement de leviers – l’injection de fonds propres et le recours aux dons
Leviers relevés dans les entretiensRôle des acteurs de soutien
Ancrage local fort permettant la collecte de fonds : implication de philanthropes et investissements d’entrepreneurs régionaux

Trouver des investisseurs externes ne souhaitant pas obtenir un retour sur leur investissement (au moins à court et à moyen terme)
Sensibiliser et former les repreneurs aux particularités des EÉS et leurs mécanismes de financement permettant la collecte de fonds propres (dons, obligations communautaires, parts).
Prévoir la nécessité d’une injection de fonds provenant des fondateurs dans le cas du démarrage d’une EÉS

Repreneurs patients, voire prêts à ne jamais récupérer leur investissement.
Sensibiliser les repreneurs au besoin d’une planification personnelle de leurs besoins financiers, en plus de ceux de l’entreprise.
Éviter de trop recourir aux prêts et se centrer sur les fonds propres pour réaliser des acquisitionsInformer le repreneur sur la portion de fonds propres souhaitable pour une RC
Repreneurs prêts à ne pas se verser de salaire dans les premiers mois d’opération.Orienter le repreneur vers des programmes de soutien aux repreneurs
Informer sur l’accessibilité des repreneurs à des programmes comme STA (soutien au travailleur autonome – subvention salariale) 
Tableau 17 – 3e regroupement de leviers – Attentes de rendements réalistes dans le cadre de reprises d’entreprises en difficultés
Leviers relevés dans les entretiensRôle des acteurs de soutien
Dans le cas d’une reprise d’entreprises en difficulté, prévoir la nécessite d’une injection de fonds supplémentaire après la reprise (mis à jour des actifs, processus de gestion, etc.)Soutenir le repreneur dans la mise en place du plan d’affaires, porter attention aux investissements subséquents nécessaires

Soutenir et outiller le repreneur en contrôle et suivi budgétaire.
Se donner des attentes réalistes en matière de profits et de rendement (engranger des profits/rendements rapidement est dangereux) Planifier à moyen et long terme : se laisser le temps de bien développer l’entreprise reprise 
Tableau 18 – 4e regroupement de leviers – accès aux produits financiers et subventions dédiés à l’ÉS
Leviers relevés dans les entretiensRôle des acteurs de soutien
Permets d’avoir accès à divers types de financements, de subventions, propres à l’économie sociale ou encore au secteur d’activités.Orienter les repreneurs dans l’éventail et les choix de produits financiers, pour offrir un appui pertinent, ces acteurs doivent avoir une bonne connaissance des produits financiers disponibles dans chaque région, pour le secteur d’activité et en ÉS

5e regroupement de leviers – communication, gouvernance et parties prenantes

Leviers relevés dans les entretiensRôle des acteurs de soutien
Prendre le temps de rassurer les parties prenantes (employés, clients)Soutenir le repreneur dans la gestion des RH, faciliter l’accès à des outils ou des experts
La connaissance des enjeux dus au fait de conserver et de mobiliser la même équipe aide à assurer la transition 
Assurer une communication fluide et transparente sur les objectifs et les moyens mis en place pour les atteindre entre l’équipe de repreneurs et celle de l’entreprise reprise 
Retenir l’équipe en place avant la reprise aide à assurer la transition 
Tableau 19 – 6e regroupement de leviers – mobiliser la communauté, les experts et les élus
Leviers relevés dans les entretiensRôle des acteurs de soutien
Accompagnement d’acteurs ayant une fine connaissance du secteur d’activités et de la forme juridique facilite toutes les étapes de la reprise.Informer et sensibiliser les repreneurs sur les règles et l’importance de la composition du CA
Aller chercher des administrateurs qui ont une fine connaissance des enjeux du secteur d’activités 
Conserver et développer les liens avec acteurs publics et organismes Faire participer la communauté au projetOrienter les repreneurs dans les divers mécanismes et outils de mobilisation des parties prenantes (gouvernance et membrariat, campagnes de sollicitation, collectes de fonds, consultation de la communauté, mise en contact avec acteurs pertinents)
Permets de mobiliser les citoyens autour de la sauvegarde d’une organisation offrant des services de proximité appréciés 
Soutien des acteurs politiques et efforts soutenus pour aller chercher ces appuis 
Implication du réseau personnel d’un des repreneurs pour soutien administratif 
Tableau 20 – 7e regroupement de leviers – développer des compétences
Leviers relevés dans les entretiensRôle des acteurs de soutien
Développer les compétences liées au secteur d’activités à l’interne, en s’appuyant sur divers types d’experts (cédant, acteurs de soutien œuvrant dans le même secteur d’activités, repreneur lui-même s’il dispose ces compétences)Identifier les faiblesses du repreneur et l’orienter, au besoin, vers les bons programmes de formation
Se former sur les aspects touchants la gestion de l’entreprise : finances, comptabilité, tenue de livres, TPS/TVQ, etc.
Disposer des compétences en gestion et en stratégie d’affaires pour être capable de rendre rentable une entreprise en difficultés

4.3 Synthèse des freins, leviers et rôles des acteurs de soutien

Basée sur les entretiens, nous avons identifié six catégories d’acteurs de soutien. Selon le contexte et les interventions réalisés, certains ont été décrits comme efficaces alors que d’autres sont perçus comme des comme peu aidants, voire nuisibles à certains moments ou certains égards.

  1. Soutien et expertise en transfert d’entreprises – peu d’acteurs identifiés
  2. Soutien et expertise en économie sociale – pas homogène en termes d’accès et d’expertise; précieuse lorsque existante, déficit pour les OBNL
  3. Soutien et expertise liés aux secteurs d’activités – essentielle, surtout pour les entreprises de petite taille (ressources $), mais difficile à trouver
  4. Expertise légale, fiscale – importante, mais essentielle dans le cas de création, de transformation ou de fusion
  5. Soutien politique – variable et pas toujours acquis, important en région
  6. Financement – ÉS : pertinents, mais pas toujours adaptés (montage, arrimage avec d’autres fonds), Classiques : lacunes en ÉS, Subventions : cycliques et lourdes

La perle rare – l’accompagnateur idéal recherché par les repreneurs collectifs

Tableau 21 – Synthèse des freins et rôles des acteurs soutien
FreinsRôle acteurs de soutien
Planifier des stratégies d’acquisitions risqués et se donner des attentes de rendement irréalistesAccompagner dans l’élaboration des stratégies de croissance/d’acquisitions Sensibiliser les acteurs en entrepreneuriat classique au modèle de l’ÉS
Mal évaluer la valeur de l’entreprise à acheter, ainsi que les investissements nécessaires post-repriseSoutenir et outiller dans : évaluation du prix de vente et négociations avec le cédant Conseiller dans : élaboration du plan d’affaires post-reprise (positionnement concurrentiel, investissements, pratiques de gestion, entre autres)
Ne pas s’informer sur les complexités du montage financier et les produits financiers disponiblesOrienter dans l’éventail et le choix de produits financiers : par région, secteur d’activité et forme juridique. Soutenir, former et outiller le repreneur dans la présentation du projet devant les institutions financières classiques.
Efforts et temps consentis pour répondre aux craintes liées aux parties prenantes et à la gouvernanceSoutenir et outiller dans la mise en place d’une gouvernance démocratique, une politique des RH et de gestion de plaintes, ainsi qu’en communication avec les parties prenantes.
Ne pas avoir accès à un accompagnement de qualité (inadapté ou inexistant)Assurer la présence de soutien dans toutes les régions Guider dans les divers écosystèmes de soutien et réseaux Offrir des options et réajuster le tir si une ressource ne convient pas
Tableau 22 – Synthèse des leviers et rôles des acteurs soutien

Synthèse des freins et rôles des acteurs soutien

LeviersRôle acteurs de soutien
Bien choisir la stratégie d’acquisitionOutiller dans la sélection des entreprises Soutien en planification de la reprise Information sur la proportion de fonds propres souhaitable à la RC
Injecter des fonds propres et recourir aux donsSensibiliser et former sur : particularités de l’ÉS, mécanismes de financement permettant la collecte de fonds propres, importance d’une planification financière personnelle en plus de l’EÉS et programmes de soutien (ex. STA) pour les repreneurs, entre autres.
Se donner des attentes de rendement réalistes lors d’une repriseSoutenir et outiller dans : la rédaction d’un plan d’affaires, la planification financière et le contrôle et suivi budgétaire
Avoir accès aux produits financiers et subventions dédiés à l’ÉSOrienter dans l’éventail et les choix de produits financiers : disponibles dans chaque région, par secteur d’activité et en ÉS
Développer de compétences en : communication, gouvernance et relations avec les parties prenantesInformer et sensibiliser sur : cadre juridique (coop et OBN), rédaction règlements, composition du CA et membrariat Soutenir et former en : communication, gestion des RH, gouvernance, négociation et représentation Faciliter l’accès à des outils ou à des experts
Développer de compétences pour mobiliser la communauté, des experts et les élusSoutenir et former en : marketing social, négociation et représentation politique Orienter vers mécanismes et outils de mobilisation des parties prenantes (gouvernance et membrariat, campagnes de sollicitation, collectes de fonds, consultation de la communauté, mise en contact avec acteurs pertinents)
Développer des compétences à l’interneOrienter et outiller l’entrepreneur : analyse FFOM, programmes de formation, mobilisation d’experts et transfert d’expertise

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