Regards croisés sur un cas de reprise collective et le soutien
Dans le contexte de cette étude, un cas de reprise a été sélectionné afin d’être documenté de façon approfondie. Pour ce faire, un repreneur et quatre accompagnateurs ont été rencontrés dans le cadre d’entretiens semi-dirigés portant spécifiquement sur ce cas. L’analyse reprend les divers thèmes utilisés pour analyser la reprise collective d’une entreprise tout au long de cette étude. Un constat important émerge de l’analyse de cette étude de cas, les acteurs de soutien ont une vision relativement uniforme de plusieurs phases du processus de reprise. La phase où d’importantes divergences apparaissent est celle de la négociation et plus particulièrement le défi de la réalisation du montage financier nécessaire pour mener à bien la reprise. C’est donc cette phase qui fait l’objet d’une analyse plus approfondie dans la présente étude de cas.
3.1 Conclusion – étude de cas
L’élément principal qui émerge de cette étude de cas et des analyses effectuées par le biais des regards croisés de cinq acteurs impliqués est que la phase de la négociation, et plus spécifiquement la mise sur pied d’un montage financier complexe est l’étape la plus délicate du processus de reprise. L’arrimage entre divers types de fonds et acteurs financiers, les allers-retours incessants entre le cédant et les comités chargés d’évaluer le dossier et de proposer des solutions de financement, les accords et désaccords entre ces différents bailleurs de fonds ainsi que les importants efforts consentis par certains acteurs (principalement, le repreneur et l’acteur financier en économie sociale) marquent ce cas. En reprenant l’ensemble de ces éléments, on voit émerger une représentation relativement similaire de l’entreprise à céder (une entreprise importante pour la région, mais qui connait des difficultés financières), des repreneurs (promoteur motivé et compétent) et de l’entreprise après la reprise.
C’est donc lorsqu’il est question de la phase de négociations et plus particulièrement du montage financier qu’émergent des lectures différentes de la reprise. Ce cas et l’analyse réalisée permettent de mieux saisir cette phase délicate, comme en témoignent les représentations variées des enjeux identifiés par les participants. Ceci étant dit, deux consensus peuvent être identifiés, soit la complexité du montage financier lorsqu’il implique de nombreux acteurs subventionnaires et prêteurs ainsi que la difficulté à trouver les fonds appropriés pour boucler le montage financier de cette reprise collective.
Du côté des désaccords et dissensions, on voit surtout émerger deux tensions, une reliée au rôle des acteurs dans le processus de reprise et l’autre à la mécompréhension du financement d’un projet de reprise en économie sociale. Si le premier point est en partie dû à la posture subjective des acteurs interviewés, il permet quand même de comprendre que les perceptions des acteurs sont différentes et vont varier en fonction de leurs positions. Pour le repreneur et un des acteurs de soutien, il aurait été préférable que la MRC soit partie prenante du projet plus tôt dans le processus, alors que pour le représentant de la MRC, cette dernière s’est impliquée au moment opportun.
La seconde tension est plutôt liée aux modes possibles de reprise, d’un côté la reprise classique et de l’autre, la reprise en économie sociale. Alors que le représentant de la MRC et l’acteur financier classique affirment ne pas avoir de préférence particulière pour l’un ou l’autre des types de reprise, les acteurs en économie sociale soulignent les avantages de la reprise collective par rapport à la reprise classique. L’enjeu majeur lié à cette tension est la potentielle inadéquation des produits financiers des critères de financement des acteurs financiers classiques, leur mécompréhension des enjeux spécifiques aux entreprises d’économie sociale et surtout, les efforts importants que doivent déployer les acteurs de l’économie sociale (repreneurs, accompagnateurs et financiers) pour convaincre ou adapter les propositions faites par les acteurs financiers classiques. Considérant, de plus, l’inégalité des ressources entre les différentes régions du Québec, on perçoit, dans cet enjeu, un rôle important pour les acteurs de l’économie sociale, soit celui de ressource pivot pouvant mieux orienter les repreneurs tout en les soutenant dans les relations et négociations entre les divers acteurs financiers mobilisables dans un projet de reprise.