Les résultats sont présentés ainsi:

  • La reprise vue par les repreneurs avec les séquences de reprise, les leviers et les freins identifiés
  • Les leviers et freins agrégés par thèmes et croisés avec les rôles potentiels des acteurs de soutien pour les renforcer ou les contourner
  • Les forces et faiblesses des divers types d’acteurs de soutien, tels que perçus par les repreneurs
  • L’étude de cas avec les regards croisés de différents acteurs de soutien à la reprise sur un processus de reprise collective

La reprise vue par les repreneurs

Afin de saisir les séquences que mobilisent les repreneurs dans le processus de reprise et les caractéristiques des entreprises impliquées (entreprises repreneuses et entreprises cédées), une série de variables a été mobilisée afin de décrire et analyser les cas de reprise. Pour l’analyse des données, les séquences ont donc été construites en mobilisant les variables suivantes :

  • Provenance du repreneur : interne ou externe à l’entreprise cédée
  • Entreprise repreneuse : créée pour la reprise ou existante antérieurement à la reprise
  • Montage financier : simple ou complexe
  • Santé financière de l’entreprise cédée : bonne ou mauvaise
  • Retombées de la reprise : sauvegarde/maintien ou développement

Les huit séquences de reprise présentées dans les pages suivantes sont donc construites autour de ces dimensions et leurs variables.

Rubriques par séquence

Description des repreneurs, de leurs entreprises, des motivations et objectifs de la reprise et des canaux de communication, si applicable, utilisés pour identifier l’entreprise à reprendre.

Description succincte de la situation et du contexte de l’entreprise cédée, sa viabilité, les motifs poussant le cédant à vendre son entreprise et le canal de diffusion utilisé, si c’est le cas, pour communiquer son désir de se départir de son entreprise.

Description, de la négociation autour de la reprise, du montant de la transaction et du montage financier.

Description de la reprise après le rachat, des relations avec les employés, clients et parties prenantes, des défis auxquels les repreneurs doivent faire face pour se saisir de l’entreprise.

Analyse de la situation de l’entreprise à la fin de la phase de transition et de management de la reprise, le repreneur est-il centré sur le développement de son entreprise est -il plutôt centré sur la sauvegarde de l’entreprise reprise?

Dans cette section sont répertoriés les facteurs de succès et obstacles à la reprise collective tels qu’identifiés par les repreneurs collectifs participants.

Description schématisée des principales étapes de la reprise collective pour les cas agrégées sous ce modèle.

2.1 Premier cas de figure 

Reprise externe, entité juridique créée pour la reprise, montage financier complexe, mauvaise santé financière de l’entreprise cédée, logique de sauvegarde

Le repreneur est externe, il n’était pas impliqué dans l’entreprise cédée. C’est la disparition prochaine de cette entreprise qui a entrainé la mobilisation de la communauté et d’un collectif de repreneurs. L’équipe de repreneurs bénéficie d’une gouvernance composée d’administrateurs connaissant les défis liés à la gestion d’une entreprise. Elle s’inscrit tout à fait dans l’esprit et les valeurs de l’économie sociale, soit la sauvegarde d’emplois et d’entreprises sur des territoires nécessitant ces produits et services.

Dans ce cas de reprise, on relève la présence d’une entreprise importante pour sa communauté, elle offre des produits et services de proximité qui permettent aux citoyens de ne pas avoir à se déplacer. Le désir de vendre du cédant est motivé par le souhait de prendre sa retraite tout en se constituant un petit fonds, mais il ne trouve pas facilement de repreneur. En effet, cette entreprise se situe dans une région où certains d’entreprise offrant des produits et services importants ont tendance à disparaitre, souvent en raison de l’absence de repreneurs. De plus, l’entreprise n’est pas très attractive, de nombreux éléments sont à corriger et à améliorer, notamment le bâtiment et le modèle de gestion (ressources humaines, stocks, ventes, finances, etc.).

Le montant nécessaire pour la reprise est relativement modeste, l’entreprise ayant de nombreux défis ce qui se répercute sur sa valeur. La reprise s’appuie sur une diversité d’outils financiers combinant prêts bancaires, recours aux produits des acteurs de la finance en économie sociale et enfin des subventions liées au secteur d’activités. Le montant demandé par le cédant a dû être revu à la baisse pour permettre au repreneur de compléter le montage financier, le cédant ayant tendance à surévaluer la valeur de son entreprise. Le repreneur a fait preuve de prudence en évaluant la valeur de cette dernière. Le montant de la reprise, excluant les investissements subséquents pour mettre à jour les actifs, est inférieur à cent mille dollars.

Après l’accord entre cédant et repreneur, la reprise de cette entreprise représente un certain défi. En effet, la santé financière de l’entreprise cédée n’était pas particulièrement bonne et elle faisait face à d’importants défis de gestion et d’obsolescence de certains de ses actifs, surtout ceux liés aux opérations et donc à la production et à la vente. Le repreneur a dû injecter des fonds, repenser les processus d’affaires, racheter des équipements, revoir la gestion des ressources humaines et embaucher du nouveau personnel, bref revoir l’ensemble du fonctionnement de l’entreprise reprise afin d’atteindre le point mort, pour ensuite dégager certains profits pouvant être réinvestis dans le développement de l’entreprise.

Pour ce cas de reprise, le repreneur doit rendre viable une entreprise qui fait face à des difficultés financières et de gestion. Ce cas est représentatif d’une logique de sauvegarde d’entreprise de proximité. Cependant, pour la sauvegarder, il ne faut pas sous-estimer l’effort important que le repreneur a dû fournir pour réinvestir dans les actifs matériels (bâtiment, informatisation de la gestion, matériel de production) et les ressources humaines afin de permettre une augmentation significative des activités marchandes. De plus, le repreneur a décidé de diversifier les produits afin de renforcer le modèle d’affaires relativement fragile de l’entreprise au moment de sa vente.

Leviers:

  • Développer les compétences liées au secteur d’activités à l’interne, en s’appuyant sur divers types d’experts (cédant, acteurs de soutien œuvrant dans le même secteur d’activités, mais aussi le repreneur lui-même s’il a ces compétences)
  • L’implication importante de la communauté, tant au niveau des dons que du bénévolat
  • Lever très rapidement les fonds nécessaires à la reprise

Freins:

  • Propriétaire de l’entreprise cédée surévalue la valeur de sa PME lors des négociations
    • Risque, pour le repreneur, de surpayer pour l’entreprise
    • Risque d’étirer les négociations, difficile de s’entendre sur un montant qui satisfait les deux parties
  • Difficulté à lever rapidement les fonds pour compléter le montage financier
  • Reprise d’entreprises en difficulté nécessite l’injection de fonds après la reprise, pour mettre à jour les actifs et les processus de gestion, investissement difficile pour des repreneurs peu fortunés

2.2 Deuxième cas de figure

Reprise externe, entité juridique créée pour la reprise, montage financier complexe, mauvaise santé financière de l’entreprise cédée, logique de sauvegarde

Le repreneur, externe à l’entreprise, a déjà un contact avec le cédant. Ce contact date cependant de plusieurs décennies. L’objectif du repreneur est de conserver l’entreprise sur le territoire. D’autres acheteurs pourraient, comme ils l’ont fait dans d’autres régions, racheter l’entreprise et la fermer dans une logique de consolidation. Le repreneur s’engage bénévolement dans le projet de reprise, il bénéficie de revenus liés à son dernier emploi qui lui permettent de consacrer du temps à la mise sur pied de la stratégie d’affaires sur laquelle repose le projet de reprise. Il connait bien le secteur d’activités, dans lequel il a d’ailleurs déjà œuvré, et dispose des compétences nécessaires pour mettre sur pied un plan d’affaires réalisable, mais ambitieux. Il explore les voies possibles à emprunter pour mener à bien le projet de reprise, c’est dans ce contexte qu’il entre en contact avec des acteurs de soutien en économie sociale et choisit de créer une entreprise d’économie sociale pour la reprise.

L’entreprise à céder œuvre dans un secteur d’activités difficile qui connait de nombreux bouleversements depuis les vingt dernières années. L’entreprise fait face à de nombreux défis, les installations et les équipements sont vétustes, les revenus sont faibles et l’entreprise survit principalement en raison des sacrifices faits par le cédant, il ne se verse pas de salaire, ce qui permet d’en équilibrer les finances. La communauté sait que le cédant souhaite prendre sa retraite et vendre l’entreprise afin de s’assurer des revenus.

L’entreprise était en mauvaise santé financière, mais le cédant souhaitait tout de même obtenir un montant assez substantiel pour assurer sa retraite, ce que remettent en question plusieurs bailleurs de fonds qui estiment que le prix de vente est trop élevé. Afin de contourner cet obstacle, le repreneur tente de faire baisser le prix de vente tout en convainquant les bailleurs de fonds qu’il est important de diversifier le modèle d’affaires de l’entreprise pour assurer sa pérennité. À cet égard, le repreneur mobilise les évaluations de la valeur de l’entreprise réalisées par les acteurs financiers pour faire baisser le prix de vente. Certains bailleurs de fonds remettent en question la stratégie de diversification, le repreneur comme plusieurs autres acteurs financiers qui croient au projet essaient de convaincre ces financiers réfractaires. Certains choisissent de se retirer du projet, le repreneur tente, avec l’appui d’un des bailleurs de fonds, de compléter le montage financier en allant chercher d’autres prêteurs, ce qu’il réussit après de nombreux efforts et négociations.

La plupart des opérations de gestion de l’entreprise étaient effectuées par le cédant. Le repreneur n’a donc pas eu à gérer des tensions du côté de la gestion, notamment des ressources humaines, les deux seuls employés décidant de rester en poste et de poursuivre l’aventure avec le repreneur, une connaissance du cédant. C’est du côté de l’injection de fonds dans l’entreprise servant à la diversification de ses activités que des défis émergent. Le repreneur doit négocier avec certaines instances réglementaires pour pouvoir mener à bien cette stratégie, ce qu’il réussit après des efforts soutenus et l’appui d’un acteur politique. Cette croissance créée aussi certains soucis pour l’entreprise, en effet, le repreneur ne se verse toujours pas de salaire, mais continue d’assurer plusieurs fonctions dans l’entreprise, notamment au niveau des opérations. Cependant, avec l’augmentation des revenus, cette situation devrait se résorber.

La reprise s’inscrit pleinement dans une logique de sauvegarde, l’entreprise aurait probablement été rachetée et fermée par un autre repreneur, ceux s’étant manifestés étant de grands groupes privés ayant procédé ainsi dans d’autres régions. L’objectif était donc de conserver l’entreprise sur le territoire, sa couleur locale, ses services de proximité et ses quelques employés. La sauvegarde de l’entreprise, dans ce cas de reprise, passe par la diversification des activités marchandes en diversifiant ses services dans un secteur d’activités connexe.

Leviers:

  • Bien évaluer la valeur de l’entreprise, ne pas craindre les négociations avec le cédant
  • Sans l’implication de deux acteurs financiers qui sont allez au-delà de leurs mandats, le projet aurait échoué
  • Repreneur dispose de fonds propres pour mener à bien le projet
  • Le repreneur a la possibilité de ne pas se verser de salaire avant que l’entreprise ait les reins assez solides pour le faire
  • Disposer des compétences en gestion et en stratégie d’affaires pour être capable de rendre rentable une entreprise en difficultés

Freins:

  • Difficile négociation du prix de vente avec le cédant
  • Nombreux allers-retours entre le repreneur et les acteurs financiers pour réaliser le montage financier et justifier la pertinence du plan d’affaires
  • Difficile coordination des acteurs financiers œuvrant dans divers réseaux
  • Relations difficiles avec les acteurs publics réglementaires

2.3 Troisième cas de figure

Reprise interne, entité juridique créée pour la reprise, montage financier complexe, mauvaise santé financière de l’entreprise cédée, logique de sauvegarde

Les repreneurs sont un collectif d’acteurs privés pilotant une SPA à forte vocation sociale. Avant la reprise, ils étaient tous actionnaires de l’entreprise en question. L’atteinte d’une rentabilité suffisante pour assurer sa pérennité est difficile, la principale option qui est de transformer l’entreprise afin d’en faire une entreprise d’économie sociale est entérinée par tous les actionnaires. Ils ont investi dans l’entreprise pour redonner à leur communauté, aucun d’entre eux, hormis les institutions financières qui sont créancières de premier rang, n’ayant l’attente de faire des profits ou d’obtenir un retour sur leurs investissements. L’important pour ces actionnaires est de ne pas perdre d’argent, d’éviter d’avoir à constamment à renflouer l’entreprise tout en lui permettant de poursuivre ses activités, son développement et sa mission sociale.

L’entreprise à céder faisait face à des difficultés, principalement financières, dans le contexte de relations difficiles avec les instances publiques et plus particulièrement en raison de charges fiscales liées à la réglementation et au statut juridique de société par actions. L’entreprise, centrée sur sa mission sociale, doit fréquemment mobiliser ses actionnaires, plusieurs d’entre eux étant des entrepreneurs ou acteurs fortunés de la région en question, pour injecter des fonds afin d’atteindre le point mort. Après de longues réflexions, la seule façon de rendre l’entreprise pérenne semble être de la transformer en entreprise d’économie sociale. L’objectif n’était pas de contourner la réglementation en vigueur, mais plutôt de bénéficier des mêmes allègements auxquels peuvent accéder des entreprises similaires œuvrant dans le même secteur d’activités, mais mobilisant un statut juridique collectif plutôt que celui de la société par actions.

La reprise est financée par des dons et par l’implication des actionnaires dans le montage financier. Des actionnaires et acteurs financiers aux moyens importants ont donc assuré l’injection de fonds pour soutenir la reprise et le développement de l’entreprise. Le montage a pu être complété par des emprunts auprès d’institutions financières classiques et l’appui d’un entrepreneur philanthrope qui a pu garantir ces emprunts en échange de visibilité. Le montant de la reprise, excluant les investissements subséquents pour mettre à jour les actifs, est légèrement supérieur à un million de dollars.

Après la transformation en entreprise d’économie sociale de la société par actions, peu d’enjeux surviennent. En effet, les difficultés vécues par la SPA étaient principalement d’ordre financier, la gouvernance comme la gestion étaient déjà efficaces avant la reprise. Du côté de l’équipe de gestion, qui dispose d’une solide expérience ayant piloté l’entreprise depuis plusieurs années sous forme de SPA, le fait qu’elle reste en poste permet d’assurer une continuité dans les processus et ainsi éviter les frictions au niveau, par exemple, des ressources humaines. Là où des défis subsistent, c’est du côté des relations avec les pouvoirs publics. Alors que la transformation en entreprise d’économie sociale laissait présager l’obtention d’exemptions fiscales de divers types, ce sont plutôt d’âpres luttes juridiques que l’entreprise d’économie sociale doit entreprendre pour les obtenir, ce qui met une pression financière relativement importante sur l’entreprise, entre autres pour embaucher des avocats. Elle a gagné sa cause, ce qui lui permet de bénéficier des allègements souhaités et ainsi, non seulement éviter la réinjection de fonds par les actionnaires, mais plutôt utiliser les profits pour effectuer des travaux et payer plus rapidement la dette. Le spectre d’une contestation de la décision des tribunaux plane cependant toujours sur l’entreprise. La reprise donne un nouveau souffle à l’entreprise qui peut alors se lancer dans le développement d’affaires, la signature de nouveaux contrats et l’investissement dans les installations.

Dans ce cas, on retrouve principalement une logique de sauvegarde. Dans un premier temps, il s’agit de maintien, des activités, des emplois et surtout des services qui sont, par ailleurs, fortement liés à la mission sociale. En effet, la société par actions manquait de revenus et ce sont les fondateurs qui, en y réinjectant des fonds, ont permis à cette dernière de poursuivre ses activités. La reprise et la transformation en entreprise d’économie sociale ont permis d’obtenir des allègements fiscaux qui, à leur tour, ont servi à l’entreprise de se maintenir en remboursant ses emprunts, mais aussi de se développer en réinvestissant les fonds libérés par ces allègements, au lieu de puiser dans les finances personnelles des fondateurs et actionnaires. Depuis, elle poursuit sur sa lancée et développe des contrats avec des institutions publiques.

Leviers:

  • Ancrage local fort, implication de philanthropes et investissement d’entrepreneurs régionaux ne souhaitant pas obtenir un retour sur leur investissement
  • Diminution de la charge salariale en recourant aux subventions dédiées aux entreprises d’économie sociale
  • Accès aux exemptions fiscales auxquelles les entreprises d’économie sociale ont accès
  • Connaissance des enjeux par les acteurs de l’entreprise qui restent en poste, ce qui aide à assurer la transition

Freins:

  • Difficiles relations avec le milieu politique, soumis aux aléas des changements de gouvernement et d’élus
  • EÉS n’ont pas accès à de nombreux avantages liés aux exemptions sur les charges récurrentes (taxes, électricité, etc.)
  • Importants montants qui ont dû être investis suite à la reprise, seulement possible si des gens fortunés sont prêts à ne pas recevoir de retour sur leurs investissements

2.4 Quatrième cas de figure

Reprise externe, entité juridique existante, montage financier complexe, bonne santé financière de l’entreprise cédée, logique de développement

Les repreneurs œuvrent dans une entreprise d’économie sociale qui a une mission sociale correspondant aux valeurs de responsabilité sociale de l’entreprise en vente. Ils disposent aussi de l’expertise pour piloter ce type d’entreprises, l’entreprise d’économie sociale est dans le même secteur d’activité que l’entreprise cédée. L’équipe de repreneurs est toujours à l’affut d’opportunités sur ce marché très actif et ils tentent, malgré la concurrence forte d’acteurs de l’entreprise privée, d’attirer des cédants avec leur mission sociale et leurs valeurs. Grâce à leur veille des occasions de rachat, ils identifient l’entreprise du cédant et le contactent afin de valider son intérêt pour une reprise collective. Le repreneur a déjà entrepris des démarches similaires dans d’autres projets, mais c’est cependant leur premier projet de reprise ayant une telle ampleur.

L’entreprise à céder vaut plusieurs dizaines de millions de dollars, malgré un montant de rachat important, elle est très attrayante pour d’éventuels repreneurs, car elle évolue dans un secteur d’activités où la compétition est forte et la rentabilité potentielle est élevée. Le cédant, avant même d’avoir indiqué son désir de vendre l’entreprise, est fréquemment contacté par des repreneurs lui faisant des offres d’achat. Le cédant a déjà un certain âge et souhaite passer le flambeau pour prendre sa retraite tout en permettant à son entreprise de poursuivre ses activités et surtout, en ne dénaturant pas sa forte responsabilité sociale. À la recherche de repreneurs potentiels, il indique son désir de vendre à certains acteurs de ce secteur d’activité, il reçoit de nombreuses offres provenant d’entrepreneurs classiques (des SPA), mais aucune ne le satisfait, car il craint la perte de la vocation de son entreprise. Il laisse donc son entreprise sur le marché.

Pour financer la reprise, le repreneur a dû fournir d’importants efforts afin d’établir des relations avec les nombreux bailleurs de fonds requis pour réunir le montant nécessaire (plusieurs dizaines de millions de dollars). Cet exercice, très énergivore, aurait pu mettre en péril, voire faire avorter, le projet de reprise. En effet, des nombreux allers-retours entre le cédant, le repreneur et les divers acteurs financiers ont ponctué les négociations au fur et à mesure qu’évoluaient le prix de vente et les conditions de financement. Le tout se déroulait dans un contexte où d’autres acheteurs se sont manifestés en proposant des offres d’achat plus importantes. Après de longues négociations, c’est finalement grâce aux valeurs portées par l’entreprise d’économie sociale que le cédant a accepté de baisser son prix demandé, ce qui a permis à l’entreprise d’économie sociale de compléter le montage financier.

Après la reprise, de nombreux défis subsistent. En effet, certaines pratiques doivent être revues, notamment les échelles salariales d’employés en postes depuis de nombreuses années. Les repreneurs choisissent donc de se faire appuyer par des experts externes qui permettent d’assurer une certaine neutralité dans le processus de révision. Un enjeu similaire émerge du côté des relations avec les clients, ce sont toutes des personnes à faibles revenus loyales à l’entreprise, elles craignent de voir les prix augmenter significativement. L’équipe doit donc déployer d’importants efforts pour mener à bon port la transition, ce qu’elle fait en embauchant une personne responsable de s’assurer que les préoccupations des clients soient prises en compte. D’importants investissements sont aussi nécessaires, les actifs ont un certain âge et leur ampleur fait en sorte que les travaux sont couteux. Par contre, en fusionnant la banque de fournisseurs du cédant et la sienne, le repreneur a pu mettre sur pied un répertoire de ressources plus importantes.

En ce qui concerne les retombées, on peut identifier une logique de développement. Avant cette reprise, l’entité juridique d’origine accompagnait des projets de reprise, mais ne reprenait pas d’entreprises en soi. De plus, après ce rachat, le repreneur a misé sur le développement des installations et l’ajout de services complémentaires offerts aux clients/usagers. Cependant, avant de pouvoir entreprendre ces travaux et ajouts aux services, il est important de souligner les efforts et investissements importants consentis pour rénover les actifs, rassurer les employés (un seul a quitté l’entreprise), et aussi les clients/usagers, fortement attachés aux valeurs sociales de l’entreprise cédée.

Leviers:

  • Œuvrer dans le même secteur d’activités que le cédant et avoir une certaine expérience en matière de reprise collective
  • Trouver un cédant aligné sur les valeurs de l’ÉS, notamment en raison d’une forte RSE dans une SPA, ce qui a permis de faire baisser le prix de vente
  • Prendre le temps de rassurer les parties prenantes (employés, clients)
  • Mobilisation de ressources externes et impartiales pour la révision de certains aspects de l’entreprise (échelles salariales)

Freins:

  • Lenteur et complexité des montages financiers importants peuvent faire avorter le projet de reprise
  • Difficile de trouver des produits financiers en économie sociale qui sont appropriés pour des projets d’une telle ampleur
  • Difficulté à trouver des produits financiers proposant des montants importants pilotés par des organisations qui comprennent les enjeux d’une EÉS
  • Temps nécessaire à l’intégration de toutes les parties prenantes requière des efforts importants
  • Difficile de faire face à la forte concurrence de l’entreprise privée dans des secteurs d’activités attrayants et rentables

2.5 Cinquième cas de figure

Reprise externe, entité juridique créée pour la reprise, montage financier complexe, mauvaise santé financière de l’entreprise cédée, logique de sauvegarde

Le collectif de repreneurs est externe. Issu de la communauté, il s’associe avec des personnes qui connaissent le secteur d’activités et ses enjeux, il dispose ainsi de l’expertise nécessaire pour piloter ce type d’entreprise. Afin de racheter l’entreprise, les repreneurs se mobilisent en créant une entité juridique collective qui reprendra le bâtiment et relancera les opérations. Le bâtiment et les équipements maintenant désuets ont besoin d’importantes rénovations, le défi est d’injecter des fonds importants pour les mettre aux normes afin de rendre possibles et rentables les opérations de l’entreprise. Le collectif s’adjoint des administrateurs importants et ayant une bonne crédibilité en économie sociale, dans le secteur d’activités et, plus largement, en entrepreneuriat.

L’entreprise à céder est déjà fermée et, avant sa fermeture, était en mauvaise santé financière. Elle œuvre dans un secteur d’activités en difficultés. Le propriétaire souhaite s’en départir parce qu’il estime difficile de la rentable. Le cédant cherche à se départir des actifs, dont le plus important est un bâtiment qui pourrait être repris par un repreneur œuvrant dans un tout autre secteur d’activités. En effet, le bâtiment est situé dans un secteur attractif et populeux. Le cédant ne tient pas particulièrement à la poursuite des activités et de la vocation des locaux est contacté par une entreprise classique (société par actions) œuvrant dans un tout autre secteur d’activités et ayant suffisamment de fonds pour procéder à un rachat rapide. C’est dans ce contexte que la communauté se mobilise pour éviter la perte de vocation du bâtiment et conserver le service de proximité.

Cette reprise a été financée à la fois par du soutien provenant de la communauté, c’est-à-dire des citoyens qui ont décidé de s’impliquer et d’appuyer le projet de reprise sans espérer un retour important sur leur investissement, mais aussi par des subventions et de la dette, provenant, en partie, des produits financiers de l’économie sociale. Le montant de la transaction ne touchait que le bâtiment et représentait quelques centaines de milliers de dollars. L’ajout de fonds supplémentaires pour la mise à jour du bâtiment, des équipements et la relance des opérations a fait augmenter significativement les coûts de la reprise qui dépassent le million de dollars. Le montage financier a été un exercice complexe, impliquant des relations avec diverses institutions financières (de l’économie sociale, mais aussi des institutions financières classiques), les pouvoirs publics et la communauté. Un des éléments importants de cette période de négociation est la relation avec les pouvoirs publics. En effet, c’est en partie grâce aux efforts des acteurs mobilisés dans ce projet de reprise que le repreneur a pu trouver des soutiens politiques nécessaires à la reprise.

Les enjeux de transition, particulièrement au niveau de la gouvernance et de la gestion, n’étaient pas présents, car l’entreprise était fermée et il ne s’agissait que du rachat de bâtiment. Certaines pratiques d’affaires, notamment de marketing, sont mal comprises par les bailleurs de fonds liés à l’entreprise classique. Le défi principal était la mise à niveau du bâtiment, la correction des problèmes trouvés par le repreneur lors des inspections et des travaux et l’instauration d’un nouveau mode de fonctionnement permettant à la nouvelle entité d’augmenter l’achalandage. Cette étape franchie, l’entreprise a pu engranger des revenus intéressants lui permettant d’envisager un avenir plus radieux que ce que vivaient plusieurs de ses concurrents. Il est aussi difficile pour un CA bénévole de maîtriser tous les aspects, défis et enjeux de l’entreprise, ce qui fait en sorte que le promoteur devient un peu le visage de l’entreprise au détriment du collectif. La communauté est en effet au rendez-vous et sa présence se répercute positivement sur le chiffre d’affaires qui est en croissance.

Ce cas de reprise est caractérisé par un désir relancer une entreprise qui connait des difficultés financières. L’entreprise ayant cessé ses activités, l’enjeu du maintien des employés ne s’est pas posé. Cette logique de sauvegarde est cependant lourde à porter, en effet, sans investir des montants importants dans l’entreprise, supérieurs à celui du rachat, cette reprise aurait pu revenir à la situation initiale vécue par le cédant, soit une rentabilité difficile à atteindre (secteur d’activités en difficulté et vétusté des équipements et du bâti). Le repreneur s’attelle donc, dès la négociation, à aller chercher les fonds nécessaires pour procéder à l’acquisition du bâtiment tout en prévoyant des dépenses importantes pour les rénovations et la mise à jour des équipements. Ces dépenses additionnelles ont permis à l’entreprise d’augmenter significativement ses activités, comme en témoignent l’arrivée de nombreux clients et l’augmentation du chiffre d’affaires. Il en va de même pour ce qui est des emplois, le repreneur a procédé à l’embauche de nombreux employés à temps plein et à temps partiel.

Leviers

  • Soutien des acteurs politiques et efforts importants pour aller chercher ces appuis
  • Accès à divers types de financements, des subventions, des produits propres à l’économie sociale ou encore au secteur d’activités
  • Mobiliser les citoyens autour de la sauvegarde d’une organisation offrant des services de proximité appréciés
  • Produits financiers de l’économie sociale permettent de compléter les montages financiers
  • Donne accès aux subventions sectorielles liées aux ministères appropriés
  • Implication du réseau personnel d’un des repreneurs pour le soutien administratif

Freins

  • Écosystème de soutien fragmenté, difficile de s’y retrouver en l’absence d’un guichet unique
  • Difficile relation avec les institutions financières classiques qui ne comprennent pas les produits financiers des acteurs financiers de l’économie sociale
  • Poids porté par le repreneur qui peut devenir l’image de l’entreprise plutôt que le collectif
  • Difficile pour un CA de saisir des enjeux financiers complexes, notamment les prévisions dans un secteur incertain, alors qu’ils sont bénévoles et n’ont pas nécessairement suffisamment de temps pour s’y consacrer
  • Mécompréhension des pratiques d’affaires et de marketing dans le secteur d’activités par les experts œuvrant dans l’écosystème de soutien aux SPA

2.6 Sixième cas de figure

Reprise externe, entité juridique existante, montage financier complexe, mauvaise santé financière de l’entreprise cédée, logique de sauvegarde

Le repreneur est préoccupé par les conflits d’usages entre deux entreprises qui occupent le même bâtiment et œuvrent dans le même secteur d’activités. Cette double occupation fait en sorte que les entreprises doivent se coordonner pour son utilisation, ce type de compromis a cependant un impact négatif sur la fréquentation et les revenus autogénérés. Après plusieurs tentatives pour trouver une solution convenant aux deux entreprises, les deux acteurs en présence conviennent que le statu quo ne fonctionne plus et qu’une solution doit être trouvée afin d’éviter des litiges légaux, une de ces options est le rachat des actifs de la société par actions par l’entreprise d’économie sociale.

L’entreprise à céder est donc une société par actions qui partage le bâtiment et certaines installations avec une entreprise d’économie sociale. Le secteur d’activités dans lequel ces entreprises œuvrent est en difficultés et en déclin depuis plusieurs années, les deux entreprises cherchent des solutions. L’actif principal est un bâtiment, il est occupé par l’entreprise à céder et l’entreprise repreneuse, mais il est situé dans une région où peu d’acteurs sont suffisamment fortunés pour l’acquérir. Le cédant cherche à rendre son entreprise plus rentable en réduisant les conflits d’usages, par contre le bâtiment comme les équipements sont relativement vétustes et le cédant n’est pas prêt à déployer les nombreux efforts nécessaires pour respectivement le rénover et les mettre à jour. Les deux entreprises négocient afin de voir comment diminuer les tensions, mais rapidement, la reprise de la SPA émerge comme seule solution viable pour l’EÉS.

Le montant du rachat du bâtiment est important, mais c’est surtout en y ajoutant les rénovations nécessaires que le montant dépasse le million de dollars. Le repreneur doit consentir d’importants efforts pour aller chercher du financement, notamment auprès de municipalités voisines qui aimeraient, sans réellement le pouvoir, avoir ses services dans leurs communautés. Après avoir convaincu des partenaires locaux, le repreneur va chercher de nouvelles subventions, mais aussi des prêts afin de compléter le montage financier nécessaire au rachat et aux rénovations.

Cette phase de la reprise est bien vécue par le repreneur. En effet, les enjeux les plus importants sont principalement liés à la cohabitation des deux entreprises dans le même bâtiment qui était jugée très difficile à gérer et à coordonner. Le rachat a permis d’éviter de vivre ces frictions et tensions pour enfin avoir une vision commune du développement d’une seule entreprise et de son bâtiment. Ceci étant dit, la mise à niveau des actifs a demandé des efforts considérables, pour effectuer les travaux en question, mais aussi pour aller chercher les fonds nécessaires à leur réalisation. Enfin, malgré le peu d’employés disponibles dans la région, l’entreprise a réussi à attirer de nombreux membres de la communauté qui s’impliquent comme bénévoles.

L’entreprise reprise cédée n’était pas en bonne santé financière et le cédant voulait s’en départir. La région où œuvre l’entreprise manque de repreneurs, la seule option était la poursuite des activités avec le risque de fermeture si l’entreprise et ses actifs ne sont pas rénovés. Le souhait du repreneur était d’éviter les conflits d’usage tout en sauvegardant une entreprise à risque de fermeture. L’entreprise offre un service de proximité auquel tient la communauté et en raison de l’éloignement des concurrents, la fermeture de l’entreprise aurait mené à la disparition de ce service, ce qui en fait un cas de sauvegarde. Seuls deux employés étaient encore en poste dans la SPA au moment de la vente, l’un d’entre eux a décidé de ne pas poursuivre avec le repreneur, un poste étant disponible dans un autre point de service du groupe de l’entreprise du cédant, l’autre employé est resté en poste.

Leviers:

  • Accès possible aux subventions liées au secteur d’activités grâce au statut d’entreprise d’économie sociale
  • Intérêt et participation de la communauté, notamment comme bénévoles
  • Permets de tisser des liens et aller chercher de petits contrats avec des institutions publiques et parapubliques
  • Indépendance du CA, comparé à des organisations dirigées par les municipalités, permet une plus grande marge de manœuvre pour modifier certains aspects de l’entreprise

Freins:

  • Difficile de faire des prévisions sur les revenus dans un secteur d’activités faisant face à de nombreux défis
  • Récurrences des subventions est loin d’être garantie
  • Difficile relation avec les acteurs municipaux, surtout s’ils sont un peu éloignés géographiquement de l’entreprise
  • Relations complexes avec les divers ministères liés au secteur d’activités, trop de silos étanches entre ces acteurs et leurs enveloppes budgétaires/programmes
  • Montage financier important nécessaire à la rénovation des actifs est difficile à obtenir pour une entreprise dans un secteur d’activités en difficultés

2.7 Septième cas de figure

Reprise interne, entité juridique créée pour la reprise, montage financier complexe, mauvaise santé financière de l’entreprise cédée, logique de sauvegarde

Les repreneurs sont les actionnaires de la société par actions, ils sont donc internes. Ils font face à des défis importants, le principal étant la difficulté à atteindre le point mort tout en n’augmentant pas les coûts pour les clients/usagers. L’équipe de fondateurs estime qu’il est temps de repenser la formule juridique, mais aussi d’instaurer une culture plus entrepreneuriale afin de mettre en place de nouvelles avenues pour aller chercher des revenus supplémentaires. L’objectif était de ne pas faire faire reposer sur les seules épaules des créateurs le fardeau de payer, mais plutôt de le renverser en faisant payer les utilisateurs de ces créations ou encore en recourant à des subventions afin de pouvoir verser un montant aux créateurs qui créent de l’achalandage.

Les actionnaires d’une société par actions ayant pignon sur rue offrent des services à une communauté de créateurs toujours à la recherche de lieux pour leurs projets. Le modèle d’affaires initial est difficile à mettre en œuvre, la mission de l’organisation étant d’offrir un service abordable à des créateurs peu fortunés, mais ses revenus proviennent principalement de ces mêmes créateurs. Le modèle d’affaires est donc en péril, de plus, il est très difficile pour une société par actions d’aller chercher des subventions dans ce secteur d’activités. Ce faisant, ils souhaitent diversifier leurs sources de revenus et surtout ne pas avoir à injecter leurs finances personnelles dans l’entreprise pour lui permettre de survivre.

Pour financer la reprise et considérant le peu de moyens financiers dont dispose le groupe de fondateurs maintenant repreneurs, ces derniers ont décidé de céder le fonds de commerce à l’entreprise d’économie sociale. Le seul montant impliqué dans la reprise est la perte de 10 000$ pour deux des fondateurs qui avaient chacun investi ce montant dans la société par actions. Ce montant peut paraître petit, cependant, dans le contexte des difficultés financières de l’entreprise cédée, si les fondateurs avaient voulu récupérer leurs investissements, ils auraient causé la fermeture de l’entreprise et donc auraient fait avorter le projet de reprise.

Après la reprise, l’entreprise revoit complètement son mode de fonctionnement. Ses locaux sont situés dans un milieu où les loyers sont dispendieux et malgré l’importance d’avoir un lieu de rencontre pour augmenter sa visibilité, le fait de s’en départir et de ne plus avoir à payer pour ce type de charge donne un certain souffle à l’entreprise. Le travail décentralisé est déjà bien présent dans le secteur d’activités de l’entreprise, l’adaptation à ce mode de fonctionnement ne représente donc pas un défi important. En se libérant du local, l’entreprise a aussi choisi de développer des services qui se déploient sur de plus nombreux territoires, elle finit donc par bénéficier d’une autre forme de visibilité. Cette nouvelle stratégie d’affaires lui permet d’obtenir de nouveaux contrats, notamment en répondant à des appels d’offres ou des concours situés dans d’autres localités. Enfin, il est important de souligner que l’entreprise n’aurait pas eu accès aux contrats publics si elle n’avait pas adopté une forme juridique collective.

La reprise avait pour but premier la transformation de l’entreprise et de ses activités. En effet, la société par actions aurait eu de grandes difficultés à atteindre une rentabilité suffisante avec la transformation du modèle d’affaires qui avait pour objectif de rendre ses services plus accessibles. En diminuant les charges fixes liées au loyer, l’entreprise a pu conserver son unique employé et surtout obtenir les subventions sectorielles nécessaires pour son fonctionnement. Depuis la reprise, l’entreprise cherche à augmenter la taille de son équipe en tentant d’obtenir une subvention au fonctionnement. Après quelques tentatives infructueuses, elle abandonne cette piste et se centre sur l’obtention de subventions par projets et de contrats publics auxquels elle a maintenant accès grâce à son statut juridique. Ce faisant, elle peut agrandir son cercle de collaborateurs, de créateurs et de clients. L’entreprise voit son chiffre d’affaires comme ses activités augmenter significativement.

Leviers:

  • Être une entreprise d’économie sociale permet de gagner en crédibilité dans certains secteurs d’activités, elle permet de dénicher des opportunités d’affaires et des contrats
  • Être une entreprise d’économie sociale permet d’avoir recours à plusieurs types de subventions auxquelles les SPA n’ont pas accès
  • Injection de fonds provenant des fondateurs pour démarrer l’entreprise d’économie sociale sous forme de dons (donc pas de dette)
  • Aller chercher des administrateurs qui ont une fine connaissance des enjeux du secteur d’activités
  • Conserver et développer les liens avec acteurs publics et organismes, faire participer la communauté au projet
  • Se former sur les aspects touchants la gestion de l’entreprise : finances, comptabilité, tenue de livres, TPS/TVQ, etc.
  • Entreprendre des démarches de réflexion soutenues, comme un lac-à-l’épaule, mais aussi des rencontres fréquentes de suivi, notamment en réunissant le CA fréquemment
  • Programme du SAGE pour développer des compétences entrepreneuriales

Freins:

  • Difficile de créer des emplois dans certains secteurs d’activités, ce qui semble être un indicateur important pour de nombreux acteurs de soutien à l’économie sociale
  • Changements fréquents de répondants dans les organisations dédiées au soutien des entreprises de l’économie sociale
  • Difficile compréhension des enjeux et des solutions potentielles ou pistes de développement pour des administrateurs issu du milieu de l’entrepreneuriat classique
  • Difficile de trouver un mentor qui comprend à la fois la logique entrepreneuriale et qui a une expérience pertinente dans le secteur d’activité

2.8 Huitième cas de figure

Reprises externes en série, entité juridique existante, montages financiers simples, entreprises reprises en mauvaise santé financière, logique de développement

Le repreneur tente d’étoffer sa gamme de produits et services en restant centré sur des reprises qui lui permettent de mieux appuyer ses membres. Après des phases d’expansions liées à de nombreuses reprises où le repreneur a développé des activités plus éloignées de sa mission première, il a dû faire face à d’importantes difficultés financières. S’en est suivie une phase de redressement et de planification stratégique où le repreneur décide de se recentrer sur sa raison d’être et d’assainir ses finances. Depuis, il se lance à la recherche d’entreprises à reprendre tout en continuant d’accueillir les demandes de cédants qui l’interpelle pour des reprises. Ces entreprises œuvrent dans un secteur d’activité connexe ou similaire à celui du repreneur. Le contact entre le repreneur et les cédants est la plupart du temps une initiative du cédant. De nombreuses reprises réussies servent de vitrine pour attirer d’autres cédants potentiels, attirés par la belle réputation dont bénéficie le repreneur. À cet égard, lorsque le cédant contacte le repreneur, la possibilité d’une reprise est souvent vécue comme un soulagement.

Les entreprises cédées se retrouvant sous cette séquence sont cinq PME, toutes des sociétés par actions. Les cédants qui pensent se départir de leurs entreprises le font pour deux raisons principales : soit le désir de prendre leur retraite et l’essoufflement, autrement dit, le fait que l’entreprise n’arrive plus à se développer et que les cédants estiment ne plus avoir l’énergie nécessaire pour passer au travers cette étape délicate. Tous ces cédants sont à la recherche de solutions et préfèrent, généralement, que leurs entreprises soient reprises par un acteur qui tient à les maintenir en activités plutôt que de se faire racheter par un concurrent qui va la fermer, ils communiquent donc avec des repreneurs potentiels.

Le financement de ces diverses reprises reprend toujours la même formule. Le repreneur dispose de fonds propres réservés à des reprises potentielles, ce faisant, il peut rapidement entreprendre des démarches avec les cédants. Le repreneur a aussi de nombreux actifs et de bonnes relations avec les institutions financières avec lesquelles il fait affaire, ces derniers donnant toujours leur opinion avant que le repreneur entreprenne des démarches formelles avec des cédants. Sans être décisionnel, l’avis des institutions financières a un impact significatif sur les démarches du repreneur. Cette relation transparente et respectueuse permet de compléter les montages financiers sans trop de difficultés. Ceci étant dit, le repreneur dispose aussi, à l’interne, d’experts pour évaluer les entreprises et quand ces derniers ne sont pas disponibles, le repreneur fait appel à son réseau d’experts externes, bien développé. Malgré ce réseau d’experts, le repreneur peine parfois à trouver des fiscalistes, comptables et avocats capables de l’appuyer, ce qui rend d’autant plus essentielle l’expertise développée à l’interne.

Le repreneur aborde la transition et le management de la reprise en mobilisant toujours les mêmes stratégies. La transparence dans les relations est au cœur de cette phase, c’est au prix de nombreuses rencontres et allers-retours entre le repreneur et l’équipe présente dans l’entreprise cédée que les tensions sont amenuisées. En expliquant les objectifs et les moyens utilisés pour y parvenir, les employés en place adhèrent beaucoup plus facilement au plan proposé. Effectivement, pour assurer une transition fluide, le repreneur et sa haute direction se déplacent, expliquent les objectifs, les moyens pour y parvenir et surtout prennent le temps de bien communiquer la logique entre les actions prises et les buts poursuivis. Grâce à ses expériences antérieures, le repreneur reconnait qu’un équilibre entre autonomie et une forme de contrôle est nécessaire. Auparavant le repreneur s’étendait, par le biais de reprises dans des secteurs d’activités où il ne disposait pas d’expertise, il lui était difficile de conserver un certain contrôle sur ces entreprises. Aujourd’hui, le repreneur rachète des entreprises qui œuvrent dans un secteur d’activités connexe ou similaire, ce faisant, il est plus à même de comprendre et de soutenir ces entités rachetées. Pour ce faire, le repreneur s’implique principalement dans la réalisation de leurs plans d’action et plans stratégiques en incluant les personnes adéquates dans chaque entreprise reprise. Cette façon de faire permet de retenir le personnel et de favoriser l’adhésion aux plans mis en place, en effet, une forte proportion (80-95%) des employés restent en postes et s’estime satisfaite de la transition.

Pour ce cas de reprise en série, on retrouve une logique de développement. Le repreneur, en reprenant ces entreprises, développe ses activités, services et produits. Afin de maximiser les chances de succès de cette stratégie de développement, dès le rachat, le repreneur s’attèle à la pérennisation des entreprises reprises, créée des comités transversaux interentreprises pour faciliter l’échange de bonnes pratiques sur des enjeux communs (gestion des ressources humaines, des approvisionnements et des stocks, des stratégies de communication, etc.). Un facteur de succès qui aide au développement des entités rachetées est le fait que le repreneur ne voit pas ces entreprises uniquement comme un moyen d’obtenir des revenus supplémentaires ou de consolider un secteur, mais bien comme une stratégie de diversification planifiée qui rend l’entreprise plus robuste tout en permettant d’offrir une gamme plus étoffée de services à ses membres.

Leviers:

  • Reconnaitre qu’il est impossible d’être spécialiste en tout, ne pas hésiter à aller chercher le savoir-faire à l’externe tout en continuant de le développer à l’interne
  • Les valeurs de l’ÉS font la différence pour de nombreux cédants intéressés à vendre, important d’être cohérent entre les valeurs véhiculées et la façon dont elles sont vécues sur le terrain
  • Permets de rassurer le cédant quant à la pérennité de son entreprise, ce sont les valeurs de l’économie sociale qui aident à conclure les négociations
  • Aucune stratégie de développement ou acquisition n’est réalisée sans le CA et les institutions financières, les doutes doivent être au strict minimum pour aller de l’avant
  • Ne pas faire des acquisitions avec des fermetures pour aller chercher des économies d’échelles
  • Assurer une communication fluide et transparente sur les objectifs et les moyens mis en place pour les atteindre entre l’équipe de repreneurs et celle de l’entreprise reprise

Freins:

  • Avoir des attentes trop élevées, penser faire des profits rapidement est dangereux, il faut se laisser le temps de bien développer l’entreprise reprise sans attente de rendement à court terme
  • Faire de la reprise pour des motifs uniquement pécuniaires est risqué, il faut un plan derrière, jouer un rôle de leader inspirant, surtout en contexte de pénurie de main-d’œuvre, notamment pour les employés et gestionnaires
  • S’étendre dans des secteurs trop éloignés de l’expertise de l’entreprise repreneuse est risqué et peut mener à d’importantes difficultés financières
  • Être actionnaire minoritaire dans une SPA, même temporairement, peut causer de nombreux enjeux, entre autres du côté de la gouvernance, et rendre l’entreprise difficile à piloter

2.9 Neuvième cas de figure

Reprises externes en séries, entité juridique existante, montages financiers simples, mauvaise santé financière des entreprises cédées, logique de développement

Le repreneur pilote une entreprise d’économie sociale et cherche des entreprises à racheter afin de diversifier ses activités. Menant une veille active, plusieurs canaux sont mobilisés pour identifier des entreprises de petites tailles intéressantes à reprendre. Le repreneur a d’ailleurs déjà procédé à des acquisitions dans des secteurs d’activités difficiles et il ne souhaite pas revivre cette expérience. Il est donc prudent et visite plusieurs entreprises avant d’entreprendre des démarches plus sérieuses avec des cédants potentiels. Une des entreprises a été identifiée par le biais du réseau du repreneur qui apprend qu’une entreprise pouvant correspondre à ses aspirations est en vente. Dans l’autre cas, c’est grâce à un site internet permettant l’affichage d’entreprises à vendre que cette dernière a pu être identifiée.

Les entreprises cédées se retrouvant sous cette séquence sont deux PME pilotés par des entrepreneurs situés en région, pour ces deux entrepreneurs l’âge et le désir de prendre la retraite approche. En effet, ils souhaitent se départir de leurs entreprises respectives tout en allant chercher un certain montant qui leur permettra de bénéficier de fonds lors de leurs retraites. Ces entreprises sont en relativement mauvaise santé financière et elles ont peu d’employés. Elles réussissent tout de même à rester en activités, par contre, elles pourraient éventuellement fermer, car peu de repreneurs potentiels se sont manifestés pour reprendre ces PME.

Le financement de la reprise s’appuie uniquement sur fonds propres. À la suite d’expériences malheureuses de rachats et de développement dans certains secteurs d’activités difficiles, le repreneur a choisi d’adopter une stratégie de reprise en série qui minime les risques, d’une part en reprenant des entreprises de petites tailles et dont la valeur n’est pas très importante et d’autre part en ne recourant pas aux prêts pour financer ces acquisitions. Dans les deux cas de reprise sous cette séquence, les cédants surévaluaient leurs entreprises et malgré le fait que le repreneur n’ait pas mobilisé d’experts externes pour évaluer la valeur des entreprises à reprendre, son expérience en la matière lui a permis de développer une certaine expertise à l’interne. Le repreneur est donc en mesure de faire baisser le prix de vente. Cette négociation comprend le rachat des actifs, le transfert d’expertise par les cédants, les noms des entreprises et la liste de clients dans un des deux cas.

La transition implique de déménager les deux entreprises reprises dans la région du repreneur. Dans un des deux cas, un employé suit l’entreprise, dans l’autre seul le propriétaire suit pour partager son expertise, car l’entreprise était familiale et n’avait pas d’employés. Dans les deux cas de reprise, les cédants sont disponibles, de même que l’employé, pour assurer le transfert d’expertise et permettre au repreneur de relancer les chaînes de production de ces deux entreprises. L’ensemble de ces opérations sont effectuées sur fonds propres, notamment la révision des procédés de production, elles doivent donc être les moins couteuses possible. Malgré une gestion serrée des risques lors de l’évaluation, certaines surprises émergent, par exemple, le carnet de clients d’un des deux cédants est beaucoup moins bien garni que ce qu’il a laissé entendre et la qualité de la production est à améliorer. Le repreneur embauche donc un représentant commercial pour aller chercher de nouveaux clients et, dans l’autre cas de reprise, développe les activités de l’entreprise en diversifiant ses produits et en étendant ses points de vente.

La reprise s’inscrit directement dans une logique de développement pour le repreneur. En effet, en rachetant en série des entreprises dans des secteurs d’activités connexes qui permettent de mieux nourrir la mission sociale de l’entreprise, le repreneur cherche à solidifier son modèle d’affaires. De plus, la logique de développement est facilement identifiable, en effet, le repreneur déménage les entreprises et cherche surtout à acquérir l’expertise des cédants.

Leviers

  • Se développer à la hauteur de ses moyens, éviter de trop recourir aux prêts et se centrer sur les fonds propres pour réaliser des acquisitions
  • Les stratégies d’acquisition et de développement sont toujours déterminées en mode collectif
  • Mutualiser les ressources et expertises autour d’enjeux communs
  • Développer les compétences liées au secteur d’activités à l’interne, en s’appuyant sur divers types, comme les cédants et employés

Freins

  • Avoir des attentes de rendement trop élevées sans laisser suffisamment de temps pour développer l’entreprise
  • Sous-estimer les fonds nécessaires pour la modification des pratiques de gestion et de production après la reprise
  • Surévaluer la valeur de l’entreprise cédée, faire trop confiance au cédant et à ses promesses
  • S’étendre dans des secteurs trop éloignés de l’expertise de l’entreprise repreneuse est risqué et peut mener à d’importantes difficultés financières

2.10 Dixième cas de figure

Reprise externe, entité juridique créée pour la reprise, montage financier inexistant, mauvaise santé financière de l’entreprise cédée, logique de sauvegarde

Un acteur coopératif, ayant l’appui de plusieurs organisations de soutien au mouvement soutenant les coopératives, propose de mutualiser les ressources d’entreprises faisant face à de nombreuses difficultés. Il propose de les fusionner dans une nouvelle entité juridique afin d’alléger la gouvernance, de mettre en place une gestion efficiente et enfin, d’augmenter leurs chances d’obtenir les financements nécessaires pour la rénovation des actifs. Cet acteur entre en communication avec les entreprises d’économie sociale afin de valider leur intérêt pour la démarche de reprise et de mutualisation. Le repreneur est externe, mais il a accès à un bon réseau de soutien dans son secteur d’activités et dans le mouvement coopératif, c’est d’ailleurs de cette façon qu’il entre en contact avec les cédants potentiels. Il dispose d’une certaine expérience dans ce secteur d’activités. Bénéficiant d’appuis financiers du milieu coopératif, une entité juridique est créée par le promoteur principal pour y fusionner les entreprises à céder.

Des entreprises d’économie sociale qui requièrent des investissements importants pour rénover leurs actifs principaux, des bâtiments, sont relativement mal en point. Elles font aussi face à d’importants défis de gouvernance, leurs administrateurs étant empêtrés dans de multiples enjeux, notamment de gestion. En effet, ces entreprises n’ont pas d’employés à proprement parler, tout est réalisé par les membres et les administrateurs, or ces tâches sont lourdes à porter, à répartir et dans le contexte d’entreprises à la santé financière fragile, des solutions doivent être trouvées pour assurer leur pérennité, particulièrement dans un secteur attrayant sur le marché de la reprise. Sans solution et ne considérant pas la reprise comme une voie potentielle, les entreprises continuent leurs activités tout en tentant de trouver des appuis dans le milieu coopératif, c’est dans ce contexte qu’elles entrent en contact avec le repreneur.

Considérant que cette séquence de reprise porte sur une fusion, l’enjeu financier est quelque peu distinct des cas précédents. En effet, il ne porte pas sur le montant de la transaction, mais plutôt sur les réserves accumulées par chaque coopérative et le financement des rénovations. Concernant les réserves accumulées, certaines coopératives étant mieux loties que d’autres, il a été décidé de laisser une période de transition où les entreprises reprises continuent de nourrir et d’utiliser leurs réserves après contribuer à une réserve de remplacement commune qui permettra, à plus long terme, de créer une réserve plus importante. Pour les rénovations majeures nécessaires, considérant le peu de moyens dont disposent les entreprises cédées, le souhait est qu’en se regroupant, il soit plus facile d’obtenir des appuis financiers, sous la forme de subventions et de prêts.

Les enjeux majeurs apparaissent surtout dans la période de transition et de management de la reprise. En effet, la refonte de la gouvernance et de la gestion sont deux principaux éléments de cette reprise qui font émerger, initialement, des tensions. Certains administrateurs présents dans les entreprises visées par la reprise ont une ascendance importante sur les autres, la refonte de la gouvernance n’est pas bien vécue par ces derniers qui ne sont pas intéressés à poursuivre, ils choisissent de quitter leurs fonctions. Les autres accueillent plus favorablement cette refonte, en effet, ils sont sursollicités et peinent à assurer leurs fonctions respectives, la nouvelle structure permet de mieux délimiter les rôles de chacun. Le nouveau CA s’attèle donc à la révision de la gouvernance. Pour soutenir le CA et le dégager de la gestion, des comités mis en place dans les entreprises reprises permettent d’assurer la continuité de la vie démocratique dans ces dernières, tout en leur permettant de s’attaquer aux problèmes de gestion pressants. Toujours pour amenuiser ces tensions, conserver une vie démocratique active et s’assurer de la prise en compte des enjeux vécus par les différentes entreprises reprises, un représentant de chaque comité participe à des rencontres plusieurs fois par année avec des administrateurs du CA en plus d’avoir un administrateur présent sur le CA. Des comités transversaux et thématiques sont aussi mis en place (finance, gestion, entretien, etc.), ce qui permet de mutualiser les ressources et réflexions afin d’être plus agiles pour régler des problèmes. Enfin, le défi qui, au-delà de la gouvernance, préoccupe la nouvelle entité est la mise à jour des bâtiments et les rénovations couteuses que nécessitent ces actifs, en se regroupant, le repreneur et sa nouvelle entité commencent à aller chercher les fonds nécessaires pour ces travaux.

Ce cas porte sur le maintien d’actifs importants, mais nécessitant l’injection de fonds pour les rénover, on retrouve une logique de sauvegarde des entreprises reprises. Comme mentionné par le répondant, des cas similaires d’entreprises n’ayant pas pu bénéficier d’une refonte de la gouvernance et d’injections de fonds pour les rénovations ont mené à la fermeture de ces entreprises. Une fois la situation en voie d’être stabilisée et les travaux réalisés, le repreneur créé un fonds de développement pour permettre à l’entreprise d’explorer d’autres reprises ou encore pour développer de nouveaux services pour les membres actuels. C’est aussi dans ce contexte que le repreneur embauche un employé afin d’alléger les tâches de gestion. De nouveaux services dédiés aux clients sont aussi en voie de s’ajouter au panier de services actuellement offerts.

Leviers:

  • Revoir la gouvernance tout en permettant la création de comités par entreprise cédée afin de laisser une certaine autonomie aux entités reprises et fusionnées tout en délimitant mieux les rôles des administrateurs de l’entité fusionnée de ceux des membres impliqués dans la gestion
  • Mutualisation des ressources permet de diminuer les coûts pour les entreprises cédées
  • Permets de mettre en place une gestion et une gouvernance plus efficaces
  • Accompagnement d’acteurs ayant une fine connaissance du secteur d’activités et de la forme juridique coopérative facilite toutes les étapes de la reprise

Freins:

  • Difficile de recréer le sentiment d’appartenance pour les clients, membres et administrateurs attachés à l’entreprise cédée
  • Difficile refonte de la gouvernance en raison de l’attachement des administrateurs à leurs conseils d’administration
  • Refonte des réserves est un élément épineux, comment passer de réserves par entreprise à une réserve commune tout en évitant les conflits?
  • Craintes des membres quant à l’augmentation des coûts des services
  • Mécompréhension des membres et clients quant à la pertinence de mutualiser par la reprise et la fusion

2.11 Synthèse de la section

Un modèle de la reprise collective

Dans les séquences analysées, on voit émerger certains éléments communs aux divers thèmes mobilisés. Nous proposons une synthèse de chacun de ces thèmes, hormis celui du financement qui est approfondi dans la section suivante portant sur l’étude de cas. Il en va de même pour les leviers et freins, qui sont croisés avec les analyses faites sur le soutien et l’accompagnement pour former la dernière section de ce rapport.

Les repreneurs collectifs rencontrés sont particulièrement hétérogènes. On y retrouve de repreneurs internes, de repreneurs externes, ainsi que des repreneurs en série. Plusieurs d’entre eux existaient déjà, mais d’autres ont été créées pour la reprise. Pour ces derniers, la majorité de cas avait comme fin la sauvegarde de l’entreprise reprise. Deux des cas de figure sont portés par des repreneurs en série ayant développé une très bonne expérience en reprise d’entreprise. Ces expériences ont été le fruit d’échecs qui ont mis à mal les finances de leurs entreprises d’économie sociale et les ont obligés à revoir leurs stratégies d’acquisition. Dans un de cas, l’enjeu principal était un de contrôle et de connaissances : le repreneur, achetant des entreprises éloignées de son secteur d’activités, avait la difficulté à comprendre les enjeux sectoriels ce qui rendrait plus compliquées la gestion et la gouvernance de l’entreprise. Dans l’autre cas, c’est l’acquisition d’entreprises dans des secteurs d’activités en difficulté (notamment dans le manufacturier) qui a causé d’importantes pertes pour l’entreprise d’économie sociale. Enfin, plusieurs repreneurs s’inscrivent dans une logique de transformation, ils dirigent déjà une entreprise (une société par actions), mais cette dernière est difficile à piloter sous ce statut juridique. La transformation en entreprise d’économie sociale permet l’obtention de subventions, de contrats ou la diminution de charges fiscales qui, à leur tour, aide ces entreprises à pérenniser leur mission sociale.

Pour ce qui est des individus derrière le processus de reprise, certains sont directeurs généraux, d’autres présidents de CA et remplissent les fonctions de la direction générale (souvent par manque de revenus), certains ont une vaste expérience dans le secteur d’activités de l’entreprise reprise, d’autres, aucune.

La plupart des entreprises reprises sont en mauvaise santé financière, certaines d’entre elles ouvrent de plus dans des secteurs d’activités difficiles et ayant subi de nombreux bouleversements (médias, culture, manufacturier, etc.). Seule une entreprise reprise était en bonne santé financière dans les cas étudiés. On retrouve aussi de nombreux cédants à bout de souffle, près de la retraite et cherchant à passer le flambeau, mais ne trouvant malheureusement pas de repreneurs. Autre élément qui ressort des cas étudiés est que plusieurs nécessitaient l’injection de fonds importants pour mettre à jour les équipements, la gestion, les bâtiments, c’est donc dire que ces entreprises étaient relativement mal en point et que, pour les rendre viables et pérennes, des fonds supplémentaires au prix d’acquisition devaient être mobilisés pour effectuer ces travaux et modifications, ce que peu de cédants pouvaient se permettre.

Cette phase est marquée, dans les séquences et cas analysés, par l’importance des investissements et des modifications nécessaires à la poursuite des activités de l’entreprise. Que ce soit dans les cas de sauvegarde comme ceux de développement, la rentabilité de l’entreprise reprise et sa survie dépendent de cette phase. De nombreux repreneurs affirment que l’entreprise n’aurait pas survécu à la reprise sans investissement additionnel pour la moderniser ou l’actualiser. Ce dernier point est important à souligner, car les cas de reprise étudiés étant toujours en activité, le discours des repreneurs sur cet aspect délicat nous renseigne sur les facteurs potentiels d’échecs du processus de reprise collective. Certains cas de reprise sont marqués par des enjeux de gestion des RH (par exemple les échelles salariales), alors que les cas de reprise d’entreprises familiales sans employés sont épargnés par ces enjeux. D’autres enjeux émergent, comme les relations avec les instances réglementaires ou encore les relations avec les parties prenantes, notamment les usagers, cependant ces dernières semblent, à tout le moins selon les dires des repreneurs, avoir un impact moins important sur l’entreprise que celui des investissements nécessaires dans cette phase.

Les deux logiques sont à l’œuvre dans les cas de reprise étudiés, mais la majorité présente une logique de sauvegarde. Ici, on retrouve deux types de séquence : la reprise interne par transformation et la reprise par des repreneurs externes. Dans le premier cas, celui de la transformation, on relève l’inadéquation du statut des sociétés par actions pour des entreprises ayant une forte mission sociale et œuvrant dans des secteurs d’activité qui sont subventionnés ou encore qui bénéficient d’exemptions fiscales en vertu de leur mission. Dans l’autre cas, on reconnait la présence de repreneurs qui tentent d’empêcher la fermeture de services de proximité importants pour des communautés mal desservies.

Pour ce qui est de la logique de développement, les cas de reprise en série s’inscrivent pleinement dans celle-ci, les repreneurs cherchent à accroître leurs activités en achetant des entreprises dans des secteurs d’activité similaires ou connexes. En plus des cas de reprise en série qui concernent des EÉS existantes, un autre repreneur mobilise aussi cette logique, mais cette fois-ci en créant une entité juridique pour la reprise.

Tout au long de ces séquences, de nombreux enjeux émergent, des solutions aussi, mais c’est surtout l’importance de bien gérer les phases de négociation et de transition et management qui sont les plus nommées. Il va de soi que pour que ces phases se déroulent bien, il faut avoir bien évalué l’entreprise à reprendre, ceci étant dit, cet enjeu est intimement lié au financement de la reprise.

Figure 2 – Modèles de séquence de reprise collective