Les besoins d’accompagnement des repreneurs

Quelle posture et quelles compétences doit avoir la ressource d’accompagnement dans son soutien aux repreneurs collectifs ? Selon l’avancement du processus de reprise collective (RC), l’accompagnateur doit appuyer et guider les démarches des repreneurs collectifs avec des conseils avisés, mais aussi être une courroie de transmission vers d’autres ressources spécialisées, le moment venu. Selon l’expérience vécue par les repreneurs collectifs sondés par le CÉRSÉ, les besoins d’accompagnement touchent des thématiques variées telles :

Un groupe repreneur a besoin de soutien pour choisir la forme juridique la plus pertinente à leur projet de reprise. Pour cela, ils ont besoin de connaître les enjeux propres à chaque forme juridique, en tenant compte du secteur d’activité de l’entreprise à acquérir, de l’accès potentiel au financement ainsi que des impacts légaux et fiscaux propres à l’économie sociale.

Un groupe repreneur a besoin d’avoir accès à des conseils adaptés lors du montage financier, c’est-à-dire des conseils pour déterminer le montant requis, pour profiter pleinement des programmes de financement avantageux et adaptés à la reprise collective, à l’économie sociale et au secteur d’activité, ainsi que du ratio de capitalisation demandé, de la mise de fonds nécessaire et des stratégiques pour constituer cette mise de fonds, entre autres.

Un groupe repreneur a aussi besoin d’aide dans leurs démarches de représentation politique, dans le cas où les acteurs politiques joueraient un rôle déterminant dans le processus d’acquisition.

Comment mobiliser les parties prenantes et démontrer l’ancrage territorial et sectoriel ? Quelles démarches de représentation faire auprès des acteurs politiques? En utilisant quels arguments? En demandant quel soutien?

Enfin, le groupe repreneur aura besoin de bien choisir la stratégie d’acquisition et se donner des attentes réalistes en matière de rendement, entre autres. Il devra minimalement distinguer les avantages et inconvénients d’un achat d’actions ou d’actifs, ou encore le fonctionnement d’une continuation de la société par actions en coopérative. En connaissant les tenants et aboutissants de chaque stratégie, il sera en mesure de mieux négocier les conditions d’acquisition avec le cédant.

Vu la diversité de connaissances et de compétences requises, l’accompagnateur ne doit pas hésiter à recommander les repreneurs collectifs à des ressources spécialisées. C’est à l’accompagnateur d’orchestrer les rencontres et les approches nécessaires, selon les besoins.

L’écosystème d’accompagnement en RC

Historiquement, le Québec a toujours reconnu l’apport de l’économie sociale au développement économique et territorial. Cette reconnaissance, formalisée par l’adoption de la Loi sur l’économie sociale, a permis le développement d’un écosystème de structures d’accompagnement et de financement dédiées aux entreprises d’économie sociale (EÉS).

On retrouve parmi ces organisations :

  • la Coopérative de développement régional du Québec (CDRQ), présente dans toutes les régions du Québec
  • le Réseau COOP, fédération des coopératives gérées par les travailleurs et travailleuses
  • les fédérations sectorielles de coopératives, selon le secteur d’activité économique
  • les Centres locaux de développement (CLD) ou les Municipalités régionales de comté (MRC)
  • les Sociétés d’aide au développement des collectivités (SADC) ou les Centres d’aide aux entreprises (CAE)
  • les services d’accompagnement sectoriels (comme le Collectif des entreprises d’insertion du Québec), par exemple
  • les Pôles régionaux d’économie sociale

Généralement, ces organisations et structures d’accompagnement offrent des services comme la validation du projet et du modèle d’affaires, l’aide au montage financier et à la recherche de financement, l’aide à la gouvernance et à la gestion des ressources humaines ou à la mise en relation vers des partenaires et organismes spécialisés en ÉS, entre autres.

La plupart du temps, l’accompagnateur d’un projet de RC proviendra de l’une de ces organisations et, pour certains, sa compréhension des enjeux de l’ÉS et du transfert d’entreprise peut être très sommaire. De là l’importance de faire appel ou de référer à des experts.

En dehors des institutions financières dites « classiques », diverses organisations soutiennent la création et le développement des EÉS comme :

  • le Réseau d’investissement social du Québec (RISQ)
  • la Fiducie du Chantier de l’économie sociale
  • Investissement Québec
  • la Caisse d’économie sociale
  • Filaction
  • Fondaction

Des programmes gouvernementaux et des fonds dédiés à la reprise collective, et plus largement à l’économie sociale, sont aussi disponibles.

Vous retrouverez la liste des principales sources de financement dans les répertoires Programmes et outils financiers – RC & ÉS, ainsi que Programmes et outils financiers – généraux sur ce site Internet.

Le Centre de transfert d’entreprises du Québec (CTEQ) l’organisation mandatée par le gouvernement pour soutenir le transfert d’entreprises sous toutes ses formes. En matière de reprise collective, le CTEQ collabore étroitement avec l’écosystème de l’économie sociale pour faire la sensibilisation de ce type d’acquisition, afin de favoriser ce mode de transfert. Le CTEQ accueille aussi les cédants désirant vendre leur entreprise, en plus d’offrir de programmes de financement adaptés.

Le Chantier de l’économie sociale et le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM) sont les interlocuteurs privilégiés par le gouvernement.

Les différentes façons de reprendre collectivement

La RC est un mode de transfert d’entreprise qui permet à des acteurs internes ou externes de reprendre collectivement une entreprise pour l’exploiter conformément aux règles d’action d’une entreprise d’économie sociale (EÉS). Un projet de reprise collective est porté soit par une nécessité, soit par une aspiration ou par une combinaison de ces deux motivations.

Pour procéder à une RC, les repreneurs collectifs recourront à l’une de ces trois stratégies possibles :

  • la reprise interne réalisée par les employés (avec ou sans successeurs familiaux)
  • la reprise externe effectuée par des acteurs externes (clients, fournisseurs, investisseurs, membres de la communauté ou une combinaison de ces parties prenantes) ou par une EÉS existante
  • la reprise mixte ou « d’hybride » réunissant différents types de repreneurs, soit des successeurs familiaux et des salariés ou des salariés et des repreneurs externes, entre autres

Pour réaliser une reprise, qu’elle soit ou non collective, on utilise deux modes d’acquisition, soit l’acquisition partielle ou totale des actions de l’entreprise en vente ou l’acquisition de ses actifs (corporelles et incorporelles). Dans le cas d’une acquisition partielle, les bailleurs de fonds en ÉS pourraient demander un seuil minimal d’actions procurant un droit de vote, ainsi qu’un plan visant à devenir éventuellement majoritaire. S’il s’agit de la création d’une coopérative de travailleurs actionnaire (CTA), on recommande de référer les repreneurs vers la CDRQ considérant la complexité de ce type de transfert.

Dans certains cas, les repreneurs collectifs créeront une nouvelle EÉS pour réaliser la reprise, alors que dans d’autres cas, ce sera une EÉS déjà en activité qui fera l’acquisition. Selon que l’EÉS soit créée ou pas, selon le type de repreneurs (interne, externe ou mixte) et selon le mode d’acquisition (partielle ou totale), on peut orienter les formes juridiques qui peuvent en résulter.

Le tableau suivant résume ces possibilités :

L’évaluation du potentiel de la RC

Dans la plupart des cas de reprise, l’évaluation de l’entreprise en vente repose presque uniquement sur des éléments d’ordre comptable et financier : qualité des actifs, développement du marché, performance financière, etc. Pourtant, la présence de dimensions sociales et collectives telles qu’une gouvernance intégrant des parties prenantes dans la prise de décisions ou des préoccupations sociales incluses dans la mission ou les orientations de l’entreprise en vente pourrait faciliter le travail des repreneurs collectifs, par exemple lors de leur recherche de financement, mais surtout pendant l’étape de transition et de management de l’entreprise rachetée.

Quel sera le travail à accomplir dans la « transformation » d’une société par actions (SPA), par exemple, vers une EÉS ? Si l’entreprise en vente affiche des affinités avec certains principes, valeurs ou modes de fonctionnement de l’économie sociale, la transition sera plus aisée pour l’équipe repreneuriale. L’accompagnateur sera donc attentif à amener l’équipe de repreneurs collectifs à se poser des questions servant à évaluer le potentiel de reprise en lien avec les principes et les attendus de l’économie sociale.

La planification de la gouvernance

La mise en pratique des principes de l’économie sociale, tels qu’inscrits dans la Loi sur l’économie sociale, mérite une attention particulière de la part de l’accompagnateur lors d’un cas de RC, spécialement lorsqu’il s’agit de construire les bases de la gouvernance (ou l’adapter si besoin) de l’EÉS. En effet, selon le type de RC (acquisition réalisée par une nouvelle EÉS créée pour reprendre ou par une EÉS existante), la démarche soulèvera des enjeux liés à la gouvernance comme la constitution de son membrariat et/ou l’intégration des parties prenantes (si désiré) de l’entreprise rachetée.

Si la reprise collective est réalisée par une EÉS existante, des enjeux concernant la gouvernance sont à considérer selon qu’il s’agit d’un rachat partiel ou complet de l’entreprise à acquérir et du type de reprise (fusion, continuation ou création d’une filiale). Le travail de l’accompagnateur amènera les repreneurs collectifs à s’interroger sur les répercussions des choix possibles et à planifier, le cas échéant, l’intégration des parties prenantes de l’entreprise nouvellement acquise.

Dans le cas où le processus de RC passe par la création d’une nouvelle entité, le repreneur collectif devra réfléchir à la forme juridique qui s’adaptera le mieux au projet. En effet, ce choix aura une incidence sur les possibilités de développement, d’accès au financement, de mobilisation de parties prenantes et d’adhésion de nouveaux membres, pour ne nommer que les principales. Qui seront les membres ? Quelles catégories ? Quelle sera leur participation dans la prise de décisions, mais aussi leur contribution dans les opérations et le chiffre d’affaires de l’EÉS ? Bref, encore ici, l’expertise de l’accompagnateur s’avère primordiale et, comme on l’a déjà mentionné, il ne faut pas hésiter à faire appel à des ressources dédiées.

L’accompagnateur aidera aussi les repreneurs collectifs à s’évaluer afin de faire ressortir leurs forces, planifier leurs besoins (en services-conseils et en développement de compétences, par exemple) et créer le comité provisoire qui sera responsable des démarches de RC. Nous abordons ces enjeux dans la section Planifier la gouvernance.

Le financement de la RC

Pour n’importe quel projet de financement d’entreprise, le rôle d’accompagnateur est déterminant pour un bailleur de fonds, il en va de même pour un projet de reprise en mode collectif. Puisque l’accompagnateur sera l’interface entre les repreneurs collectifs et les conseillers financiers, on attend de sa part non seulement une compréhension fine des enjeux locaux, sectoriels, de l’économie sociale et du projet de RC, mais aussi une bonne capacité à développer des liens de confiance avec l’équipe repreneuriale et les acteurs du milieu. C’est la ressource d’accompagnement qui aura la responsabilité, entre autres de :

  • faire la liste des programmes et sources de financement pouvant s’appliquer au projet de RC
  • faire appel à des ressources professionnelles pour toute évaluation (JVM, prix de vente, etc.) et étude requise
  • accompagner les repreneurs collectifs dans leurs négociations avec le cédant
  • valider (ou soumettre pour validation aux ressources adéquates) les hypothèses et orientations du projet
  • conseiller (ou référer à un expert) sur le meilleur mode d’acquisition pour la reprise
  • présenter aux bailleurs de fonds la documentation requise
  • faire des liens entre les différents partenaires financiers et les réunir au besoin avec le repreneur collectif pour clarifier et harmoniser les paramètres de financement
  • s’assurer que le plan d’affaires réponde aux critères d’évaluation des bailleurs de fonds dits classiques et de l’économie sociale et que le montage financier final soit bien ficelé
  • soutenir les repreneurs lors du déboursement des fonds, une fois le projet financé

La section Financer la reprise fournit à l’accompagnateur d’un projet de reprise collective des éléments clés d’une démarche de financement et du travail à réaliser pour assurer le meilleur soutien qui soit aux repreneurs collectifs.

Rappel du cadre de référence de l’économie sociale

Dans cette section, nous résumons les principaux éléments du Cadre de référence de l’économie sociale. Basé sur la Loi sur l’économie sociale et élaboré par le Chantier de l’économie sociale, il vise à outiller les acteurs du milieu pour leur permettre de mieux déterminer l’appartenance d’une organisation à l’économie sociale.

En plus de la définition contenue dans la Loi, ce Cadre de référence de l’économie sociale inclut celle conçue en 1996 lors du Sommet sur l’économie et l’emploi. Le but est de permettre de mieux comprendre les pratiques toujours en cours dans certaines organisations. Deux éléments s’ajoutent ainsi à la définition stipulée dans la Loi, soit :

  • la primauté des personnes et du travail sur le capital dans la répartition des surplus et revenus
  • les principes de la participation, de la prise en charge et de la responsabilité individuelle et collective

Il fournit aussi la définition, les principes et l’aspect juridique régulant le secteur :

Cette section précise le caractère de « finalité sociale » des activités économiques qui doit être compris comme « contribution (…) à l’amélioration du bien-être de ses membres ou de la collectivité », ainsi que par « création d’emplois durables et de qualité », entre autres.

Cette section réfère aux six principes décrits dans la Loi sur l’économie sociale (art. 3) concernant le but, le contrôle décisionnel, les règles de gouvernance, la viabilité économique, la distribution des surplus et les règles à suivre en cas de dissolution.

Cette section explique les formes juridiques reconnues comme étant de l’économie sociale (coopérative, mutuelle et association dotée de la personnalité juridique).

Le Cadre de référence présente aussi le processus de qualification de l’économie sociale (ch. 7) qui exclut les organisations ne faisant pas partie du secteur dont les organisations appartenant à l’administration publique, les regroupements professionnels et patronaux, les syndicats, les partis politiques et les organismes religieux, entre autres.

En plus de la justification de chacun de ces critères, le lecteur trouvera aussi quelques indicateurs permettant d’évaluer l’appartenance de l’organisation à l’économie sociale au chapitre 8.

Finalement, la situation particulière des filiales appartenant à des organisations d’économie sociale est traitée au chapitre 10 du Cadre de référence.