La ressource d’accompagnement et le financement

Avant de traiter des différentes étapes et enjeux du financement, il importe de bien situer le rôle de la ressource d’accompagnement dans la cadre d’une démarche de financement. Dans tout projet porté par une entreprise collective, qu’il s’agisse d’un démarrage, d’un développement ou d’une reprise collective, un des facteurs de succès reconnu par les acteurs de l’économie sociale est la qualité de l’ancrage territorial et sectoriel.

Du point de vue d’un bailleur de fonds, la ressource qui accompagne une entreprise dans une démarche de financement a donc un rôle déterminant. Sa proximité et le lien de confiance qu’elle développe avec le repreneur collectif lui permet de développer une compréhension fine des divers enjeux auxquels celle-ci est confrontée, autant en ce qui a trait aux particularités locales qu’aux enjeux liés au développement du projet, pour ne nommer que ceux-là. Cette position confère à la ressource d’accompagnement un rôle de courroie de transmission privilégié pour diverses informations complémentaires à ce qui est présenté dans la documentation remise aux éventuels partenaires financiers. Il pourra aussi faire des liens entre les différents partenaires financiers et même les réunir au besoin avec le repreneur collectif pour, par exemple, clarifier et harmoniser les paramètres de financement de ceux-ci.

Ce rôle s’exprime aussi dans l’autre sens, envers le repreneur collectif. Sa connaissance générale des programmes et sources de financement permet au repreneur collectif de sauver un temps précieux en recherche et en prises de contact avec des partenaires. Il pourra aussi valider de façon préliminaire certaines hypothèses ou orientations du projet. Ainsi, avec un accompagnement adéquat. Les partenaires financiers pourront procéder à l’analyse d’un projet plus rapidement, à partir d’un dossier mieux ficelé, ce qui est essentiel, car dans une démarche de reprise collective, le temps est souvent déterminant dans la réussite ou l’échec du projet.


Le mode d’acquisition et le financement

Tel que présenté dans la section Accompagner la RC, on peut reprendre une entreprise selon deux modes : via l’acquisition partielle ou totale des actions de l’entreprise ou l’achat de ses actifs (corporels et incorporels).

Ces deux modes d’acquisitions, dans le cadre du financement d’un projet de reprise d’entreprise, ont chacun leurs particularités et peuvent comporter des avantages ou des inconvénients pour l’une ou l’autre des parties, le cédant ou le repreneur. Nous en dressons ici les grandes lignes et y reviendrons en détail au besoin.

Plusieurs motifs vont inciter un propriétaire d’entreprise à vendre les actifs de son entreprise plutôt que les actions. Par exemple, la compagnie du cédant possède d’autres entreprises et ne désire en céder qu’une, ou encore, la compagnie est en difficulté et sera liquidée après la vente ou, autre exemple, l’entité repreneuse n’a pas d’intérêt à conserver la personne morale et ce qu’elle pourrait apporter.

Le repreneur achètera alors les bâtiments, les équipements, les véhicules, les stocks ou autres actifs tangibles qu’elle utilisera pour exploiter son entreprise. Plus rarement, elle achètera des actifs intangibles tels que des brevets, des permis ou des créances. On verra ce type d’actifs être plus souvent inclus dans l’achat des actions de l’entreprise.

L’avantage de ce mode d’acquisition vis-à-vis des partenaires financiers se situe principalement à deux niveaux :

  • L’évaluation de la valeur des actifs (dans la majorité des cas des actifs tangibles) est beaucoup plus objective. De plus, ils peuvent également être mis en garantie, ce qui permet d’obtenir du financement auprès d’institutions financières classiques
  • La vente des actifs ne s’accompagne pas d’éléments moins intéressants du passé de l’entreprise comme ses dettes et d’éventuelles surprises fiscales à la suite d’une réévaluation d’éléments financiers passés

Il s’agit de l’achat des titres de participation dans la propriété d’une entreprise.

Deux options se présentent au repreneur collectif :

Il sera plus intéressant parfois, pour l’une ou l’autre ou les deux parties, repreneur et cédant, de baser la transaction sur l’entièreté de l’entreprise cédée et pas seulement sur ses actifs. Ce sera donc l’ensemble des actions de l’entreprise qui sera vendu et non seulement ses actifs. Souvent, ce choix qui facilitera la continuité, ne nécessitera pas, par exemple, de transférer des permis, de se faire une nouvelle image corporative, etc. Cependant, dans la grande majorité des cas, la transaction inclura un coût lié à l’achalandage de l’entreprise, laquelle est plus difficilement évaluable et sur lequel aucune garantie ne peut être prise par une institution financière.

Lorsque l’entièreté de l’entreprise est vendue via ses actions, l’entité repreneuse « achète » aussi le passé de l’entreprise, ce qui peut être une bonne ou une mauvaise chose. Ainsi, comme mentionné ci-dessus, le passé de l’entreprise peut impliquer des éléments négatifs, mais aussi des éléments très positifs tels qu’une réputation, des permis, des ententes avec des partenaires d’affaires ou autres éléments favorisant le transfert.

Les partenaires financiers spécialisés en entreprise collective vont, dans la majorité des cas, être favorables à ce qu’une entreprise collective acquière les actions d’une entreprise à but lucratif et l’exploite, à condition qu’une fusion entre les deux entreprises soit prévue à court ou à moyen terme.

Une reprise collective par l’acquisition partielle des actions d’une entreprise peut se faire par une nouvelle entreprise (création d’entreprise) ou par une entreprise existante. Dans ce dernier cas, il s’agira d’un OBNL ou d’une coopérative qui fera l’acquisition d’une participation, majoritaire ou minoritaire dans une entreprise en exploitation. Ce type de transaction impliquera plusieurs entités juridiques distinctes, parfois la création d’une nouvelle entité, et par conséquent, nécessitera un accompagnement spécialisé et adapté à ce cas particulier, autant au niveau juridique, fiscal que du financement de la transaction.

Dans le cas d’une création d’entreprise, l’acquisition partielle d’actions se fait presque toujours par une coopérative de travailleurs actionnaires (CTA). Encore ici, la complexité de ce type de transfert implique un accompagnement par des ressources spécialisées telles que la CDRQ ou autres professionnels. Le financement d’une CTA, qui ne peut impliquer une prise de garantie par les bailleurs de fonds, s’appuiera sur la contribution des membres de la coopérative, lesquels pourront profiter de certains régimes fiscaux.


Le cheminement

Chaque projet de reprise collective a ses particularités. Qu’il s’agisse du secteur d’activité, de la taille ou de la valeur de l’entreprise, de son niveau de développement, de sa situation financière, du mode d’acquisition, de la structure juridique du repreneur collectif ou de la composition de son équipe, l’accompagnateur devra adapter leur approche et leur démarche.

Les actions liées au financement doivent commencer dès le début, en mode exploratoire d’abord, afin d’évaluer la faisabilité financière du projet. Comme c’est le cas pour l’ensemble du processus, certaines étapes se réaliseront en concomitance et souvent en interdépendance avec d’autres. Le tableau ci-dessous donne un aperçu visuel très approximatif de ce que pourrait être le cheminement des six démarches liées au financement d’un projet de reprise qui s’échelonnerait, à titre d’exemple, sur un an.

L’évaluation du coût de projet, d’abord de façon préliminaire, et finale par la suite, est la première étape d’une démarche de financement, mais aussi, très souvent, le signal de départ de toute la démarche de reprise. Le réalisme des coûts et du potentiel de financement représentent en quelque sorte le GO, NO-GO du démarrage du projet.

On doit dans un premier temps fixer un prix de vente de l’entreprise. Celui-ci est le fruit d’un processus de négociations entre le vendeur et l’acheteur et est déterminé par deux facteurs principaux : la valeur des actifs dont dispose l’entreprise et son potentiel économique sur le marché, son achalandage.

L’évaluation de la valeur des actifs est habituellement relativement précise et objective, étant la plupart du temps basée sur des comparables sur le marché, autant en ce qui a trait à des actifs mobiliers (équipements, véhicules, mobiliers, etc.) qu’à des actifs immobiliers (bâtiment et terrains).

Le potentiel économique de l’entreprise, quant à lui, est un actif intangible dont la valeur, malgré les diverses méthodes d’évaluation, demeure empreinte d’une plus grande subjectivité.

Il importera donc que les parties fassent appel à des ressources professionnelles pour faire les évaluations. Des frais d’expertise seront alors inscrits au montage financier. Des programmes spécifiques sont d’ailleurs disponibles pour le financement des ressources professionnelles pouvant accompagner le repreneur dans ses démarches d’évaluation.

Il est important de noter que, bien que les deux parties fassent habituellement appel à des ressources différentes, le cédant et le repreneur devraient s’entendre sur les méthodes d’évaluation, particulièrement pour l’achalandage.

Un projet de reprise collective se limite rarement à l’acquisition de l’entreprise. Outre le coût des ressources professionnelles et autres frais de démarrage, des coûts supplémentaires viendront presque toujours s’ajouter au coût d’acquisition : un projet de développement, des besoins en fonds de roulement, des stocks supplémentaires, etc.

Dans un premier temps, il importera d’identifier ces coûts de façon sommaire. On pourra, par exemple, faire appel à un architecte pour évaluer, à partir de moyennes au pied carré, le coût des rénovations, faire des recherches sur le coût d’équipements requis, évaluer approximativement, un besoin en fonds de roulement. Cette dernière évaluation se précisera durant la réalisation des prévisions financières.

Le rôle de l’accompagnateur sera ici de s’assurer que le repreneur collectif demeure réaliste dans ses évaluations. On pourra par exemple réévaluer certains coûts de projet à la hausse pour faire preuve de prudence.

La ressource d’accompagnement possède habituellement une connaissance générale des sources de financement disponibles et des divers programmes et pourra orienter la recherche en fonction de la nature des coûts de projets, des actifs à financer, du secteur d’activité (référez-vous aux répertoires Programmes et outils financiers – RC et ES, ainsi que Programmes et outils financiers – Généraux dans la section Ressources de ce site).

La nature et la disponibilité ainsi que les paramètres liés aux sources de financement pourraient d’ailleurs influencer l’élaboration du projet et orienter le repreneur collectif vers une révision à la hausse ou à la baisse des coûts du projet.

On voudra, dans cette première étape, recenser les subventions disponibles, les possibilités de financement participatif ou par la communauté les prêteurs en quasi-équité et en prêts conventionnels.

Pour l’identification des prêteurs conventionnels, on devra déjà avoir une bonne idée des actifs qui pourront être offerts en garantie (actifs mobiliers et immobiliers). Il est très important de noter que l’achalandage ne fait pas partie des actifs qui peuvent être offerts en garantie. Il devra donc être financé à partir de quasi-équité, de financement participatif (obligations communautaires ou parts privilégiées) ou de financement non remboursable. Certains paramètres, en ce qui a trait aux emprunts, tels que les montants maximums offerts, les taux d’intérêt, les possibilités de moratoires sur les versements de capital, la durée des périodes de remboursement peuvent déjà être identifiés. Ceux-ci seront à préciser à mesure que le projet évoluera.

À partir de ces éléments, on peut déjà obtenir un bon aperçu de la faisabilité du projet. Cette faisabilité se confirmera à mesure que les coûts et sources de financement se préciseront et que la viabilité, organisationnelle, opérationnelle et économique du projet sera démontrée.

Bien qu’une bonne partie des informations sur les sources de financement possible d’un projet soient disponibles sur les sites Internet des partenaires potentiels, une prise de contact directe par courriel ou de vive voix peut permettre d’obtenir des informations plus précises. Les partenaires financiers peuvent aussi donner des pistes intéressantes sur des programmes financiers complémentaires, des contraintes liées à certains marchés, ou autres informations importantes.

Une première prise de contact avec les partenaires potentiels devrait donc être faite sitôt que ces derniers ont été ciblés, à l’étape du montage financier préliminaire. Cette démarche peut être faite par le repreneur collectif ou par l’accompagnateur. Nous recommandons cependant, à cette étape préliminaire de confier ce rôle à ce dernier. Vu son rôle de partenaire local ou régional et grâce à ses expériences passées, il pourrait être plus à même d’obtenir des informations précises et même des indices d’intérêt de la part de partenaires financiers. Ce sera d’autant plus pertinent dans le cas de certaines ressources de financement qui seraient plus réticentes à communiquer des informations à des membres d’un repreneur collectif sans qu’un dossier soit ouvert ou que la demande de financement soit déposée.

Selon qu’il s’agisse de prêteurs ou de contributions non remboursables (subventions ou dons), on voudra obtenir diverses informations. Le tableau ci-dessous en dresse une liste non exhaustive :

Informations requisesPrêteursSubventionnaires ou donateurs
Conditions d’admissionxx
Types de projets financésxx
Montants disponiblesxx
Proportion des coûts admissiblesxx
Taux d’intérêtsx
Possibilité de moratoire sur les versements de capitalx
Garanties (suretés) exigées le cas échéantx
Dates de tombée des demandesxx
Délais d’analysexx
Tableau – Information préliminaire à recueillir auprès des partenaires financiers

Plus loin dans le processus, alors que les coûts du projet se préciseront, on pourra reprendre contact avec les partenaires financiers afin de confirmer leur intérêt. Ces derniers voudront alors échanger avec une ou des personnes provenant du repreneur collectif afin de mieux comprendre le projet et obtenir des informations plus précises, telles que la composition de l’équipe et ses compétences, la nature de l’entreprise à reprendre, l’avancement des démarches avec le cédant, etc. À ce moment dans le processus, l’entité repreneuse est habituellement constituée et sera prête à ouvrir un dossier chez les partenaires financiers pour que ceux-ci débutent le processus d’analyse. Celui-ci sera entamé bien avant que le montage du dossier ne soit complété et se fera en interaction avec la ressource d’accompagnement et le repreneur collectif.

Est-il besoin de le répéter, chaque projet de reprise a ses particularités et, bien entendu, les prises de contact se feront à différents moments ou fréquence. Quoi qu’il en soit, lorsque des membres de la coopérative ou de l’OBNL repreneur communiqueront avec les partenaires financiers, il importe que ce soient les personnes qui maîtrisent le mieux les aspects financiers du projet afin de bien mettre en confiance les partenaires.

L’implication de partenaires financiers dans un projet de reprise collective, comme dans tout autre projet d’entreprise, repose sur la qualité de celui-ci. Cette dernière sera démontrée dans la documentation fournie aux partenaires, habituellement sous le format d’un plan d’affaires. Ce plan d’affaires doit être pensé en fonction du financement, certes, mais aussi comme un outil de clarification et d’appropriation du projet par ses promoteurs. La quantité d’information qu’il peut contenir permettra au repreneur collectif d’orienter son développement et ses stratégies d’affaires.

Un plan d’affaires doit contenir les éléments descriptifs du projet, les états financiers historiques (de l’entreprise cédée dans le cas d’une reprise collective), du montage financier ainsi que des prévisions financières. Plusieurs éléments se grefferont également au plan d’affaires, en annexe : une étude de marché, des rapports d’évaluation de la juste valeur marchande des actifs, une politique de gestion des ressources humaines, etc. Bien entendu, les informations portant sur l’entreprise cédée sont incontournables pour bien présenter le projet et devront être incluses dans le plan d’affaires.

Plusieurs modèles de plan d’affaires peuvent être utilisés, mais il importe de les adapter à la réalité du projet et ne pas simplement les utiliser comme un canevas ou un formulaire. Il vaut mieux modifier le modèle utilisé que tenter d’intégrer l’information liée au projet selon une structure inadaptée.

Plusieurs types d’informations sont incontournables :

Les partenaires financiers classiques seront intéressés surtout par les aspects opérationnels et financiers du projet (selon le Guide du repreneur de Desjardins):

  • La qualité de la direction
  • Les risques de l’environnement d’affaires
  • La crédibilité du projet
  • La capacité de payer de l’entreprise et sa structure financière
  • Les antécédents financiers des repreneurs
  • Les garanties disponibles

En économie sociale, cependant, le volet associatif, en raison de son rôle fondamental dans l’orientation et le développement de l’entreprise, viendra occuper une place essentielle dans les critères d’évaluation de la qualité du projet. L’intérêt des partenaires financiers spécialisés en économie sociale se portera donc sur un plus large éventail de critères (incluant la plupart des aspects requis par les partenaires classiques) pour évaluer la qualité du projet. La liste suivante en couvre l’essentiel (selon le Guide d’analyse des entreprises d’économie sociale de CAP Finance) :

Volet associatifo   Mission
o   Retombées sociales
o   Gouvernance
o   Ancrage territorial et sectoriel
Volet entrepriseo   Marché
o   Opérations
o   Direction générale et ressources humaines
o   Développement durable
Volet financeso   États financiers antérieurs (de l’entreprise cédée dans le cas d’une reprise par création d’entreprise)
o   Prévisions financières

Par ailleurs, l’analyse réalisée par les acteurs financiers de l’économie sociale sera aussi différente à plusieurs égards de celle des acteurs financiers classiques, nous y revenons dans la section Analyse et décision de financement.

Les prévisions financières, dans le cadre d’un projet de reprise collective, sont produites en fonction de l’obtention de financement. Cependant, comme c’est le cas pour les autres sections du plan d’affaires, elles doivent aussi être produites pour l’entreprise. En effet, on doit s’en servir comme un outil stratégique, comme une source de données pour orienter la prise de décision. Si les prévisions ne sont réalisées que pour des interlocuteurs externes, il est souvent très facile, même avec la meilleure volonté du monde, d’y inscrire ce que l’on désire que l’interlocuteur reçoive comme message. S’en suivent alors des évaluations trop optimistes des revenus, des sous-évaluations de dépenses ou des oublis.

Généralement, trois types d’hypothèses sont utilisés dans les prévisions financières :

  • Hypothèses basées sur des données réelles confirmées
  • Hypothèses basées sur l’analyse des données internes de l’entreprise
  • Hypothèses basées sur des études et analyses de données externes

Dans le cas d’une reprise collective, les bases de plusieurs hypothèses seront liées à l’entreprise cédée, telles que des contrats existants ou des ententes de location (données réelles confirmées) ou l’historique financier de l’entreprise (analyse des données internes de l’entreprise). D’autres hypothèses seront quant à elles basées sur les projets de développement de la nouvelle entreprise, une étude de marché par exemple (études et analyses de données externes). Dans presque tous les cas, on fera appel à tous ces types d’hypothèses.

Alors que certains partenaires financiers n’exigeront que des états des résultats prévisionnels et un budget des caisses, d’autres partenaires, la plupart des prêteurs, exigeront des bilans prévisionnels. L’élaboration de ces derniers requiert cependant des compétences pointues en comptabilité et en finance, ce qui peut nécessiter de faire appel à des ressources spécialisées. Des chiffriers automatisés peuvent aussi être utilisés pour les prévisions financières, mais ceux-ci, bien que faciles d’usage, sont la plupart du temps peu flexibles et rarement adaptés aux coopératives et aux OBNL.

Tout au long de la réalisation du plan d’affaires, plusieurs paramètres financiers se préciseront, autant en ce qui a trait aux coûts du projet qu’aux sources de financement. Par exemple, en précisant de nouveaux processus de production, on pourra mieux évaluer quels équipements seront requis et déterminer leurs coûts. Ou encore, en réalisant les prévisions financières, on pourra mieux définir les besoins en liquidité. Par ailleurs, certains contacts avec les partenaires financiers permettront d’identifier les sources de financements les plus adéquates ainsi que les paramètres qui y sont liés.

Le montage financier final est composé des coûts finaux du projet et des sources de financement retenues pour les réaliser. Cela dit, même une fois ce montage financier déposé aux partenaires financiers, certains ajustements pourront se faire en cours d’analyse par ces derniers. Certaines évaluations faites par des experts seront remplacées par des soumissions fermes provenant de fournisseurs ou encore, certains paramètres de financement seront précisés. Certains partenaires pourraient aussi se désister en cours d’analyse, ce qui impliquerait un réajustement des montants que chacun des partenaires avait annoncés.

L’élément central des coûts de projet est le coût de l’entreprise cédée. Comme expliqué, la cession de l’entreprise peut se faire par la vente de ses actions ou de ses actifs. Dans les deux cas, le coût devra faire l’objet d’une évaluation de la juste valeur marchande (JVM). Cette évaluation n’exclut pas une entente négociée entre les parties sur le prix, mais elle déterminera notamment la valeur sur laquelle les partenaires financiers pourront prendre des garanties mobilières ou immobilières. Le coût excédentaire à la valeur des actifs (l’écart d’acquisition, l’achalandage) ne pourra être mis en garantie.

Le tableau suivant présente une liste non exhaustive des différents coûts possibles et de la documentation requise (confirmer cette dernière avec les partenaires financiers au cas par cas selon leurs besoins respectifs).

Nature du coût de projetDocuments minimum requis
Acquisition de l’entrepriseOffre d’achat ou entente avec le cédant /
évaluation de la juste valeur marchande (JVM)
Coûts supplémentaires
RénovationÉvaluation d’architecte et/ou soumissions
Améliorations locativesÉvaluation d’architecte et/ou soumissions
Mobilier/équipements/matériel roulant Soumission de fournisseurs, catalogues ou évaluations diverses
Fournitures diversesSoumission de fournisseurs, catalogues ou évaluations diverses
Stocks supplémentairesJustification en fonction du volume de vente prévu
Frais de démarrageSoumission et/ou factures (pour les frais déjà engagés : évaluateur agréé, notaire, avocat, constitution juridique, permis d’exploitation, etc.)
Fonds de roulementBudget de caisse
Tableau – Documents justificatifs des coûts de projet

Dans le montage final, les partenaires financiers voudront les coûts les plus précis possible. Ainsi, ces coûts devront être documentés afin de bien évaluer la hauteur de leur engagement financier. Les coûts peuvent évoluer après le dépôt du montage financier final, mais on tentera d’être le plus précis possible afin d’éviter la révision du montage financier, ce qui peut conduire à des délais d’analyse ou à mettre en danger le projet. Même si certains documents ne sont pas disponibles au moment du dépôt du montage financier, les partenaires pourront continuer leur analyse, mais ils les exigeront en cours de processus. Pour le déboursement du financement, ils auront besoin de tous les coûts finaux et les documents correspondants, ce qui fera l’objet de conditions préalables. Nous y reviendrons plus loin dans les sections Analyse décision de financement et Déboursement.

L’identification des partenaires qui seront parties prenantes du financement du projet se réalisera à mesure que celui-ci se précisera et que les contacts et échanges avec les partenaires se développeront. Plusieurs éléments seront déterminants dans ce processus, autant pour le repreneur collectif que pour les partenaires financiers.

Pour ces derniers, la qualité du projet et de ses gestionnaires ainsi que l’historique de l’entreprise cédée seront d’importance majeure, mais d’autres critères pourront motiver des acteurs de financement à investir dans un projet. Ces critères peuvent être politiques (priorités régionales pour une MRC, orientation d’un ministère, par exemple) ou liés à la mission de l’organisation.

Pour l’entreprise, des critères tels que le coût du financement (taux d’intérêt), les moratoires disponibles sur les versements de capital ou d’intérêt (ces derniers sont plus rares), les garanties requises le cas échéant, les montants admissibles et les délais d’analyse devront être considérés. Le niveau d’implication du partenaire financier dans la réussite du projet est aussi un élément à considérer. Certains partenaires offriront par exemple un certain niveau d’accompagnement et seront très proactifs en cas de difficulté de la part de l’entreprise financée. 

Il importera donc de bien connaître les partenaires, programmes et types de financement offerts dans l’écosystème de la finance solidaire et de la finance classique.

Voici une liste non exhaustive des sources de financement, leurs produits financiers, leur type de financement et leurs principales caractéristiques. Vous obtiendrez plus d’informations en consultant, dans la section Ressources du site, les répertoires Programmes et outils financiers – RC & ES, ainsi que Programmes et outils financiers – généraux.

INVESTISSEMENT QUÉBEC

Sources de financementType de financementPrincipales caractéristiques
Financement entrepreneuriat collectifDette
Quasi-équité
Produits financiers divers pour les coopératives et OBNL
Programme de capitalisation des entreprises d’économie sociale (CAES)
Volet 1 : Capitalisation
Volet 2 : Reprise collective
Quasi-équitéMoratoires et prise en charge partielle des intérêts
Programme d’appui à la reprise collective (PARC)Quasi-équitéEn révision

CENTRE DE TRANSFERT D’ENTREPRISES DU QUÉBEC

Sources de financementType de financementPrincipales caractéristiques
Programme de soutien à la reprise collective (PSRCÉquitéSubvention pour honoraires professionnels liés aux étapes préalables à un projet de reprise collective

FONDS PARTENAIRES (Investissement Québec, Caisse Desjardins, Fonds de solidarité FTQ, Fondaction)

Sources de financementType de financementPrincipales caractéristiques
Fonds de transfert d’entreprises du Québec (FTEQ)Quasi-équitéFinancement de projet de reprise

RÉSEAU D’INVESTISSEMENT SOCIAL DU QUÉBEC (RISQ)

Sources de financementType de financementPrincipales caractéristiques
Fonds CapitalisationQuasi-équitéPrêts flexibles à toutes les étapes de développement
Fonds FICESQuasi-équitéPour projets à fort potentiel de croissance et/ou d’innovation. Financement basé sur le revenu
Fonds Aide techniqueQuasi-équitéFinancement de ressources externes spécialisées
Fonds émergenceQuasi-équitéPour besoins particuliers à l’étape de prédémarrage

FIDUCIE DU CHANTIER DE L’ÉCONOMIE SOCIALE

Sources de financementType de financementPrincipales caractéristiques
Capital patient opérations (CPO) et Capital patient immobilier (CPI)Quasi-équitéToutes les étapes de développement
Sans exigence de remboursement de capital avant 15 ans

CAISSE D’ÉCONOMIE SOLIDAIRE DESJARDINS

Sources de financementType de financementPrincipales caractéristiques
Prêts à terme, hypothèques, marge de crédit, etc.DetteFinancements habituellement garantis par des actifs (immeubles, équipements, comptes à recevoir, etc.)
Garantie solidaireQuasi-ÉquitéPour compléter des montages financiers (partenariat avec trois grandes fondations)

DESJARDINS CAPITAL

Sources de financementType de financementPrincipales caractéristiques
Essor et CoopérationÉquitéInvestissement en parts privilégiées (coopératives). Partenariat avec les CDRQ pour les montants en deçà de 250 000 $

DESJARDINS-ENTREPRISE, CAISSES LOCALES ET BANQUES

Sources de financementType de financementPrincipales caractéristiques
Prêts à terme, hypothèques, marge de crédit, etc.DetteFinancements habituellement garantis par des actifs (immeubles, équipements, comptes à recevoir, etc.)

MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE ET DE L’INNOVATION

Sources de financementType de financementPrincipales caractéristiques
Programme d’immobilisation en entrepreneuriat collectif (PIEC)ÉquitéSubventions pour entreprise propriétaires de leur(s) immeuble(s) ou qui le deviendront grâce au projet financé.
Administré par Investissement Québec

EMPLOI-QUÉBEC

Sources de financementType de financementPrincipales caractéristiques
Subventions salarialesÉquitéPour favoriser l’intégration en emploi

INSTANCES LOCALES DE DÉVELOPPEMENT (MRC, ville ou mandataire)

SOCIÉTÉ D’AIDE AU DÉVELOPPEMENT DES COLLECTIVITÉS (SADC)

Sources de financementType de financementPrincipales caractéristiques
Fonds d’investissement et financement spécialiséDette
Quasi-équité
Paramètres et conditions déterminées localement

FILACTION

Sources de financementType de financementPrincipales caractéristiques
Fonds InnogecÉquitéPaiement d’honoraires professionnels réalisés par une organisation spécialisée
Financement d’entreprisesDette
Quasi-équité
Prêts flexibles à toutes les étapes de développement

FONDACTION

Sources de financementType de financementPrincipales caractéristiques
Prêt ou capital-actionsQuasi-équité
Équité
Fonds de travailleurs
Financement adapté
Plus de 500 000 $

FONDS DE SOLIDARITÉ FTQ

Sources de financementType de financementPrincipales caractéristiques
Financement d’entrepriseQuasi-équité
Équité
Fonds de travailleurs
Financement adapté

Le rôle de l’accompagnateur dans le processus de réalisation du montage financier final est de :

  • guider le repreneur collectif, tout au long du processus d’identification des coûts, en s’assurant que ceux-ci sont réalistes et que la documentation requise est disponible en fonction des besoins des partenaires financiers
  • aiguiller le repreneur vers des ressources professionnelles au besoin et les sources de financement adéquates pour les financer
  • entretenir un lien privilégié avec les partenaires et de s’assurer de l’adéquation entre le financement et les coûts du projet

Les partenaires financiers spécialisés en économie sociale sont d’ailleurs très impliqués avec les ressources d’accompagnement pour assurer, non seulement cette adéquation, mais la réalisation d’un montage financier optimal.

Alors qu’en financement classique, ce sera principalement la mise de fonds des propriétaires qui viendra combler la portion manquante du financement, la situation est différente pour les entreprises collectives. Les particularités de leur mode de capitalisation et le fait que leur mission prime sur la maximisation du capital font en sorte qu’elles ne disposent habituellement pas des fonds nécessaires pour combler cette portion manquante. C’est pourquoi des produits financiers spécialisés ont été développés en quasi-équité et en équité.

La dette doit, dans la très grande majorité des cas, être appuyée sur des garanties, ou suretés (immeubles, biens meubles, comptes à recevoir, etc.), servira donc à financer des actifs tangibles. Cependant, ces financements ne couvriront jamais (ou très rarement) la totalité des coûts de ces actifs.

Adaptés aux besoins des entreprises d’économie sociale, les prêteurs en quasi-équité pourront offrir des moratoires sur le remboursement de capital, seront flexibles dans leurs modalités de remboursement et ne demanderont pas de garanties ou alors, ces garanties seront de rangs inférieurs à ceux des prêteurs traditionnels. Ils pourront non seulement financer la portion manquante affectée aux actifs tangibles, celle non assumée par les prêteurs traditionnels, mais aussi contribuer au financement d’éléments ne pouvant pas ou difficilement être mis en garantie, tels que l’achalandage de l’entreprise cédée, le fonds de roulement, les stocks ou les frais de démarrage.

collective est la balance de vente. Elle représente la portion du montage financier que le propriétaire de l’entreprise cédée fournira. Elle est habituellement fournie sous forme de prêt en quasi-équité et, plus rarement, sous forme de parts privilégiées (dans une coopérative). Cette dernière option, bien que plus avantageuse pour l’entreprise, offrira moins d’avantages pour le cédant, notamment au niveau fiscal (déductions d’impôts sur gain en capital).

Un tel mode de financement sera très souvent accompagné d’une entente entre le repreneur collectif et le cédant qui assurera une implication plus grande de ce dernier dans l’entreprise. Cette implication, qui doit être clairement déterminée, pourra prendre plusieurs formes : coaching de l’équipe de gestion, transfert du carnet de commandes, embauche du cédant dans un poste clé pour une période déterminée, etc. Cette entente doit déterminer, outre la nature de l’implication du cédant, la durée de cette implication. Certains partenaires financiers iront même jusqu’à exiger une clause permettant de mettre fin prématurément à cette implication dans le cas où celle-ci ne correspondrait plus aux besoins de l’entreprise ou lui nuirait.

Les sources de financement en équité ont le même rôle que la quasi-équité, mais, comme elles sont non remboursables (subventions ou dons par exemple) ou remboursables dernier rang (parts privilégiées ou obligations communautaires), elles sont encore moins contraignantes pour l’entreprise que la quasi-équité.

Dans le cas d’une reprise faite par une coopérative impliquant des membres travailleurs (coopérative de travail et certaines coopératives de solidarité), on verra souvent ceux-ci s’engager à verser sous forme de parts privilégiées une portion de leurs futurs salaires à la coopérative. Ces montants seront affectés au remboursement d’un prêt-pont qui aura été versé par une institution ou un prêteur spécialisé. Ce type de financement permettra de capitaliser à long terme la coopérative et démontrera l’engagement de ses membres envers le succès du projet. Ceux-ci pourront, selon le type de coopérative, profiter de programmes fiscaux tels que du Régime d’investissement coopératif (RIC) ou de REER autogéré. Ce mode de financement est habituellement utilisé dans le cas des coopératives de travailleurs actionnaires (CTA).

Il est à noter que certains programmes en quasi-équité et en équité sont aussi dédiés au financement des honoraires de ressources professionnelles externes, dont certains, spécifiquement pour la reprise collective.

Voici deux exemples de montages financiers correspondant à l’acquisition des actifs d’une entreprise et à l’acquisition totale des actions.

Les travailleuses et travailleurs d’un centre de villégiature ont l’opportunité d’acquérir les infrastructures du centre qui les emploie. Leur employeur, qui possède plusieurs centres, désire se départir de celui-ci qui, bien que viable, n’atteint pas la rentabilité souhaitée par ses propriétaires. Le cédant a donc décidé de se départir des actifs pour un montant équivalent à l’évaluation de la juste valeur marchande (JVM) de ceux-ci, sans plus. L’équipe de travail met sur pied une coopérative de travail pour procéder à l’acquisition du centre.

L’évaluation des actifs à la juste valeur marchande va comme suit :

La nouvelle coop de travail réalise son plan d’affaires, fait inspecter le bâtiment et constate que des investissements supplémentaires permettraient de bonifier le projet. S’ajoutent donc des rénovations (et une contingence), d’autres équipements, des fournitures et des stocks supplémentaires ainsi qu’un fonds de roulement.

Tout au long de la mise sur pied du projet, des partenaires financiers ont été sollicités et l’on en arrive au montage financier final suivant : 

En ce qui a trait aux coûts du projet, on constate un ajout de près de 270 000 $ supplémentaires par rapport à la valeur des actifs vendus par le cédant. On prévoit donc acquérir du mobilier, des stocks et des fournitures supplémentaires auxquels s’ajoutent des honoraires professionnels et du fonds de roulement.

Le financement proposé des actifs cédés et des coûts supplémentaires du projet se détaille comme suit :

L’institution financière et Investissement-Québec partageront le prêt hypothécaire. La valeur des actifs immobiliers pouvant être pris en garantie correspond au terrain et au bâtiment rénové, incluant les contingences [1] : 1 574 150 $. L’institution et Investissement Québec viennent ici financer 65 % des actifs immobiliers avec garanties de premier rang sur ceux-ci en pari passu.


[1] Pour simplifier l’exemple, nous considérons ici que la juste valeur marchande du bâtiment est augmentée de la valeur des rénovations et des contingences. D’autres méthodes d’évaluation plus précises existent cependant.

Premièrement, la Fiducie du Chantier de l’économie sociale vient compléter le financement d’Investissement Québec et de l’institution financière par un prêt en capital patient immobilier à hauteur de 28 % des actifs immobiliers, avec une garantie de second rang, derrière l’institution et Investissement Québec. Ensuite, la Municipalité régionale de comté (MRC) vient prêter, sans garantie, un montant de 100 000 $ qui pourra être affecté au mobilier, à l’équipement et aux autres coûts.

D’abord, le Programme d’immobilisation en entrepreneuriat collectif vient couvrir une partie du coût d’achat du bâtiment et du terrain. Le Centre de transfert des entreprises du Québec (CTEQ), ensuite, participe au financement des coûts d’honoraires professionnels à hauteur de 70 % des coûts admissibles (14 000 $ sur le total des honoraires), la MRC, subventionne 30 000 $ et des parts émises aux membres à hauteur de 100 000 $.


Prenez note que le même projet, s’il était réalisé en OBNL pourrait être porté par des acteurs de la communauté (clients, fournisseurs, citoyens), les parts privilégiées en mise de fonds pourraient être remplacées par des obligations communautaires dans le montage financier.

Les travailleuses et travailleurs d’un centre de villégiature ont l’opportunité d’acquérir le centre qui les emploie. Il s’agit d’une société par action (SPA) et son unique actionnaire prépare sa retraite. Celui-ci, pour assurer la continuité du centre, dont le rendement est très satisfaisant, a offert à ses employés de racheter la compagnie en entier. L’équipe de repreneurs met sur pied une coopérative de travail pour procéder à l’acquisition du centre. Le prix demandé pour la totalité des actions la compagnie est de 1 950 000 $, incluant le terrain, le bâtiment, le mobilier et les équipements ainsi que fournitures et stock sur place.

L’évaluation des actifs à la juste valeur marchande va comme suit :

On constate que le prix demandé pour les actions de la compagnie est supérieur de plus de 400 000 $ à la valeur des actifs tangibles inclus dans la transaction. Le surplus correspond à l’achalandage. L’évaluation de la juste valeur marchande (JVM) de la compagnie confirmait par ailleurs que le prix demandé est raisonnable. L’enjeu auquel le repreneur collectif fait face est le financement de 400 000 $ d’actifs intangibles, ne pouvant être pris en garantie et, par conséquent, inclus dans le prêt hypothécaire. Le prêteur exigeant des garanties veut, comme pour l’achat des actifs, se baser sur la valeur marchande des actifs tangibles uniquement.

Tout comme dans l’autre exemple, des coûts s’ajoutent : des rénovations (et une contingence), d’autres équipements, des fournitures et des stocks supplémentaires ainsi qu’un fonds de roulement.

Le montage financier final est le suivant : 

En ce qui a trait aux coûts du projet, on constate encore un ajout de près de 270 000 $ supplémentaires par rapport à la valeur des actifs vendus par le cédant. On prévoit donc acquérir du mobilier, des stocks et des fournitures supplémentaires auxquels s’ajoutent des honoraires professionnels et du fonds de roulement. S’ajoute aussi, à la valeur des actifs de la compagnie, un achalandage à hauteur de 417 500 $.

Le financement proposé de la totalité des actions et des coûts supplémentaires du projet se détaille comme suit :

L’institution financière octroie le prêt hypothécaire. La valeur des actifs immobiliers pouvant être pris en garantie est la même que dans l’exemple précédent : 1 574 150 $. L’institution finance 65 % des actifs immobiliers avec garanties de premier rang sur ceux-ci. 

Comme une partie du prix des actions de l’entreprise est supérieur à la valeur des actifs tangibles, la coopérative fait appel au Programme d’aide à la reprise collective (PARC) d’Investissement Québec, qui offre de très bonnes conditions sans garanties exigées sur les actifs financés. Ensuite, la Fiducie du Chantier de l’économie sociale vient compléter le financement par un prêt en capital patient immobilier à hauteur de 23 % des actifs immobilier, avec une garantie de second rang, derrière l’institution financière. Ensuite, le Réseau d’investissement social du Québec (RISQ) vient prêter, sans garantie, un montant de 50 000 $ qui pourra être affecté au mobilier, à l’équipement et aux autres coûts.

L’équité est structurée de la même façon que dans l’autre exemple, mis à part le CTEQ qui participe encore aux coûts d’honoraires professionnels à hauteur de 70 % des coûts admissibles, lesquels sont un peu plus élevés vu la plus grande complexité de la transaction (17 000 $ sur le total des honoraires).


Prenez note que le même projet, s’il était réalisé en OBNL pourrait être porté par des acteurs de la communauté (clients, fournisseurs, citoyens), les parts privilégiées en mise de fonds pourraient être remplacées par des obligations communautaires dans le montage financier.

L’écosystème de financement des entreprises collectives québécois est très développé. Les acteurs de la finance solidaire se concertent régulièrement au niveau national, mais aussi durant l’analyse des projets. Il est fréquent que les responsables de l’analyse (analystes, directeurs de portefeuille, etc.) se contactent lorsqu’ils sont partie prenante du même montage financier.

Ces liens et ces échanges entre partenaires peuvent parfois créer un effet d’entrainement (positif ou négatif) dans la prise de décision de ceux-ci. Ainsi, on verra souvent l’annonce d’une décision positive prise par un acteur de financement mener à des positionnements semblables de la part de ses vis-à-vis. À l’inverse, une décision négative peut provoquer un effet domino menant à l’abandon ou à une refonte complète d’un projet.

L’accompagnateur doit être proactif afin de cibler les partenaires les plus enclins à se positionner rapidement et s’assurer que le repreneur collectif fournit la même information à tous les partenaires pour une meilleure concertation entre ceux-ci.

L’analyse d’une demande de financement provenant d’une entreprise collective doit se baser sur les caractéristiques particulières de celles-ci, voici les principaux angles d’analyse :

« L’association »« L’entreprise »
La missionLe marché
L’utilité socialeLes opérations
La gouvernanceLes ressources humaines
L’ancrageLe développement durable
Le volet financier
Les angles d’analyse type d’une entreprise d’économie sociale

Alors que l’analyse du volet « Association » est en majeure partie liée à la nouvelle équipe et au nouveau projet d’entreprise, l’analyse du volet « Entreprise » est en très grande partie liée à l’entreprise cédée.

La liste ci-dessous présente les aspects typiques sur lesquels on voudra se pencher dans un cas de reprise collective :

  • Qu’est-ce qui est compris dans le prix ?
  • Quel est le coût de projet vs la juste valeur marchande (JVM) ?
  • Quelle est la qualité de l’évaluation de valeur des actifs, tangibles et intangibles ?
  • Y a-t-il des motivations non dévoilées derrière la vente, telles que des mutations dans le marché, des tensions internes, l’arrivée de concurrents majeurs, etc. ?
  • Le cédant offre-t-il une balance de vente, à quelle hauteur, selon quelles conditions ?
  • Quelle sera l’implication du cédant dans le transfert d’expertises et de savoir-faire ?
  • Quel était son rendement ? Était-elle en déclin, stable ou en croissance ?
  • Quels étaient son environnement d’affaires, sa concurrence, ses partenariats ?
  • Quelle était la qualité du management ?
  • Quelle est la nature de ses dettes (dans le cas d’un achat d’actions) ?
  • Y a-t-il des éléments fiscaux liés à des événements passés qui pourraient émerger ?

Les partenaires financiers procèderont donc, au-delà de l’analyse du projet, à une vérification diligente auprès de l’entreprise cédée et de ses propriétaires. On voudra donc vérifier notamment les antécédents fiscaux, le carnet de commandes, l’existence de poursuites juridique, etc.  

Les décisions de financement, mis à part certains financements préliminaires (études, évaluation, par exemple), sont presque toujours interdépendantes et concertées. Lorsque les partenaires présents au montage financier choisissent de s’engager dans le projet, la plupart du temps, ils se concerteront sur les montants investis par chacun et sur les conditions liées au financement afin, notamment, d’en harmoniser le déboursement.

Selon le niveau de risque lié au projet, les partenaires désireront soit prendre une partie importante du financement (projet non risqué) ou partager au maximum le risque avec les autres partenaires (projet très risqué). Ce dernier cas de figure implique cependant beaucoup de logistique et de temps : dates d’approbation, conditions respectives, etc.

La décision de financement, particulièrement pour les prêteurs, est assortie de conditions de déboursement et de suivi. Outre des conditions de base présentes dans toutes les décisions de financement (accord de tous les partenaires, résolutions du conseil d’administration, interdiction de versement de ristourne ou remboursement de parts ou obligations communautaires sans accord du partenaire, etc.), on verra certaines conditions s’ajouter, liées à des facteurs de risque constatés durant l’analyse.

Alors que certaines conditions permettent de bonifier ou sécuriser le nouveau projet (ajout d’un observateur au conseil d’administration, fournir un plan marketing avec budget et échéancier, s’engager à suivre une formation sur la gouvernance, etc.), d’autres sont directement liées à l’entreprise cédée.

L’implication de la ressource d’accompagnement peut s’avérer d’un grand apport dans l’étape d’analyse et décision de financement pour coordonner la démarche ou guider le repreneur collectif (recenser les informations nécessaires auprès des partenaires, organiser celle-ci et la synthétiser pour le repreneur).

L’étape du déboursement commence aussitôt que tous les partenaires financiers au projet ont officiellement donné leur accord au financement. C’est d’ailleurs la première condition de financement de chacun des partenaires. Mais contrairement à ce que l’on pourrait croire, le déboursement ne se fait pas sitôt les accords obtenus. Il s’agit d’un processus plus ou moins long selon la complexité du projet et les conditions émises par les partenaires.

Premièrement, les partenaires exigeront des preuves et pièces justificatives en lien avec les coûts annoncés. Il pourra s’agir de facture, de soumission fermes ou autres documents. Le tableau suivant présente un aperçu de ce que peuvent être les documents finaux demandés pour faire autoriser un déboursement. On constatera qu’il s’agit de documents plus formels que ceux accompagnant le montage financier final.

Nature du coût de projetPreuves requises
Coûts de l’entrepriseConvention d’achat
Coûts supplémentaires
RénovationsFactures (ou soumissions fermes, appuyées ultérieurement par des factures)
Améliorations locativesFactures ou documents d’architecte confirmant le pourcentage de réalisation
Mobilier/équipements/matériel roulant Factures (ou soumissions fermes, appuyées ultérieurement par des factures) 
Fournitures diversesFactures
Stocks supplémentairesFactures
Frais de démarrageFactures
Fonds de roulementBudget de caisse révisé
Tableau – Preuves et pièces justificatives requises pour le déboursement des financements

Ensuite, certaines autres conditions doivent être complétées préalablement aux déboursements et peuvent parfois ralentir le processus ou même contraindre les partenaires à retourner à la table à dessin, avec les risques et les retards que ça peut impliquer. Par exemple, une inspection du bâtiment inclus dans la vente de l’entreprise peut révéler des problèmes structuraux. Dans ce cas, une expertise d’ingénieur sera requise pour proposer des correctifs et ces derniers peuvent s’avérer coûteux. Le cédant pourra réduire le coût de vente de l’entreprise, mais peut-être faudra-t-il aussi obtenir un financement d’appoint pour réaliser le projet, ce qui induira des délais et du travail supplémentaire.

Dans le cas de financement en plusieurs versements, des rénovations majeures, par exemple, les partenaires se coordonneront et harmoniseront leurs déboursements. Ces déboursements pourront être évalués par le pourcentage de réalisation des travaux, qui sera confirmé par un architecte.

Il est à noter également que certains partenaires accordent rapidement le financement, mais réaliseront ensuite une vérification diligente très détaillée (condition de financement) alors que d’autres réaliseront cette vérification en amont et seront prêts à débourser lorsqu’ils accorderont le financement.

Il importe donc ici de bien comprendre les conditions et enjeux légaux et financiers qu’impliquent les ententes de financement, ainsi que les délais qui en découlent. Il faut ensuite les expliquer au repreneur collectif. Il pourra aussi s’avérer utile de faire appel à des ressources spécialisées pour s’assurer que le contenu des ententes est bien compris.


Tableau synthèse des éléments à retenir

  • L’accompagnateur joue un rôle de courroie de transmission privilégiée entre le repreneur collectif et les partenaires financiers et éventuellement entre ceux-ci.
  • Sa connaissance des divers programmes et outils de financement ainsi que des particularités de l’économie sociale permet d’orienter rapidement le repreneur et de faciliter le montage d’un dossier mieux ficelé.

Le choix de mode de transfert vient habituellement du cédant, selon les avantages qu’il en tire. Le tout se négocie toutefois au cas par cas.

  • Les actifs : le repreneur achète les actifs tangibles tels que les équipements, le bâtiment, les stocks, etc. La nouvelle entreprise est ensuite exploitée au nom du repreneur.
  • La totalité des actions : le repreneur achète l’entièreté de l’entreprise dont il devient le propriétaire. L’entreprise continue ses activités sous la même structure juridique. Elle est habituellement fusionnée au repreneur dans les mois suivants.

Attention : le repreneur achète également le passé de l’entreprise cédée et doit s’assurer de ne pas avoir de surprises.

  • Une partie des actions : habituellement faite par une Coopérative de travailleurs actionnaire (CTA) dans une perspective d’acquisition de la majorité ou de la totalité des actions, mais pas exclusivement. Le repreneur participe alors à la gestion de l’entreprise.

Il importe que les parties (cédant et repreneur) fassent appel à des ressources professionnelles pour faire l’évaluation de la valeur de l’entreprise. Elles devraient s’entendre sur les méthodes d’évaluation, particulièrement pour l’achalandage. Le réalisme des coûts et du potentiel de financement représentent en quelque sorte le GO, NO-GO du démarrage du projet.

  • La valeur de l’entreprise : déterminée par deux facteurs principaux, la valeur des actifs dont dispose l’entreprise et son potentiel économique sur le marché, son achalandage.
  • Les autres coûts de projet : développement ou consolidation de l’entreprise cédée, évalués sommairement à ce stade-ci.
  • Les sources de financement potentielles : exploration sommaire et identification des sources de financement disponibles et auxquelles le projet de reprise est admissible.

Nous recommandons à l’accompagnateur de faire les premiers contacts Lorsque le repreneur collectif communiquera avec les partenaires financiers, il importe que ce soient les personnes du groupe qui maîtrisent le mieux les aspects financiers du projet afin de bien mettre en confiance les partenaires.

  • Pour obtenir des informations plus précises et mieux contextualisées que sur les sites Internet.
  • Pour obtenir des pistes sur des programmes financiers complémentaires.
  • Pour confirmer l’intérêt des partenaires financiers quand les coûts du projet se précisent.

On doit utiliser les prévisions financières non seulement comme outil de financement, mais aussi comme outil stratégique de gestion. Sinon, il est souvent très tentant d’y inscrire ce que l’on désire que l’interlocuteur reçoive comme message. Peuvent en résulter des évaluations trop optimistes des revenus, des sous-évaluations de dépenses ou des oublis.

  • Le plan d’affaires : doit fournir des informations sur l’entreprise cédée, sur le projet de reprise, incluant le volet associatif et l’entreprise, ainsi que les prévisions financières. Des annexes s’y rajoutent selon le projet. Il doit bien refléter la qualité de celui-ci.
  • Les prévisions financières : doivent être en continuité de l’historique de l’entreprise cédée et adaptées, le cas échéant, au nouveau projet du repreneur collectif. Toutes les données significatives doivent être basées sur des hypothèses solides et documentées.

Les prévisions sont composées des états financiers historiques, de l’entreprise cédée et du repreneur s’il s’agit d’une entreprise existante, du montage financier, des états des résultats prévisionnels, du budget de caisse et bilans prévisionnels, habituellement sur un horizon de trois ans.

Une fois le montage financier déposé aux partenaires financiers, certains ajustements continueront de se faire en cours d’analyse, jusqu’à la décision finale : soumission ferme remplaçant des évaluations, précisions de certains paramètres de financement, désistement d’un partenaire (impliquant un réajustement du montage financier, etc.)

  • Coûts de projet : les partenaires financiers voudront les coûts les plus précis possible afin de bien évaluer la hauteur de leur engagement financier. Les coûts devront être bien documentés, sur la base de documents justificatifs.
    • Le coût de l’entreprise cédée : devra faire l’objet d’une évaluation de la juste valeur marchande. Cette évaluation n’exclut pas une entente négociée entre les parties sur le prix.
    • Coûts supplémentaires : le repreneur désirera souvent développer l’entreprise, la consolider ou lui donner sa couleur. Des frais d’expertises s’ajoutent aussi au montage financier.
  • Sources de financement : l’écosystème québécois de la finance solidaire est très développé et offre plusieurs types de financement, en équité, quasi-équité et dette, dont certains produits financiers dédiés à la reprise collective.
    • La prise de garantie : la dette doit, dans la très grande majorité des cas, être appuyée sur des garanties, ou suretés (immeubles, biens meubles, comptes à recevoir, etc.), elle servira donc à financer des actifs tangibles. L’équité et la quasi-équité permettront de financer les autres types d’actifs ou des actifs tangibles ne pouvant être enregistrés en garanties (achalandage, fonds de roulement, stocks, etc.).
    • La balance de vente : la participation du cédant au montage financier est assez fréquente. Elle permet d’assurer une implication du cédant dans le transfert de l’entreprise au repreneur. Cette implication doit cependant être explicite et limitée dans le temps.
    • La mise de fonds : dans le cas d’une création d’entreprise, la mise de fonds proviendra principalement de l’émission de parts pour les coopératives ou d’obligations communautaires pour les OBNL.

L’accompagnateur doit être partie prenante de l’interaction entre partenaires et être proactif afin de cibler les partenaires les plus enclins à se positionner rapidement et s’assurer que le repreneur collectif fournit la même information à tous les partenaires. Il pourra mieux guider le repreneur collectif par la suite lors du déboursement.

  • Interaction entre les partenaires : les partenaires financiers se concertent habituellement durant l’analyse des demandes financement, ils s’échangent des informations et partagent certains éléments d’analyse.
  • Angles d’analyse : certains éléments font l’objet d’une attention particulière dans l’analyse d’un projet de reprise collective tel que le prix d’acquisition de l’entreprise, les motifs de la vente, le rôle et l’implication du cédant (financière et personnelle) et très important, le passé de l’entreprise cédée.
  • Décision de financement : généralement concertée et en interdépendance entre les partenaires. Selon le niveau de risque du projet, on verra les décisions être accompagnées d’un nombre plus ou moins grand de conditions de déboursement, certaines pour bonifier le projet ou sécuriser le nouveau projet et d’autres directement en lien avec l’entreprise cédée afin d’éviter des surprises provenant de son passé.

Certaines conditions de déboursement peuvent ralentir le processus ou même contraindre les partenaires à retourner à la table à dessin, avec les risques et les retards que ça peut impliquer.

L’accompagnateur doit bien comprendre les conditions et les enjeux légaux et financiers qu’impliquent les ententes de financement, ainsi que les délais qui en découlent pour les expliquer au repreneur. Il pourra aussi s’avérer utile de faire appel à des ressources spécialisées pour s’assurer que le contenu des ententes est bien compris.

  • Preuves de dépenses et pièces justificatives : devront être plus formelles qu’à l’étape du montage financier afin de prouver que le financement est utilisé conformément à l’entente de financement. Il s’agira de factures ou de documents officiels (soumissions fermes, convention d’achat, etc.).
  • Conditions supplémentaires : doivent être prises en compte dans la planification du déboursement et de la réalisation du projet (inspection par un professionnel, obtention de certaines autorisations, etc.).